Les affrontements avaient repris dans la ville d'Aqrab entre jeunes et policiers qui ont usé de gaz lacrymogène pour disperser les manifestants qui bloquaient les routes et jetaient des pierres sur les forces de sécurité. Selon des témoins et des médias locaux, des unités de l'armée sont arrivées à «Aqrab» dans le but de protéger les bâtiments et les biens publics de la ville. En signe de protestation contre les violences policières et en soutien aux revendications des habitants, le syndicat régional du travail a appelé à une grève dans les secteurs public et privé à «Aqrab» mercredi. Les manifestations de Aqrab constituent un premier test sérieux pour le gouvernement de Naglaa Boden, nommé par le président Kais Saied le mois dernier, sur la manière de répondre à la colère et à la frustration croissantes face à la médiocrité des services publics et aux conditions sociales, économiques et environnementales difficiles. La fermeture de la décharge d'Aqrab, à 20 km de Sfax, par décision judiciaire, a provoqué l'accumulation de milliers de tonnes d'ordures ménagères pendant environ un mois dans les rues, les marchés et même devant les hôpitaux de Sfax, la deuxième ville tunisienne, ce qui a poussé des milliers de personnes à manifester. Sous pression et avec une colère grandissante là-bas, le gouvernement a décidé de rouvrir la décharge d'Aqrab. Des témoins ont déclaré que les manifestants tunisiens rejettent la décision des autorités de rouvrir une décharge dans la ville méridionale d'Aqrab et ont incendié un centre de la Garde nationale, mardi, dans le cadre d'une escalade d'une manifestation qui a éclaté tard lundi soir. Un mort par asphyxie L'escalade intervient un jour après la mort d'un jeune homme qui, selon les témoins et sa famille, est mort asphyxié par les gaz tirés par la police dans la ville. Un responsable de l'hôpital a déclaré mardi à l'Agence France-Presse que la victime a été emmenée à l'hôpital d'Aqrab, et était en état d'étouffement. Un parent a déclaré : « Il a suffoqué pendant la manifestation à cause du gaz, et je l'ai emmené à l'hôpital, où il est décédé ». «Des gaz lacrymogènes ont fui à l'intérieur de l'hôpital», a-t-il ajouté. Sa soeur, qui travaille comme infirmière à l'hôpital, a confirmé dans des déclarations aux médias : «Ils lui ont jeté du gaz, ils l'ont tué avec du gaz». Le ministère de l'Intérieur a démenti la nouvelle du décès du lacrymogènes, et a expliqué dans un communiqué que «l'intéressé est décédé des suites d'un état de santé d'urgence à son domicile situé à six kilomètres du lieu des manifestations, puis un de ses proches l'a transféré à l'hôpital de l'endroit, où il est décédé». Le parquet a ouvert une enquête judiciaire pour déterminer les raisons de ce décès. Refus de la réouverture de la décharge publique En revanche, le Forum tunisien des droits économiques et sociaux a confirmé que la mort du jeune homme « résultait d'une utilisation massive de gaz ». Lundi, la décharge «Al-Qena» d'Aqrab a été rouverte et la zone a été le théâtre de protestations nocturnes d'un groupe de jeunes lançant des pierres, qui ont riposté avec des gaz lacrymogènes. La décharge d'Aqrab a été fermée fin septembre, et la décision est intervenue après des protestations contre le déversement de déchets chimiques sur le site désigné pour les déchets ménagers, mais après cela, la ville de Sfax a été témoin d'un amoncellement de déchets dans les rues. Mardi, le Forum tunisien des droits a mis en garde contre «le retour des mesures sécuritaires pour répondre aux revendications sociales légitimes, ce qui ne fera que compliquer la situation sociale et politique». Le président tunisien Kais Saied a appelé le ministre de l'Intérieur Tawfiq Sharafeddine et le Premier ministre Najla Bouden lors d'une réunion avec eux à trouver des solutions urgentes à la situation environnementale de Sfax, qu'il a qualifiée de catastrophique.
Pétition conte l'autocratie Une pétition en ligne a été signée mardi par 75 personnalités tunisiennes, exprimant leur opposition à la poursuite de ce qu'elles appellent le «coup d'Etat» du président du pays, Kaïs Saïed, contre la Constitution, et s'engageant à faire face au «pouvoir unique et absolu «. La Tunisie traverse une grave crise politique depuis le 25 juillet dernier, lorsque Saïed a décidé d'une série de mesures d'exception, dont le gel des pouvoirs du Parlement, la levée de l'immunité de ses députés, ainsi que la suppression de l'organe de contrôle de la constitutionnalité des lois. Selon les informations recueillies par l'Agence Anadolu, la pétition a jusqu'ici recueilli les signatures de 75 personnalités, dont des parlementaires, des professeurs d'université, des militants des droits de l'Homme et des activistes politiques. Publiée sur Facebook sous le titre «Défendre la démocratie... contre l'autocratie», la pétition compte parmi ses signataires le secrétaire général du Parti Al-Jomhouri (républicain), Issam Chebbi ; le député Safi Saïd ; l'ancien ministre Ayachi Hammami et Sihem Bensedrine, présidente de l'Instance «Vérité et Dignité» (non gouvernementale). Le texte de la pétition affirme que «le coup d'Etat de Kaïs Saïed contre la Constitution ne peut pas être considéré comme une solution à la crise politique antérieure au 25 juillet, mais plutôt comme un approfondissement de cette crise et une précipitation du pays vers l'inconnu, compte tenu de l'exacerbation de la crise économique et financière et de l'isolement international que ce coup d'Etat lui a valu». La pétition a dénoncé le fait que Kaïs Saïed a dépassé la période prévue pour les mesures d'exception. Et d'estimer que cette période exceptionnelle a entraîné «un isolement diplomatique sans précédent du pays et la rupture du dialogue avec les institutions financières internationales, ce qui a affecté négativement les ressources de l'Etat et menace la situation économique d'effondrement». Elle évoque également «la situation des droits et des libertés qui a connu un dangereux recul, comme en témoignent les nombreuses mesures d'interdiction de voyage, l'assignation à résidence de personnalités publiques et le renvoi de parlementaires et de représentants des médias devant la justice militaire». Selon ce document, Kaïs Saïed «a diabolisé tous ceux qui ne partagent pas son opinion (...) et les a accusés de trahison à la patrie, ce qui a conduit à l'émission du mandat d'amener international à l'encontre de l'ancien président Mohamed Moncef Marzouki (2011-2014) sur fond de déclarations aux médias».