Après avoir obtenu l'aval du Comité scientifique, le ministère de la Santé s'apprête à autoriser la troisième dose du vaccin anti-Covid pour les personnes vulnérables. Une généralisation à l'ensemble de la population n'est pas exclue. Des experts nous en parlent. Détails. Au moment où la campagne de vaccination continue d'avancer, avec 54% de personnes vaccinées, le Maroc compte autoriser l'injection de la troisième dose. Le ministère de la Santé a obtenu le feu vert du Comité technique de vaccination, qui a approuvé cette nouvelle mesure. Saïd Afif, membre du Comité, nous a confirmé que cette décision fera l'objet d'un communiqué officiel du ministère de la Santé dans les jours qui viennent. En effet, seules les personnes vulnérables, les personnes âgées de 65 ans et plus, le personnel de premières lignes et les personnes atteintes de maladies chroniques sont concernées par la troisième injection. Une mesure de précaution Pourquoi recourir à cette nouvelle injection ? Saïd Afif nous explique qu'il s'agit d'une nécessité vu que plusieurs cas de contaminations ont été constatés chez les médecins et le personnel médical, malgré leur vaccination. Ceci dit, il s'agit d'une mesure de précaution puisqu'il faut veiller à la continuité du Système de Santé, souligne notre interlocuteur. En vérité, l'appel à une troisième vaccination résonne mal chez beaucoup de personnes qui ne comprennent pas l'utilité d'une mesure pareille, d'autant que les vaccins anti Covid-19 se sont montrés efficaces, même contre les nouvelles souches, en protégeant contre les formes graves. En outre, la troisième dose est présentée comme une solution à la baisse de l'immunité chez les catégories concernées à partir du sixième mois après la vaccination. Ceci s'explique par le fait que la réponse immunitaire aux vaccins (quantité des anticorps) chez les personnes âgées est moins importante que celle des jeunes, souligne Tayeb Hamdi, expert en systèmes et politiques de Santé, consulté par L'Opinion. « On impose la troisième dose lorsqu'on s'aperçoit que les deux doses précédentes ne sont pas suffisantes pour protéger complètement les gens contre le risque de contracter la maladie », souligne l'expert, ajoutant que le nouveau variant Delta et le risque d'apparition de nouvelles souches exigent une protection supplémentaire. En réalité, le Maroc peut se permettre l'injection de la troisième dose du moment que le stock vaccinal du Royaume est sécurisé grâce à un approvisionnement régulier et au prochain démarrage de la fabrication locale des vaccins. Rappelons le, la première dose « made in Morocco » est attendue en décembre prochain. Une mesure généralisable Quoi qu'on se limite actuellement aux personnes vulnérables et aux frontliners, Tayeb Hamdi, expert en politiques et systèmes de Santé, a l'intime conviction qu'on ne manquerait pas de se diriger vers une généralisation de la troisième dose à toutes les catégories vaccinées de la population. « Dans ce cas, il faudrait aller par étape, d'abord, il est recommandé de commencer par les personnes de 50 ans et plus, avant d'inclure le reste de la population », a-t-il préconisé. Cependant, la généralisation de la troisième dose demeure tributaire de la cadence de vaccination. M. Hamdi affirme qu'il est plus prioritaire d'achever la vaccination de toute la population cible avant de songer à la généralisation de la troisième dose. La dernière dose ? Lorsqu'on évoque la possibilité de la troisième dose, les interrogations se multiplient sur les risques qu'elle peut faire courir, d'autant que c'est la première fois qu'on augmente la quantité administrable des vaccins anti Covid-19 de cette façon. Il ne faut absolument rien craindre, rassure Ahmad Ghassan El Adib, professeur à l'université Cadi Ayyad de Marrakech, membre du Conseil de la Société marocaine de la médecine d'urgence, selon qui le rapport bénéfice/risque de la troisième dose est complètement rassurant, du moment que le risque d'effets secondaires est quasiment nul après la prise des deux doses. S'ajoute à cela la hausse de l'efficacité de la troisième injection qui booste l'immunité pendant longtemps. En effet, des experts américains, du College of Medicine à Houston et de l'Université de Californie à San Francisco, ont fait savoir qu'il est fort probable que la troisième dose serait la dernière pour la simple raison que les Coronavirus ne mutent par autant que la grippe. Encore faut-il, selon ces derniers, que l'intervalle entre les doses soit plus long pour permettre aux anticorps de se développer davantage.
Anass MACHLOUKH Trois questions à Ahmad Ghassan El Adib « La troisième dose assure un degré d'immunisation plus important »
Ahmad Ghassan El Adib, professeur à l'université Cadi Ayyad de Marrakech, Faculté de médecine et de pharmacie, membre du Conseil de la Société marocaine de la médecine d'urgence, a répondu à nos questions sur les enjeux de la prescription de la troisième dose du vaccin et la possibilité de sa généralisation. - Le Comité scientifique a approuvé la troisième dose, est-ce une mesure indispensable sur le plan épidémiologique ? - Je suis l'un des partisans de la troisième dose pour plusieurs raisons. D'abord, de nombreuses études montrent que l'immunité baisse au bout de six mois de la deuxième dose. En fait, quelques cas de décès ont été constatés chez des malades vaccinés. Deuxièmement, des études menées dans certains pays qui ont commencé à administrer la troisième dose aux personnes les plus vulnérables, après six mois de leur immunisation préalable, ont montré que la courbe des hospitalisations en réanimation s'inverse systématiquement. Le cas d'Israël est plein d'enseignements. L'enjeu est clair, il s'agit de préserver le système de Santé contre le risque de la hausse des hospitalisations issues de la vague Delta ou d'une nouvelle vague. - Quels sont les bénéfices de la troisième dose en termes d'efficacité ? - Je puis vous dire, sur la base des données à ma disposition, que la troisième dose permet d'augmenter l'immunité de façon phénoménale, sachant que la quantité des anticorps se multiplie visiblement. Un récent article du Magazine « Netcher » montre que l'immunité issue de la troisième dose dure plus longtemps que celle provenant des deux premières injections. Concernant le risque, il est prouvé que la dose supplémentaire a plus de bénéfices que de risques, ces derniers sont quasiment nuls. Les résultats des études montrent le recul des formes graves et notamment chez les personnes âgées. - Est-ce que l'option de généralisation de la troisième dose est prioritaire, ne pose-t-elle pas de problèmes sur le plan éthique au moment où plusieurs pays africains peinent à vacciner leurs populations ? - Evidemment qu'il faut aller par étape. Il faut d'abord rappeler les personnes âgées qui n'ont pas encore fini leur vaccination et vacciner les frontliners. Ensuite, on peut procéder à l'injection des troisièmes doses avec un focus sur les personnes vaccinées avant six mois. Concernant le problème éthique que cela pose, il ne faut pas négliger le souci de l'équité vaccinale, tant que plusieurs pays africains sont à un taux de vaccination quasi nul, avec toujours le risque de nouvelles souches. À cela s'ajoute la menace épidémiologique. Toutefois, nous ne pouvons nous passer de l'administration des troisièmes doses pour les catégories prioritaires, pour le moment. La généralisation peut attendre.