Après l'amélioration de la situation épidémiologique, l'Exécutif a levé les restrictions, tout en misant sur l'achèvement de la campagne de vaccination. En autorisant les troisièmes doses avant le délai de six mois, les autorités déclenchent un débat scientifique intense. Détails. En adoptant la troisième dose, le ministère de la Santé est resté ambigu quant à cette mesure, avec une communication peu claire. Bien qu'elle soit prévue au début pour les personnes âgées, la troisième injection est devenue nécessaire au bout de six mois de la prise de la deuxième dose, quitte à voir son passeport vaccinal invalide. Cependant, le délai de six mois ne semble plus exigé, quelques centres de vaccination et des vaccinodromes administrent la troisième dose, même avant le délai requis et ceci nous a été confirmé par plusieurs témoins qui l'ont reçue de façon précoce. Une troisième dose précoce est possible ! Cette dérogation est permise dans des cas exceptionnels du point de vue scientifique. Jaâfar Heikel, épidémiologiste et expert en économie de santé, défend la prise de la troisième dose avant le délai fixé préalablement par les autorités sanitaires. Selon l'expert, pour des raisons de baisse de l'immunité, la dose supplémentaire peut être donnée même trois mois après la deuxième dose, aux personnes âgées, porteuses de maladies chroniques ou dont l'immunité est basse. « Ce n'est pas une contre-indication que de la faire après au moins trois mois », a expliqué l'expert sur son compte Twitter. Selon l'expert, connu pour sa communication régulière sur la campagne de vaccination, « la troisième dose peut se faire normalement environ 200 jours après la 2ème dose pour des raisons de baisse de l'immunité ». « En fait, la maladie nous confère une immunité de 6 mois au moins. La vaccination nous protège de la transmission dans 70% des cas et de cas graves dans 85 à 90% des cas, et ce, pendant une période moyenne de 200 jours. Ce sont les données scientifiques actuelles », a-t-il poursuivi, tout en n'excluant pas un recours précoce à la troisième injection. Le Comité scientifique réservé Cette dérogation ne semble pas encore prise en compte par le Comité scientifique. Contacté par nos soins, Amina Barakat, membre du Comité, nous explique que le délai de la prise de la troisième dose est toujours fixé à six mois et que le Comité n'a pas connaissance du changement de délai. « De toute façon, tout changement devrait faire l'objet d'une communication officielle de la part du ministère de la Santé », souligne l'experte. Il est donc clair que cette question suscite un débat scientifique, d'autant que la troisième dose est encore sujette d'expérimentation à l'échelle internationale. Cet avis est partagé par Moulay Mustapha Ennaji qui précise que les études, à l'échelle globale, montrent que l'immunité acquise après les deux premières doses est réduite au bout de six à huit mois. Tayeb Hamdi, expert en politiques et systèmes de santé, est, quant à lui, très prudent sur l'hypothèse d'une troisième dose précoce. Selon lui, cette possibilité ne peut être admise, compte tenu des données scientifiques disponibles actuellement, que pour les personnes très faibles, à savoir celles qui ont subi des opérations chirurgicales difficiles comme la transplantation ou celles qui souffrent des maladies chroniques très graves comme les cancers et l'insuffisance rénale. « Parfois, ce genre de cas ne répond pas aussi efficacement aux vaccins qu'espéré et alors il faut renforcer leur immunité avec la troisième dose le plus rapidement possible », explique M. Hamdi qui limite cette possibilité à cette catégorie de personnes. Covid-19 : l'embellie se poursuit, l'Exécutif abandonne les restrictions Loin des débats scientifiques, il est clair que les autorités sanitaires veulent en finir avec la campagne de vaccination le plus tôt possible vu qu'il est temps de retourner à la vie normale. Si on essaye d'accélérer la campagne, c'est pour lever les restrictions. C'est ce qu'a annoncé le gouvernement qui a mis fin au couvrefeu nocturne et aux restrictions de déplacement entre les villes et les préfectures du Royaume. Une décision attendue après la chute palpable de la courbe épidémiologique et l'adoption du passeport vaccinal. Rappelons que 24,33 millions de personnes sont vaccinées, dont 22,3 ont eu leurs deux doses. Concernant les troisièmes injections, 1,54 million ont été administrées depuis l'adoption de cette mesure. Anass MACHLOUKH Trois questions à Mustapha Ennaji « La troisième dose n'est permise que si le test sérologique d'anticorps IgM est inférieur à 16, sinon, on peut attendre»
Virologue et membre du Comité technique anti-Covid, Dr Mustapha Ennaji répond à nos questions à propos de la prise de la troisième dose de vaccin.
- Le ministère de la Santé a imposé la troisième dose au bout de six mois de la deuxième, peut-on se permettre de la prendre avant ce délai et à partir de quel mois exactement ? - D'abord, on est vacciné lorsqu'on a pris la première et la deuxième doses du vaccin anti- Covid. A partir d'ici, on parle de personnes vaccinées. Celles ayant pris uniquement la première dose ne sont pas considérées comme totalement vaccinées, parce que les effets cliniques exigent qu'une deuxième dose soit administrée. Maintenant, il s'avère que les études encourues à l'échelle globale montrent que cette immunité acquise après les deux premières doses est réduite au bout de six à huit mois. Donc, il devient nécessaire de booster l'immunité. C'est pourquoi la troisième dose est requise. Donc il est plus utile de prendre la troisième dose après le délai de six mois, et non pas avant, si on a acquis une bonne immunité dans les 6 mois qui suivent la deuxième dose du vaccin. - L'immunité peut-elle baisser de façon significative avant six mois de la deuxième injection et dans quels cas précisément ? - Cela dépend des conditions physiques de chaque personne. Normalement, si le test sérologique d'anticorps IgM est inférieur à 16, on pourrait prendre la troisième dose. Par contre, s'il est supérieur à 16, on peut attendre un peu. - Y a-t-il des risques d'effets secondaires à prendre la troisième dose de façon précoce (c'est-à-dire avant le délai de six mois) ? - Chaque médicament peut avoir des effets secondaires, qu, en général, disparaissent au bout d'un ou deux jours. Selon des études, au Maroc et à l'étranger, on constate très peu d'effets secondaires.