Selon Rachid Tahri, Président de l'Association des Freight Forwarders du Maroc, les commissionnaires marocains pourraient bien être concernés, mais la décision de Maersk n'est pas encore opérationnelle dans le Royaume. Interview. - En tant que Freight Forwarders, comment accueillez-vous la décision de Maersk de se passer des services des commissionnaires ? - Pour le moment, il faut être très prudent avec cette information qui n'est pas encore officielle ou opérationnelle, au Maroc en tout cas. Mais, il est certain qu'une telle décision si elle venait à être mise en oeuvre constituerait un grave précédent pour notre industrie du transport et créerait de fait une situation de domination sur l'ensemble de la chaîne de valeur par un nombre limité d'acteurs, ce qui n'est jamais sain, la concurrence a toujours été un moteur de développement du commerce international. - Quel risque d'en essuyer l'impact pour vous ? - La question n'est pas quel en sera l'impact sur les Freight Forwarders, mais plutôt quelles en seront les répercussions sur l'ensemble de la chaîne logistique du commerce international. Celle-ci est constituée de maillons dont chacun participe dans le cadre d'une organisation bien construite à une valeur ajoutée pour les opérateurs du commerce extérieur. Le Freight Forwarders n'est pas une excroissance de la chaîne logistique, mais bel et bien un acteur qui est né de la nécessité d'optimiser les opérations logistiques et, de ce fait, son existence est essentielle pour assurer un équilibre de l'écosystème. - Maersk reproche aux commissionnaires de se faire trop de marges sur le dos des armateurs et des exportateurs. Que répondez-vous ? - Ce schéma n'est pas du tout possible au Maroc, car la plupart des Freight Forwarders n'ont pas la taille critique pour négocier des contrats de volume au niveau mondial avec les armateurs, si cela est possible pour quelques Majors du Freight Forwarding, on ne peut pas généraliser cela, en tout cas ce sont les armateurs qui fixent les taux de fret maritime et qui en profitent pour l'essentiel, le volume de conteneurs traités par les Freight Forwarders demeure largement en dessous de celui réalisé par les armateurs en propre. - Dans ce sens, quelles mesures attendez-vous du gouvernement ? - La stratégie nationale logistique devrait faire l'objet d'une nouvelle impulsion dans le cadre d'un vrai partenariat public-privé. Avec la disparition du pavillon national dans le transport maritime, le Maroc ne dispose plus de leviers pour équilibrer le rapport de force avec les grandes Alliances maritimes, notamment en raison de son tissu économique composé de TPE-PME. Les Freight Forwarders peuvent constituer une vraie alternative pour négocier d'égal à égal pour les importateurs et les exportateurs avec les armateurs, surtout dans un schéma d'agrégation qui permettrait une consolidation des volumes, le Maroc alors pourra négocier des taux de fret plus compétitifs et surtout sécuriser des lignes régulières avec ses principaux partenaires commerciaux en Europe, en Asie et même en Afrique de l'Ouest. Recueillis par A. Moutawakil
Maersk a le vent en poupe
Le numéro un mondial du transport maritime conteneurisé a enregistré un bénéfice net de 5,438 milliards de dollars pour la période juin-septembre, multiplié par six sur un an. Son chiffre d'affaires a, lui, bondi de 67%, à 16,612 milliards. Des résultats qui dépassent les attentes des analystes. Le consensus tablait sur un chiffre d'affaires compris entre 16,075 milliards de dollars (selon Bloomberg) et 16,335 milliards, et un bénéfice net oscillant entre 5.238 milliards (d'après Factset) et 5,375 milliards (Bloomberg). Soucieux de diversifier son offre logistique, l'armateur a également rendu publique l'acquisition prévue de l'entreprise allemande de fret aérien Senator International, pour renforcer la flexibilité de sa chaîne logistique. La flotte aérienne propre de Maersk va également acquérir d'ici 2024 deux avions cargos B777F et louer et opérer dès 2022 trois B767-300. La bonne santé que connaît le groupe est le résultat de la surchauffe du transport maritime, une fois dépassé le choc initial de la pandémie. Depuis mi-2020, la demande de transport maritime, qui avait fléchi au début de la crise du Coronavirus, s'est traduite par un très fort rebond. À la hausse de la demande, qui s'est quelque peu tassée au troisième trimestre (+ 2,5 %) par rapport aux six premiers mois de l'année où elle avait été exceptionnelle, s'ajoute la nécessité pour les entreprises de reconstituer leurs stocks, qui ont été en grande partie épuisés l'an dernier lorsque les échanges ont été quasiment mis à l'arrêt par la pandémie de Covid-19.