L'émergence des nouvelles technologies a changé le rapport des hommes politiques à leur électorat. Aujourd'hui, les réseaux sociaux sont devenus des canaux privilégiés pour les partis politiques afin de relayer leurs idées. En janvier 2021, le monde compte près de 4,2 milliards d'utilisateurs de médias sociaux, soit près de la moitié de la population de la planète. Sur un total de 27,6 millions d'internautes, le Maroc enregistre 22 millions d'utilisateurs de réseaux sociaux. Dans une note réalisée par l'Institut marocain d'intelligence stratégique (IMIS) intitulée «Contribution à la connaissance du processus d'influence dans les réseaux sociaux : Cas de cinq partis marocains sur Twitter», le think-tank décrypte les modalités et les mécanismes d'influence à l'œuvre sur les réseaux sociaux en se concentrant sur cinq principales formations politiques, à savoir le PJD, le RNI, l'Istiqlal, le PAM et le PPS. Pour ce faire, la base de données recueillies et analysées se fonde sur près de 30.000 observations couvrant une période de plus de 4 ans (allant du 5 avril 2017 au 19 août 2021). Le choix de cette étude pour Twitter relève du fait que l'efficacité de la communication sur ce réseau est jugée meilleure que sur Facebook car l'utilisateur peut plus facilement voir qui le suit et suivre les mentions, les retweets et les conversations, indique ladite note. «Au-delà d'un simple comptage du nombre d'abonnés ou de tweets, notre analyse se démarque par l'approche quantitative utilisée pour explorer la question de l'influence au sein des espaces politiques en ligne au Maroc, avec Twitter pour cadre empirique. Pour autant, et comme pour tout travail de recherche, nous sommes conscients des limites et il y a donc lieu de rappeler que les méthodes des centralités mettent l'accent plus sur l'interaction au sein d'un réseau social que sur le contenu des échanges. Par ailleurs, si nous avons souhaité explorer le processus d'influence autour des comptes des cinq formations politiques, nous intégrons l'existence d'un potentiel d'influence pour des conversations politiques en dehors de ces partis», tient à préciser Mohamed Benabid, réalisateur de cette étude et co-fondateur de l'IMIS. En termes de méthodologie, l'analyse des réseaux sociaux (SNA) s'appuie sur un ensemble de méthodes et d'outils qui s'inspire de la théorie des graphes (Wasserman et Faust, 1994) et qui vise à explorer et modéliser des structures relationnelles sans exigence d'hypothèses a priori. A travers ces approches aux applications et implications multidisciplinaires, les relations sont visualisées sous forme de sociogrammes, et il est aussi possible de calculer la taille, ou la forme du graphe ainsi que la position de chaque élément composant le réseau. De manière schématique, dans les structures en réseau, il convient de distinguer des acteurs ou nœuds, qui vont correspondre aux utilisateurs de la plateforme (mais qui peuvent aussi correspondre à tout objet, entité ou organisation si l'on s'éloigne du domaine spécifique des plates-formes numériques) et des liens entre ces acteurs correspondants aux relations ou interactions qui les relient. Cette analyse a retenu les mesures des niveaux d'engagements et d'influence sur un réseau social qui s'appuient de plus en plus sur un certain nombre de «métriques», dites de «centralités». Il en ressort que les utilisateurs affichant les plus forts scores correspondent aux têtes d'affiche des principales formations. Le potentiel de communication et d'influence semble plus important pour les utilisateurs ayant le plus de connexions. Pour les cinq réseaux étudiés, cette analyse constate d'ailleurs qu'il existe une proximité entre les comptes partisans, et en réciprocité, tant chez les partis de la majorité (PJD/RNI) que de l'opposition (Istiqlal/PAM/PPS). Dans le réseau du PJD, le RNI (@parti_rni) termine dans le top cinq des «in-degree». Dans le réseau du RNI, l'inverse est vrai puisque le compte @PJDofficiel affiche le deuxième meilleur score. Si l'on s'en tient uniquement à leurs résultats sur les centralités «in-degree», ces comptes sont «leaders d'opinions» ou «influenceurs informationnels» au sens de la typologie de Soares et al (2018) et dans une moindre mesure de celle Feng (2016) (celle-ci identifie cinq types de comptes, et donc d'influences, pour les réseaux de communication en ligne). «Ces utilisateurs ne sont pas à l'origine des conversations sur leurs réseaux mais influencent l'opinion des autres membres en produisant des tweets qui sont retweetés par d'autres», relève cette étude.