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Conseil de la Concurrence : Des écoles privées peu régulées et moins compétitives
Publié dans L'opinion le 10 - 11 - 2021

Le Conseil s'est penché sur les travers du marché de l'enseignement privé au Maroc. Il en ressort que l'école p rivée est mal régulée, peu contrôlée par l'inspection pédagogique, ce qui nuit à sa qualité. Une révision du cadre législatif et le renforcement de l'école publique est sug gérée pour améliorer la concurrence du secteur. Détails.
« L'Etat, les établissements publics et les collectivités territoriales oeuvrent à la mobilisation de tous les moyens à disposition pour faciliter l'égal accès des citoyennes et des citoyens aux conditions leur permettant de jouir des droits (...) à une éducation moderne, accessible et de qualité », stipule l'article 31 de la Constitution qui garantit à toutes et à tous le droit de s'instruire et d'avoir la formation nécessaire pour s'épanouir au sein de la société.
Malheureusement le constat est tout autre sur le terrain. Marché peu régulé et qui suscite plusieurs polémiques, surtout en ce qui concerne les frais de scolarité, l'enseignement privé a fait l'objet d'un nouvel avis du Conseil de la Concurrence, rendu lundi, à la demande du Président de la Chambre des Représentants. Seul un enseignement de qualité peut offrir les moyens au Royaume pour mettre en oeuvre son Nouveau Modèle de Dévellopement.
Pourtant, nous en sommes loin, en plus de l'échec de l'école publique, l'enseignement privé est tout aussi défaillant et n'est pas à la hauteur des espérances. Rendu public lundi 8 novembre, un avis du Conseil de la Concurrence s'est attaqué aux carences de ce marché en expansion et qui ne contribue pas assez aux efforts du Royaume pour sortir de l'état déplorable de l'éducation.
Le Conseil d'Ahmed Rahou s'est penché sur les règles de concurrence entre les établissements d'enseignement scolaire privé du Maroc. Le constat est sans appel. Ce marché en expansion souffre de plusieurs « insuffisances en matière de régulation » qui handicapent la compétitivité. Le Conseil souligne l'absence d'un contrôle effectif sur les écoles privées.
La régulation et l'inspection manquent à l'appel !
À lire le document, on comprend vite que la vocation régulatrice de l'Etat n'est pas accomplie efficacement, faute d'un contrôle pédagogique et administratif et l'évaluation de la performance.
« Sur le terrain, (...), il paraît que les établissements privés opèrent en absence presque totale du contrôle de leurs performances ou de sanctions appliquées à l'encontre des contrevenants », précise l'avis, qui explique cela par la défaillance de l'inspection pédagogique, le chevauchement des compétences entre le ministère de tutelle et les Académies régionales ainsi que la difficulté d'appliquer les sanctions à l'égard des contrevenants.
En outre, plusieurs insuffisances dont souffre le système émanent du cadre juridique et institutionnel actuel et notamment le Dahir portant statut fondamental de l'Enseignement scolaire privé, jugé caduc et inadapté pour gérer le fonctionnement des écoles privées. A cela s'ajoute l'accessibilité du marché de l'enseignement privé qui n'est pas, selon le Conseil de la Concurrence, assez restreint par des conditions particulières.
En effet, fonder une école ou tout autre établissement scolaire privé demeure « accessible à l'ensemble des opérateurs privés marocains ou étrangers, sans spécification du niveau d'éducation ou de qualifications dans le domaine ni toute autre condition », lit-on sur le document, qui souligne que l'investisseur dans ce domaine bénéficie de la liberté de choisir le lieu d'implantation de son projet d'investissement, ainsi que les cycles ou branches d'enseignement qui seront dispensés.
Ainsi, l'avis fait état de plusieurs défaillances au niveau de la législation, surtout au niveau des procédures d'autorisation qui ne sont pas assez exigeantes sur le plan pédagogique. « En conséquence, les services rendus ne pourraient être à même de satisfaire les critères de qualité et de productivité souhaités », explique le Conseil.
Concernant les frais de scolarité qui provoquent des conflits permanents entre les patrons des écoles et les parents d'élèves, l'avis estime que les frais d'assurance ne doivent pas être inclus dans les frais de scolarité. Ce qui est souvent le cas puisque les parents payent les frais, alors qu'ils sont censés, au point de vue du Conseil de la Concurrence, faire partie du coût du service pédagogique.
Sur le plan de l'organisation interne, le rôle des associations des parents d'élèves fait défaut, selon le rapport, qui invite les autorités éducatives à veiller à la constitution de ces assemblées au sein des établissements scolaires pour qu'elles puissent accomplir pleinement leur vocation. Le Conseil souligne également des carences dans la qualité du transport scolaire, tout en proposant d'autoriser les transporteurs professionnels à fournir ce service, ce qui contribuerait à l'amélioration de l'offre.
Réviser une législation caduque et renforcer l'école publique comme référence
Pour pallier ces dysfonctionnements, le Conseil juge opportun de réviser le cadre juridique pour aboutir à un nouveau cadre contractuel définissant les objectifs et les responsabilités entre les établissements scolaires privés, l'Etat et ses organes. Il est préconisé également de revoir la procédure d'autorisation.
Pour une meilleure qualité de l'enseignement, le Conseil, en se basant sur les expériences internationales, recommande la liberté de fixer les prix ou les frais de services et les soumettre à la logique de l'offre et de la demande. Bien que le privé contribue à l'enseignement national, le rôle de l'école publique n'en est pas moins indispensable. Le Conseil de la Concurrence appelle à consolider la dimension référentielle de l'école publique, qui a perdu son prestige au fil des années précédentes. Il est donc vital de la réhabiliter, juge le Conseil, et ce, afin de regagner l'intérêt des familles, ce qui implique un regain de concurrence avec les écoles privées et crée un cercle vertueux.
Pour ce faire, le Conseil préconise l'autonomie des établissements scolaires publics qui devrait contribuer au renforcement du dynamisme concurrentiel du marché et pousserait les établissements privés à doubler leurs efforts pour améliorer leurs services. Rappelons que le secteur privé a connu une évolution importante par rapport à l'enseignement public au cours des dix dernières années.
En effet, il existe 6922 établissements scolaires qui adoptent le mode d'enseignement national et 54 établissements qui suivent un système étranger.
Anass MACHLOUKH
L'info...Graphie
Qualité de l'apprentissage
Des inégalités entre le public et le privé

Malgré les dysfonctionnements cités, l'enseignement privé demeure qualitativement supérieur au secteur public, ce qui pose le problème de l'égalité des chances. En témoigne les écarts de niveau entre les élèves. Les données présentées par le Conseil de la Concurrence montrent que les élèves du secteur privé surpassent leurs pairs de l'enseignement public en termes de rendement scolaire, avec un écart flagrant en mathématiques et en sciences.
Cet écart est si inquiétant dans l'apprentissage des lettres et sciences humaines ainsi que dans la lecture. « Le résultat obtenu par les élèves des établissements privés en lecture est supérieur de 120 points comparativement à celui obtenu par leurs pairs dans les établissements publics », souligne le rapport, citant une étude internationale. Le seul domaine où les élèves du public surpassent ceux du privé est la langue arabe.
Ceci dit, vu les conditions plus ou moins commodes et confortables dont bénéficient les élèves du privé, l'école publique demeure tributaire d'un grand effort d'investissement en infrastructures et en ressources humaines pour se hisser au niveau de l'enseignement privé.
Par ailleurs, l'école privée contribue à la création de l'emploi à un rythme croissant. Le rapport fait état d'une évolution de 11,32% des effectifs des enseignants au cours des dix dernières années pour comprendre 533.104 cadres.

Frais de scolarité
Inadéquation entre les prix et la qualité des services ?

Durant les premiers mois de la pandémie, il s'est avéré à quel point l'enseignement privé était mal régulé, surtout en ce qui concerne les prix. Une lutte féroce avait opposé les parents d'élèves et les patrons des écoles à cause de la suspension de l'enseignement présentiel et le passage au e-learning.
Les écoles ont omis de baisser les frais de scolarité malgré les vives sollicitations des parents, qui jugeaient que la fermeture des écoles implique automatiquement la baisse des tarifs. Les brouilles sont arrivées jusqu'aux tribunaux devant le regard impuissant de l'Etat qui ne s'estimait pas concerné.
Le Conseil de la Concurrence a apporté plusieurs éclaircissements sur le régime des prix dans ce marché très lucratif. Selon le document, les frais varient entre 4 000 et 40 .000 DH dans les établissements privés, en fonction de la qualité de l'apprentissage et les services rendus.
Pourtant, même si la fixation des prix obéit à la logique de l'offre et la demande, le Conseil juge qu'il n'existe pas de critères assurant un équilibre entre le contenu et la qualité des services rendus et les frais imposés. Comment savoir si les tarifs appliqués sont légitimes ? Le Conseil juge que cela est difficile faute de normes prédéfinies, puisque les parents d'élèves évaluent la qualité, chacun selon ses propres critères (matériels, infrastructures, activités parascolaires ou profils des enseignant, etc.). D'où l'importance de mettre en place des normes pour évaluer la performance des établissements.

Trois questions à Nouredine Akouri

« Les associations des parents d'élèves doivent être un partenaire essentiel dans la prise de décision »

Nouredine Akouri, Président de la Fédération des Parents d'Elèves, a répondu à nos questions sur les recommandations du Conseil de la Concurrence pour l'amélioration de la compétitivité du secteur de l'enseignement privé.
- Le Conseil de la Concurrence a recommandé la mise en place d'un système de liberté des prix afin d'améliorer la concurrence dans le secteur, qu'en pensez-vous ?
- En effet, le pense qu'il y avait une ambiguïté dans la manière de fixation des frais de scolarité qui, à mon avis, sont fixés aléatoirement sans qu'il y ait une logique d'évaluation des services pédagogiques. Il arrive qu'on trouve deux écoles privées dans un même quartier avec un niveau identique, mais qui appliquent des frais différents sans raison convaincante. Il est dont important de mettre en place des critères conventionnels pour évaluer le coût des services pédagogiques.
Nous, en tant que représentants des parents d'élèves, nous avons plaidé pour que les frais de scolarité ne soient plus aléatoires. Nous sommes pour la liberté des prix, mais qui obéit à une logique de concurrence loyale.
- L'avis du Conseil de la Concurrence a pointé du doigt le manque de contrôle des écoles, comment remédier à ce problème qui persiste depuis longtemps ?
- Il s'agit effectivement d'un vrai problème qui émane des autorités compétentes. Les parents d'élèves se trouvent souvent dans l'incapacité de savoir si l'enseignement dispensé dans les écoles privées est à la hauteur de leurs attentes et s'il justifie les frais de scolarité qu'ils payent. D'ailleurs, plusieurs frais, dont ceux de l'assurance, sont injustifiés. Seule une forte inspection aussi bien pédagogique qu'administrative peut régler cela et rendre les choses plus claires.
- Le rôle des associations des parents d'élèves est souvent marginalisé dans la gestion des affaires des enfants au sein des écoles, et le Conseil reconnaît cela. Comment peut-on réhabiliter ce rôle à votre avis ?
- En réalité, pour être franc, il ne faut pas aller chercher des solutions miraculeuses, il suffit qu'il y ait une volonté assez forte aussi bien de la tutelle que des représentants des écoles privées pour associer les parents d'élèves dans la prise de décision et la gestion des affaires des apprentis.
Recueillis par A. M.


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