Téhéran dit avoir commencé à produire l'uranium métal enrichi à 20%. Menace réelle ou coup de bluff ? Les Occidentaux appréhendent ces ambitions nucléaires iraniennes qu'ils condamnent L'Iran a informé l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA) d'étapes concrètes pour la production d'uranium métal enrichi jusqu'à 20%, a fait savoir mardi l'agence onusienne, une décision rapidement critiquée par les Etats-Unis et par les puissances européennes qui tentent de relancer l'accord de 2015 sur le nucléaire iranien. Les puissances occidentales ont déjà condamné cette année le projet de l'Iran de produire de l'uranium métal, non enrichi, en violation du Plan d'action global commun (JCPoA) conclu à Vienne à l'été 2015. Un accord dont les Etats-Unis se sont retirés en relançant les sanctions économiques à l'encontre de Téhéran en 2018, suivis du désengagement des autres partenaires occidentaux de l'accord, restés passifs. La décision iranienne d'enrichir l'uranium à 20% est le dernier signe en date de l'enlisement des pourparlers de Vienne visant à relancer l'accord sur la limitation des ambitions nucléaires de l'Iran. «C'est un nouveau pas en arrière de la part de l'Iran alors que nous avons montré notre intention sincère de revenir» dans l'accord de Vienne, a commenté le porte-parole du département d'Etat Ned Price. En décidant désormais de passer à un taux d'enrichissement supérieur, «l'Iran fait peser un risque sur la possibilité de conclure avec succès les discussions de Vienne», ont estimé les ministres européens. Des discussions indirectes ont été engagées dans la capitale autrichienne en avril dernier entre les Etats-Unis et l'Iran pour un retour des deux pays dans le cadre de l'accord. Elles ont été ajournées le 20 juin, sans qu'aucune date de reprise ne soit fixée. L'ancien Président américain Donald Trump a dénoncé l'accord en 2018 et rétabli des sanctions contre l'Iran, poussant Téhéran à s'affranchir par étapes des termes du pacte. Le JCPoA interdit à Téhéran d'effectuer des travaux relatifs à l'uranium métal, du fait de sa possible utilisation pour produire une bombe nucléaire. Téhéran a assuré par le passé que l'uranium métal serait utilisé comme carburant pour son réacteur de recherche, mais Washington et ses alliés européens contestent cette version et les intentions iraniennes. Une étape clé pour le développement de l'arme nucléaire Dans un communiqué conjoint, les trois puissances européennes signataires de l'accord - Royaume-Uni, France, Allemagne (E3) - ont exprimé leur « grande préoccupation » à propos de cette « violation grave par l'Iran de ses engagements ». L'Iran n'a « aucun besoin civil crédible de poursuivre des activités [...] sur l'uranium métal, qui constituent une étape clé du développement d'une arme nucléaire », écrivent-elles, dénonçant « un pas supplémentaire dans l'escalade des violations nucléaires de l'Iran » et appelant fermement Téhéran à « mettre un terme sans délai à toutes les activités qu'il poursuit en violation du JCPoA ». À Washington, le département d'Etat américain a décrit la décision de Téhéran comme un « regrettable pas en arrière ». « C'est préoccupant que l'Iran choisisse l'escalade » du non-respect de ses engagements, a lancé le porteparole du département lors d'un point de presse, soulignant que les Etats-Unis avaient « démontré [leur] sincère intention et volonté de revenir à l'accord ». Dans une note à ses Etats membres résumant son rapport, l'AIEA a indiqué que le processus d'enrichissement de l'uranium métal s'effectuerait en plusieurs étapes, suggérant qu'il faudra du temps à Téhéran pour le faire aboutir. «Les opérations ont commencé», a confirmé le représentant de l'Iran auprès de l'agence onusienne, Kazem Gharibabadi, cité par l'agence iranienne Irna, en assurant que celles-ci visaient à améliorer «la production de produits pharmaceutiques ». Inquiétude des Américains et Européens Les Américains et Européens ont exprimé mardi leur «inquiétude» face à la décision de Téhéran de s'affranchir un peu plus de ses engagements en matière nucléaire, ce qui compromet encore les efforts pour sauver l'accord international de 2015. Mais les occidentaux craignent que, sous couvert de recherches scientifiques, l'Iran ne cherche à se doter de l'arme atomique. Après de longues et âpres négociations, ces cinq pays, ainsi que la Chine et la Russie, avaient conclu, en 2015 à Vienne, un accord sur le programme nucléaire de Téhéran. Il offrait à l'Iran un allègement des sanctions occidentales et onusiennes en échange de son engagement à ne jamais se doter de l'arme atomique, et d'une réduction drastique de son programme nucléaire, placé sous un strict contrôle de l'ONU. Mais en février, Téhéran a imposé des restrictions aux vérifications menées par l'AIEA et a débuté la production d'uranium métal à des fins de recherche, un sujet sensible, car cette matière peut être utilisée dans la fabrication d'armes nucléaires. En décidant désormais de passer à un taux d'enrichissement supérieur, «l'Iran fait peser un risque sur la possibilité de conclure avec succès les discussions de Vienne», ont estimé les ministres européens. Téhéran accueille une réunion entre le gouvernement et les Talibans Le ministre iranien des Affaires étrangères Mohammad Javad Zarif a inauguré, mercredi, à Téhéran, une «réunion afghane» entre des représentants du gouvernement de Kaboul et du mouvement taliban. Plus de deux mois avant que Washington n'achève le retrait de l'armée américaine d'Afghanistan le 11 septembre, Zarif a appelé «le peuple et les dirigeants politiques afghans à prendre des décisions difficiles pour l'avenir de leur pays», selon un communiqué officiel du ministère des Affaires étrangères. Cela coïncide avec l'enregistrement par les talibans des progrès militaires sur le terrain. Des affrontements ont également éclaté entre les forces gouvernementales et les talibans à Qala Naw, dans l'ouest du pays. Zarif a commencé la réunion en critiquant Washington, affirmant que «la présence américaine en Afghanistan a conduit à des résultats dévastateurs, et des décisions difficiles doivent être prises pour assurer l'avenir du pays». Il a décrit le retour à la table des négociations intra-afghanes comme la meilleure option pour les dirigeants et les courants politiques. «Aujourd'hui, le peuple afghan et les dirigeants politiques doivent prendre des décisions difficiles concernant l'avenir de leur pays», a-t-il déclaré. Zarif a souligné l'engagement de l'Iran à contribuer au développement politique, économique et social global de l'Afghanistan après l'instauration de la paix. Il convient de noter que la délégation afghane est dirigée par Yunus Qanooni, l'ancien ministre des Affaires étrangères de l'Afghanistan, et la délégation des talibans est dirigée par Abbas Stankzi, représentant le bureau du mouvement.