La Maison-Blanche a préparé 18 scénarios pour punir la Russie en cas d'agression contre l'Ukraine, selon le département d'Etat américain, mais de nouvelles sanctions européennes pourraient différer les restrictions américaines. Selon la nature d'une hypothétique agression de la Russie contre l'Ukraine, les Etats-Unis seraient prêts à imposer une des variantes de sanctions élaborées par l'administration de Joe Biden, a annoncé au Financial Times la sous-secrétaire d'Etat pour les Affaires politiques, Victoria Nuland. Victoria Nuland a mis en avant que l'effet de ces mesures serait pénible pour Moscou. "Je ne vais pas donner un aperçu des 18 scénarios différents... Je dirais simplement que notre engagement et la conversation que nous avons avec nos alliés consistent à infliger une douleur très aiguë très rapidement, si la Russie passe à l'action [contre l'Ukraine, ndlr] sous quelque forme que ce soit", a-t-elle lancé, selon le Financial Times. D'après Mme Nuland, les Etats-Unis essayent cependant de "comprendre" les risques des pays européens relatifs aux sanctions contre la Russie pour "construire ce paquet qui partage le fardeau aussi équitablement que possible et que les gens sont prêts à mettre en œuvre". Dans ce contexte, la sous-secrétaire d'Etat a suggéré que les sanctions américaines et européennes ne soient pas "identiques". "Parfois, il y a des choses que l'Europe peut faire qui sont plus difficiles pour nous et parfois c'est l'inverse", a-t-elle confié au Financial Times.
Consultations sur les garanties de sécurité
La responsable américaine a également touché le sujet de la première série de consultations sur les garanties de sécurité réciproques en Europe entre la Russie et l'Otan. "Tout ce que nous avons fait jusqu'à présent, c'est de s'écouter les uns les autres. Nous n'avons pas entamé le genre de consultations que nous aurions à avoir pour essayer de parvenir à des accords, en particulier s'ils [les Russes, ndlr] veulent que ces accords aient force obligatoire. Nous aurions donc besoin de plus de temps", a-t-elle relaté. Et d'ajouter que du point de vue américain, la porte d'une solution diplomatique était toujours ouverte et que Washington travaillait sur des réponses écrites aux responsables russes. "Nous voulons continuer à parler. Nous pensons que cela doit être fait sur la base de la réciprocité - à savoir, ils [les Russes, ndlr] vont avoir des griefs, mais nous avons aussi des préoccupations", a déclaré au média Victoria Nuland. Une semaine de discussion pour rien
Le 17 décembre 2021, Moscou avait présenté des projets d'ententes avec les Etats-Unis et avec l'Otan contenant, entre autres, des clauses sur les garanties de sécurité et le non-déploiement de missiles de courte et moyenne portée à distance de tir de l'autre partie. Aux termes de l'accord, l'Otan devrait renoncer à s'élargir à l'est, et notamment à intégrer les anciennes Républiques soviétiques. La première série de consultations sur ces propositions a eu lieu le 10 janvier à Genève, le 12 janvier au siège de l'Otan à Bruxelles et le 13 janvier au siège du conseil permanent de l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) à Vienne.
Après une intense semaine de pourparlers russo-occidentaux, la déception est grande. Moscou et les chancelleries occidentales ne sont pas parvenus à trouver un terrain d'entente. Bien qu'à Vienne, l'OSCE ait insisté sur l'"urgence" du dialogue, celui-ci est dans "l'impasse", a estimé le vice-ministre russe des Affaires étrangères Sergueï Riabkov. Américains et Européens ont rejeté en bloc les demandes de Moscou concernant la non-intégration de l'Ukraine dans les rangs de l'Otan. Pour le n°2 de la diplomatie russe, qui a mené le 10 janvier la délégation russe à Genève, il est inutile de reprendre les pourparlers dans les prochains jours. Celui-ci a également déclaré que si les Occidentaux persistaient sur leur ligne, un déploiement militaire russe à Cuba et au Venezuela n'était pas à exclure. Une "fanfaronnade", a vertement répliqué la Maison-Blanche, promettant que les Etats-Unis répondraient de manière "décisive" à un tel déploiement russe à ses portes.
Poutine, Lavrov et d'autres, personae non grata aux USA ? Depuis le mois de décembre et la parution dans la presse américaine de photos satellites montrant du matériel militaire russe à la frontière biélorusse, les Occidentaux accusent Moscou de préparer l'invasion de l'Ukraine. De son côté, la Russie persiste et signe sur le fait qu'elle n'a nullement l'intention d'attaquer son voisin et que ces mouvements de troupes sur son propre sol ne regardent qu'elle. Montée en épingle par la presse, cette "menace" de l'"ogre russe" sur l'Ukraine a pourtant abouti aux actuels pourparlers. Serait-ce finalement les Occidentaux qui ne comprendraient que la force? Face à cette incompréhension, Vladimir Poutine aurait ainsi "dû hausser la voix", comme l'estimait auprès de Sputnik l'ex-ambassadeur français Eugène Berg. "On aurait dû discuter avant", regrette-t-il, évoquant le cas de la crise géorgienne... il y a plus de 13 ans. Washington se dit ainsi "prêt à tous les scénarios" avec Moscou: poursuite du dialogue ou représailles "sévères". Le 13 janvier, au moment même où la réunion de l'OSCE s'ouvrait sur le Vieux Continent, les sénateurs démocrates présentaient un nouveau train de sanctions en cas d'invasion de l'Ukraine. Ces dernières prévoient notamment d'interdire de territoire américain Vladimir Poutine et les figures du gouvernement, dont le ministre des Affaires étrangères Sergueï Lavrov, ainsi que la déconnexion des grandes banques russes du système de paiement interbancaire (SWIFT). Une "mesure intolérable équivalente à une rupture des relations", a mis en garde le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov. "Dans l'état actuel des choses, les positions des Russes et des Américains sont irréconciliables", résume Melinda Haring, la directrice adjointe du centre américain Eurasia, dans une note d'analyse.