Lors d'une année marquée par les élections législatives, régionales et communales, le Parti de l'Istiqlal a réussi à se hisser à la tête des formations politiques les mieux représentées sur les réseaux sociaux. Avec les réseaux sociaux, la communication politique est devenue plus interactive et de moins en moins unidirectionnelle. Bon nombre d'études et d'analyses démontrent de manière limpide comment les nouveaux médias ont eu un impact plutôt positif sur la mobilisation des sympathisants politiques, et ce du fait qu'ils offrent désormais à la classe politique de nombreuses possibilités en matière de communication et permettent un taux de pénétration de plus en plus important et une zone d'influence élargie dans les foyers comme au sein de l'ensemble de la population. C'est ainsi que le digital a refaçonné la vie politique partout dans le monde, et également au Maroc où bon nombre de formations politiques accusent plusieurs retards en matière de transition numérique, quoique certains ont réussi à franchir le cap en anticipant l'évolution en cours. L'Istiqlal fait partie des formations qui ont pu s'imposer sur le Web, notamment sur le réseau social Twitter où le Secrétaire général du parti est jugé « populaire, engagé, décisif pour le flux d'information du parti et à fort potentiel de retweet », selon une étude de l'Institut marocain d'intelligence stratégique (IMIS) baptisée « Contribution à la connaissance du processus d'influence dans les réseaux sociaux : Cas des cinq partis marocains sur Twitter », et qui vient conforter les conclusions du baromètre de l'empreinte numérique des partis politiques au Maroc, publié en début août par l'Observatoire des opinions publiques numériques. L'analyse de l'IMIS qui se base exclusivement sur la plateforme à l'oiseau bleu, permet de dessiner les réelles tendances des internautes, car contrairement à Facebook et Instagram par exemple, Twitter n'offre pas dans son système cette « ruse » consistant à acheter des abonnés, ce qui donne ainsi la possibilité d'extraire des indicateurs de crédibilité hautement fiables. A cela s'ajoute le fait que ladite plateforme, qui au premier trimestre 2021 comptait 199 millions d'utilisateurs quotidiens, est privilégiée par de nombreuses personnalités, hommes politiques, chefs d'Etat et leaders d'opinions. L'Istiqlal se distingue Concrètement, l'Institut a récupéré les données via un code développé sous le langage informatique R (logiciel utilisé pour les calculs statistiques et graphique). En ciblant les comptes de cinq partis politiques (PJD, RNI, Istiqlal, PAM, PPS), l'étude a permis d'identifier des communautés d'utilisateurs actives autour des comptes des formations politiques retenues. Il convient de noter dans ce sens que les mesures des niveaux d'engagements et d'influence sur un réseau social s'appuient de plus en plus sur un certain nombre de « métriques », dites de « centralités », qui ont fait leurs preuves dans différentes disciplines et contextes. En se basant sur la centralité d'intermédiarité (Betweeness centrality), une métrique qui permet d'identifier les membres incontournables dans un réseau, seul l'Istiqlal et le PJD voient leurs Secrétaires généraux figurer dans le top five au même titre que les comptes officiels de leurs formations respectives. Toutefois, les utilisateurs les plus engagés pour le reste des formations ne font pas partie des figures connues du grand public. Au niveau des utilisateurs les plus engagés, seul le compte de Nizar Baraka qui est jugé « à la fois populaire et interagit avec d'autres utilisateurs ». Il est vrai que sur d'autres plateformes, certaines personnalités politiques affichent un nombre d'engagement beaucoup plus élevé que celui enregistré par le SG de l'Istiqlal sur Twitter, en ayant recours au sponsoring et aux achats d'abonnés. En témoignent les dépenses des formations et personnalités politiques sur Facebook. A titre d'exemple, le Rassemblement National des Indépendants (RNI), qui est de loin le plus dépensier sur Facebook, a réservé, entre le 11 mars et le 11 août 2021, quelque 144.514 $ (1,29 MDH) rien que pour la page officielle du RNI, selon Facebook Ad Library. Cette enveloppe atteint 159.568 $ (1,43 MDH) si l'on inclut dans le décompte des pages officielles de Aziz Akhannouch (7082 $), de la jeunesse RNIste (5623 $) et de Mohamed Chaouki, membre du bureau exécutif du parti (2349 $), ce qui équivaut à 64,8% du total des publicités comptabilisées pour le Maroc, toutes pages confondues. Cependant, sur Twitter, qui comme précité ne permet pas l'achat d'abonnés et qui donne un aperçu clair et honnête sur la popularité des leaders politiques, on constate que le manque d'engagement de et envers les SG des autres partis est manifeste. D'ailleurs, l'étude de l'IMIS souligne que Aziz Akhannouch ne dispose même pas d'un compte Twitter actif. Toujours dans la perspective des centralités, la même source relève que c'est surtout l'Istiqlal qui semble dominer son réseau avec un classement dans les premiers rangs de son Secrétaire général sur l'ensemble des centralités, ajoutant que Baraka est populaire, engagé, décisif pour le flux d'information du parti et à fort potentiel de retweet aussi. Tous ces éléments mettent en relief l'effort fourni par l'Istiqlal en termes de mobilisation numérique dont la présence sur twitter est constituée de 22 communautés. Un réseau qui semble « un peu plus homogène au vu de sa deuxième plus forte modularité ». La mobilisation du parti et de son SG lors de l'affaire Ghali s'est également fait ressentir sur la présence et l'influence de l'Istiqlal sur Twitter. En témoigne la forte dynamique enregistrée par le tweet publié en mai dernier par Pablo Casado, leader du Partido Popular suite à la réunion qu'il a tenue avec Nizar Baraka via l'application Zoom, qui a été retweetée 159 fois, citée 225 fois et likée 370 fois. Cela dit, l'engagement de l'Istiqlal et de Nizar Baraka envers les internautes aura sans doute des retombées positives lors du scrutin du 8 septembre. Saâd JAFRI L'info...Graphie
L'Istiqlal a la communauté la plus dynamique
L'étude de l'IMIS n'est pas la seule à mettre en évidence les avancées réalisées par l'Istiqlal en termes de digitalisation. Dans un rapport publié en début août, l'Observatoire des opinions publiques numériques a souligné que quatre partis représentent 96% de la part de présence sur internet, précisant aussi que 2 partis augmentent sensiblement leurs parts de présence respectives. Il s'agit du Rassemblement National des Indépendants (RNI) qui investit massivement dans le digital, et le Parti de l'Istiqlal qui est fortement soutenu par ses partisans et sympathisants. Le parti de la Balance a touché 260 millions d'utilisateurs entre le début de l'année et fin juin, enregistrant une forte progression de sa présence, a indiqué le rapport qui fait remarquer que l'Istiqlal domine nettement les partis de l'opposition. Selon la même source, le Parti de l'Istiqlal semble avoir la communauté partisane et de sympathisants la plus dynamique aussi bien sur les engagements qu'en viralité et aura réussi à proposer des contenus proches de leurs centres d'intérêt ». Il est suivi par le PAM sur le critère « interaction » et par le PJD sur le critère « viralité ».
Définitions Centralité : Kezako ?
- Centralité d'intermédiarité (Betweenness centrality) : fréquence à laquelle un noeud se trouve sur le chemin le plus court entre des paires de noeuds. Elle permet d'identifier les membres incontournables dans un réseau. A travers les chemins les plus courts, ces membres (noeuds) vont jouer le rôle stratégique de « pont » dans un haut pouvoir de distribution du flux informationnel. Cette métrique ne fait pas nécessairement ressortir une influence en termes d'audience (nombre d'abonnés ou de followers). - Centralité de degré (Degree centrality) : permet de calculer le nombre de relations uniques pour chaque noeud. Si le réseau est orienté (ce qui est le cas de Twitter comme mentionné précédemment), cette métrique se décline alors en deux versions : in-degree (pourcentage de liens entrants vers un noeud par rapport à tous les liens entrants sur l'ensemble des noeuds du réseau) et out-degree (pourcentage de liens sortants d'un noeud par rapport à tous les liens sortants sur l'ensemble du réseau). - Centralité de proximité (Closeness centrality) : elle représente la distance moyenne entre un noeud et tous les autres noeuds du réseau. En termes d'influence, cette métrique permet d'identifier les noeuds les plus efficaces en termes de diffusion d'informations dans le réseau. - Centralité de vecteur propre (Eigenvector centrality) : métrique développée pour combler les insuffisances de la centralité de degré. L'idée sous-jacente ici étant que la mesure idéale de centralité ne devrait pas dépendre seulement du nombre de liens qu'un noeud détient, mais également de la centralité des noeuds avec lesquels il est lié.
3 questions à Najib Mikou « Le digital permettra en grande partie de surmonter le handicap pandémie »
Dans une précédente interview, Najib Mikou, expert en Prospective et Etudes Stratégiques, nous a expliqué l'importance et les effets de la présence numérique des partis politiques dans un contexte électoral marqué par la pandémie Covid-19. - La présence numérique des partis politiques a significativement augmenté durant ces dernières années. Comment évaluez-vous cette hausse ? - Il faut s'en féliciter, le politique ne peut, ne doit faire l'économie d'une telle présence. Les réseaux sociaux sont devenus à travers le monde, au fil des dernières années, le réceptacle, l'outil et le passage obligé du débat politique et de la proximité avec le plus grand nombre. Après quelques hésitations de casting, nos grands partis politiques ont fini par s'y mettre. Je conviens et concède que l'exercice n'est pas du tout aisé, de par la nature de tels échanges sur le Web, mais c'est le prix nécessaire à payer pour que nos partis jouent pleinement leur rôle d'être à l'écoute du plus grand nombre, de communiquer avec le plus grand nombre et de convaincre le plus grand nombre. - Ces efforts sont-ils suffisants pour ramener, vers les urnes, les désillusionnés de la politique ? - Nos partis politiques devraient semer dans cet espace digital de la bonne graine pour en cueillir le bon fruit. C'est strictement ainsi qu'ils parviendront à ramener, doucement mais sûrement, nos millions de citoyens vers les urnes. Ce qui doit être visé, c'est non pas une exposition quantitativement augmentée, mais un intérêt qualitativement insufflé, provoqué. - Avec le digital, pourra-t-on surmonter les handicaps imposés par la pandémie ? - Le numérique est un moyen de démocratisation de la transmission de l'information et de l'accès à l'information, à travers ce démantèlement de ces barrières énergie, temps et coût. Il rend possible la création de liens qui n'auraient jamais pu exister par ailleurs. Donc oui, le digital permettra en grande partie de surmonter le handicap pandémie qui rétrécit fortement le champ des meetings. Je dis en grande partie, car le numérique, avec toute son armada de réseaux sociaux, reste, malgré tout, une simple vitrine froide, et donc ne peut jamais se substituer à l'« être », au contact humain direct porteur, par nature, d'émotions, de réalité. On est, finalement, pleinement dans deux sphères certainement, incontestablement complémentaires, mais nullement similaires. Le numérique et le physique, le virtuel et le réel, le plastique et le chaleureux. Malgré donc la pandémie qui sévit malheureusement de plus belle, nos partis politiques ne devraient pas renoncer à la dose minimale nécessaire de contact humain ciblé et respectueux des mesures barrières sanitaires. Recueillis par S. J.