Après la mise en garde du ministère de la Santé, la hausse des cas positifs, avec le nouveau variant Delta, fait craindre une nouvelle vague de propagation du Covid-19. Un climat anxiogène où le spectre des restrictions plane sous nos cieux à la veille de l'Aïd El Kébir. La situation est sérieusement grave et il n'est plus question de succomber à la tentation du relâchement, c'est le cri d'alarme qu'a voulu transmettre le ministère de la Santé après la hausse palpable des cas positifs au Covid-19. Dans un communiqué, le département de Khalid Ait Taleb a fait état d'une augmentation accélérée des cas de contamination par rapport à la tendance observée ces derniers mois. Ce constat est corroboré par l'évolution de la courbe épidémiologique ayant manifestement repris son élan exponentiel ces derniers jours, après une accalmie qui a poussé les autorités à lever les restrictions. 776 cas ont été enregistrés, mercredi, et 690 mardi, poussant la moyenne quotidienne des contaminations durant les dix derniers jours à 473 cas. Une hausse attendue après l'allègement de l'ensemble des restrictions de déplacement et l'ouverture des frontières, estime Kamal Marhoum Filali, Chef de service des maladies infectieuses et membre du comité de veille Covid- 19 au CHU Ibn Rochd. Delta : l'intrus inquiétant Bien que le ministère explique cette recrudescence par la hausse des tests PCR effectués par jour dont le nombre est passé de 11.000 à 16.000, la dynamique des nouvelles souches du Covid-19 y contribue fortement, d'autant que le variant Delta ne cesse de tourbillonner. 96 pays en sont touchés, selon les chiffres de l'Organisation mondiale de la Santé (OMS). Au Maroc, faute de communication officielle, il est encore difficile de déterminer le nombre des cas du nouveau variant Delta qui affole le monde entier, selon Mohammed Amine Benrahou, professeur universitaire à la Faculté de médecine et de pharmacie de Fès, qui précise que les tests PCR ne permettent pas de distinguer les variants. « Les données des nouveaux variants sont centralisées au niveau du ministère de la Santé, selon les résultats des tests effectués par le Consortium National de Veille Génomique. Ceci n'a pas encore eu lieu jusqu'à présent. Pourtant, on sait, jusqu'à maintenant, que ce variant a fait son entrée au Maroc avec l'apparition de certains cas à Casablanca. Vers une nouvelle vague ? En gros, le variant Delta ne manquera pas de devenir majoritaire d'ici les mois qui viennent, estime Tayeb Hamdi, médecin et expert en Politique et Système de Santé, qui précise que ce variant va dépasser la souche britannique, actuellement dominante au Royaume. Pourquoi craindre ce nouveau variant qui vient d'Inde ? C'est parce qu'il est de 40 à 70% plus contagieux que le britannique et plus virulent, répond M. Hamdi. Ceci dit qu'une personne atteinte du variant indien est plus menacée de finir en réanimation. Cette probabilité est de 60%, même pour les personnes à moitié vaccinées, selon notre interlocuteur. Aïd El Kébir : la vigilance ou la débâcle À l'approche de l'Aïd El Kébir, les gens craignent de plus en plus que le scénario de l'année précédente se reproduise, d'autant que le relâchement des citoyens et le non-respect des gestes barrières n'a jamais été si flagrant qu'aujourd'hui. Dans ce climat anxiogène, le ministère de la Santé s'est montré catégorique. Dans une déclaration à la presse, Khalid Ait Taleb n'a pas mâché ses mots, «le cas échéant, nous serions obligés de procéder au renforcement des restrictions, ce qui aurait un impact négatif sur plusieurs secteurs», a-t-il déclaré, faisant comprendre que le retour aux mauvais souvenirs est toujours envisageable quoique non souhaitable. En effet, plusieurs experts, dont Kamal Marhoum Filali et Tayeb Hamdi, conviennent que le Maroc ne peut pas se permettre de nouvelles restrictions dans une conjoncture estivale où l'économie a besoin de respirer. Pour M. Filali, la solution la moins coûteuse est la rigueur, « il faut que les autorités durcissent le contrôle du respect des gestes barrières, avec plus de sanctions », a-t-il préconisé. Pour sa part, Tayeb Hamdi recommande, en plus de la prévention, d'accélérer le rythme de la vaccination de toutes les personnes en première ligne, même les travailleurs touristiques, nonobstant la limite d'âge, et ce, le plutôt possible pour casser la chaîne de transmission.
Anass Machloukh
3 questions à Tayeb Hamdi « Il est indiscutable que les déplacements durant l'Aïd El Kbir vont aggraver la situation »
Tayeb Hamdi, médecin, expert en politique et systèmes de santé, a répondu à nos questions sur la recrudescence de la pandémie au Maroc et le variant Delta. Le variant Delta suscite les plus vives inquiétudes : sera-til en mesure de déclencher une deuxième vague ? Il est évident que le variant Delta, dont des cas ont été détectés à Casablanca et qui devraient être plus nombreux qu'on croit, fait et fera grimper la courbe des contaminations. Ce variant est 60% plus contagieux que la souche britannique, et finira donc par la remplacer en tant que souche dominante. En plus, il envoie deux fois plus de personnes en réanimation. Le plus grave encore, ce variant est connu pour sa forte résistance aux vaccins anti-Covid-19, sachant qu'ils sont moins efficaces contre lui (30% seulement). J'ajoute que les personnes ayant pris une seule dose ne sont guère protégées dans ce cas. Suite à la hausse des cas positifs remarquée récemment, on craint de plus en plus la répétition du scénario d'Aïd El Kbir de l'année dernière : un retour aux restrictions est-il fatal à votre avis ? Il est certain que la situation devrait se dégrader durant la période des vacances de la fête de l'Aïd, vu la forte mobilité des personnes. Je rappelle que, dans le jargon de l'épidémiologie, la mobilité est synonyme de contagiosité. À mon avis, annuler les fêtes de cette année ne changera pas grand-chose, étant donné le relâchement des citoyens qu'on constate aujourd'hui. Quelles sont les mesures qui vous paraissent les moins coûteuses ? Il existe deux solutions pratiques pour minimiser l'ampleur de la recrudescence du virus. D'abord, il est impératif que les gens comprennent l'importance des gestes barrières, et donc la sensibilisation est vivement recommandée. En outre, il faut accélérer le rythme de la vaccination, sachant que beaucoup de gens ont raté leurs rendez-vous et il est vital qu'elles se rattrapent. Il faut également cibler davantage, sans limite d'âge et dès que possible, les personnes de première ligne à forte sociabilité, à savoir les chauffeurs de taxi, les employés touristiques, les fonctionnaires des administrations, etc.