Avec le projet de doubler le nombre de colons sur le plateau du Golan, Israël compte sanctuariser ses acquis territoriaux aux dépens de la Syrie. Israël n'est pas près de rendre le plateau du Golan à la Syrie. Lors d'une conférence le 11 octobre sur l'avenir de la région, Naftali Bennett, Premier ministre israélien, a été catégorique: «Le plateau du Golan est israélien, point final» a-t-il affirmé. Unilatéralement annexé par l'Etat hébreu en 1981, ce territoire était militairement occupé depuis la guerre des Six Jours de 1967. Seuls les Etats-Unis de Donald Trump ont reconnu la souveraineté israélienne sur ce territoire en 2019. Or, le plateau du Golan, de facto occupé et administré par Israël, reste au regard du droit international, un territoire syrien. Mais pour le gouvernement israélien, rien n'y fait: «Même dans une situation où, comme cela pourrait se produire, le monde change d'avis sur la Syrie ou sur Assad, cela n'a aucune incidence sur le plateau du Golan», a déclaré le chef du gouvernement israélien. «Le développement du Golan est dans l'intérêt national [d'Israël, ndlr]», a-t-il justifié. Une posture qui n'augure rien de bon: «La situation risque de se tendre entre les deux pays», avertit au micro de Sputnik Raffaella Del Sorto, professeure agrégée en études du Moyen-Orient de l'Université Johns Hopkins, SAIS Europe, de Bologne (Italie). Le Golan était et reste une région arabe syrienne La décision israélienne a en effet provoqué l'ire du gouvernement syrien. Les remarques de Naftali Bennett «sont agressives et ne changeront pas la vérité éternelle selon laquelle le Golan était et reste une région arabe syrienne et retournera tôt ou tard dans la patrie», a indiqué SANA, l'agence de presse officielle syrienne. Une conjoncture d'autant plus tendue que le Premier ministre israélien ne compte pas s'arrêter là. Lors du forum, il a annoncé son souhait de doubler la population israélienne sur le plateau du Golan. Elle passerait ainsi de 27.000 habitants à plus de 50.000. Ce projet démographique sera accompagné de la construction d'éoliennes sur leurs terres agricoles et également d'investissements dans les infrastructures et les services publics. La démarche de Bennett est de changer la composition démographique de la région, précise la géopolitologue. En effet, malgré l'expulsion de 131.000 Syriens après la guerre des Six Jours, 22.000 Syriens druzes continuent de vivre dans cette région. Le 11 octobre, ils sont descendus dans les rues pour protester contre les intentions israéliennes d'augmenter le nombre de colons sur leurs terres. Mais pour Israël, «le Golan est une question de survie territoriale », résume Raffaella Del Sorto avant d'ajouter que «la guerre civile en Syrie a beaucoup changé la position israélienne sur ce dossier ». En effet, depuis le déclenchement du conflit, Israël est sur ses gardes. Les hauteurs du Golan lui permettent de dominer la plaine syrienne du Hauran, lui conférant un avantage stratégique décisif. Israël s'est rapproché de sunnites Avec la reprise des territoires par Damas et ses alliés, les milices iraniennes et le Hezbollah ont installé plusieurs postes militaires non loin du Golan pour maintenir un équilibre dissuasif avec leur ennemi israélien. Pour éviter un tel scénario, Tel-Aviv s'est même rapproché des djihadistes sunnites. En contrepartie de renseignements sur les positions des milices affiliées à Téhéran, les islamistes ont reçu depuis 2013 une aide financière et médicale. Le Premier ministre israélien a d'ailleurs explicitement accusé Téhéran d'avoir « envoyé des mandataires et construit des armées pour encercler l'Etat d'Israël, avant d'ajouter que «leur aventure sur notre frontière nord doit prendre fin. Ainsi, nous assurerons non seulement la paix des habitants du plateau du Golan, mais de tous les citoyens d'Israël». Plus mesuré sur la question, le secrétaire d'Etat Antony Blinken a toutefois estimé en février dernier que le Golan resterait d'une importance cruciale pour la sécurité de l'Etat hébreu tant qu'Israël serait menacé par les forces iraniennes. Cette situation tendue semble réduire à néant les chances d'arriver à un traité de paix entre la Syrie et Israël. «Un compromis territorial n'est plus acceptable pour Israël», résume Raffaella Del Sorto. Avec Sputnik De Hafez à Bachar la récupération du Golan serait non négociable Damas et Tel-Aviv ont maintes fois été à la table des négociations pour tenter de trouver une solution équitable. Après la conquête militaire par l'armée israélienne en 1967, Tel-Aviv entendait se servir de cette région comme outil dans les futurs pourparlers de paix. Le deal était simple: Israël devait rendre le Golan et la Syrie devait accepter la paix avec Israël. C'est ce qu'il s'était passé avec l'Egypte en 1979: Israël avait rétrocédé le Sinaï en échange de la signature des accords de Camp David. Depuis, plusieurs cycles de négociations se sont tenus avec la Syrie, «en commençant par Hafez el-Assad et Yitzhak Rabin; ensuite, il y a eu des pourparlers avec Ehud Barak en 1999 et avec le gouvernement de Ehud Olmert en 2009». Rien n'y a fait, les litiges sur la ligne de démarcation persistent. Les deux pays ont même été à deux doigts d'arriver à un compromis sécuritaire: «il était question de mettre en place une zone démilitarisée et des stations d'alerte précoce», ajoute-t-elle. De père en fils, la position syrienne est restée la même: la récupération du Golan était non négociable avant d'entamer des négociations de paix. Et, c'est toujours le cas aujourd'hui.