La Banque Mondiale présentera son rapport semestriel de suivi de la situation économique du Maroc, qui analyse également la situation du marché du travail. Une occasion de revenir sur les lacunes et les obstacles que rencontre ce dernier. Le Maroc figure parmi les pays qui ont pu se distinguer pendant la crise sanitaire, en saisissant les opportunités présentées par la conjoncture et en lançant des programmes de réformes transformatrices. Le Royaume a lancé diverses politiques pour « corriger des inégalités de longue date et surmonter certains obstacles structurels qui ont limité par le passé la performance » de l'économie nationale, souligne Javier Diaz, économiste principal à la Banque mondiale et auteur du document qui sera publié le 28 juin. Il s'agit en détails de la création du Fonds Mohammed VI pour l'investissement, visant à soutenir le secteur privé; la refonte du cadre de protection sociale, à travers un programme de couverture sociale universelle et la restructuration des EEP, sans oublier les dispositifs spéciaux pour la promotion de l'entrepreneuriat. Cependant, la croissance économique du Maroc n'a pas été, et n'est toujours pas, suffisamment intensive en main-d'oeuvre pour absorber la population croissante en âge de travailler. La croissance du Royaume a montré une faible capacité à générer des emplois, et cette situation s'est encore aggravée après la crise Covid-19, durant laquelle une grande partie d'entreprises, particulièrement TPME qui, rappelons-le, constitue 90% du tissu économique national, ont été obligées de mettre les clés sous la porte. «Les statistiques montrent un déséquilibre structurel dans le marché du travail, particulièrement en matière d'inclusion des jeunes, qui malgré leur fort potentiel à créer de la richesse, se retrouvent à la marge de l'économie», nous indique Driss Effina, Professeur chercheur à l'Institut National de statistique et d'économie appliquée, ajoutant que ce fléau est dû à la faiblesse des investissements au Maroc. «Le taux d'investissements étrangers au Maroc est faible. En Corée du Sud par exemple les investissements sont dix fois plus supérieurs que dans le Royaume sur le long terme », explique notre interlocuteur, qui préconise la mise en place de mesures incitatives pour attirer les investisseurs étrangers capables de créer des entreprises à fort potentiel d'embauche. La transformation fait défaut ! Driss Effina fait également état de la lente transformation structurelle du Maroc en matière du marché du travail. L'année dernière, qui était marquée par le confinement généralisé, il y a eu des pertes d'emplois majeures dans l'agriculture, alors que peu d'emplois ont été créés dans l'industrie manufacturière, ce qui laisse deviner, selon un précédent rapport de la Banque Mondiale publié, une « désindustrialisation prématurée ». Un grand nombre de travailleurs ont été libérés du secteur agricole, mais seule une petite partie a été absorbée par le secteur industriel. Une situation qui, malgré les plans de relance persiste, du fait qu'entre le premier trimestre de 2020 et celui de 2021, le secteur de l'agriculture a perdu 231.000 postes d'emploi (-6,4%), selon le Haut-commissariat au Plan, résultat d'une baisse de 254.000 en milieu rural et d'une hausse de 23.000 en milieu urbain, au moment où le secteur de l'Industrie, peine toujours à démarrer. Par ailleurs, la part des services a également été lente à augmenter comparativement à la situation observée dans les autres pays en développement, et beaucoup de travailleurs restent engagés dans les services informels. Cela dit, Effina estime que pour amortir le choc, il faudrait capitaliser sur les potentialités des régions et leurs complémentarités. «Il faut que chaque région fasse de la question du travail une priorité, en tablant sur les ressources locales», indique-t-il. Dans ce contexte, il est à noter que les différents rapports publiés durant la dernière décennie relèvent des disparités régionales concernant la croissance économique, la création d'emplois et les facteurs économiques sectoriels. Le secteur des services a, par exemple, été le moteur de la croissance et de l'emploi dans certaines régions, notamment à Rabat, alors que le secteur secondaire (industrie) a été plus important ailleurs, comme à Casablanca et Tanger. Le rapport précité de la Banque Mondiale souligne d'ailleurs que même dans le secteur des services, la croissance dans certaines régions a été caractérisée par des activités à plus forte intensité de main-d'oeuvre et à faible valeur ajoutée (Casablanca), tandis que d'autres régions (Rabat) affichaient une croissance des services à plus forte productivité. Il existe donc des exemples de réussite pour promouvoir les retombées dans d'autres secteurs et régions. In fine, le chercheur de l'Institut National de statistique et d'économie appliquée, estime que l'entrepreneuriat est la solution idoine pour améliorer les indicateurs d'emplois au Maroc, «mais malheureusement, l'encadrement des porteurs de projets demeure très lacunaire», martèle-t-il, avant de noter que les risques d'échecs sont donc très importants. Il soulève dans ce sens, que les programmes consacrés au soutien de l'entrepreneuriat, comme Intelaka, devraient être mis à jour, de sorte à devenir plus attractifs, mais surtout plus accessibles aux jeunes entrepreneurs. Ce n'est qu'ainsi qu'on pourrait assurer une relance post-Covid efficace et durable.