Professeur de l'enseignement supérieur et ancien doyen, Mustapha Bencheikh se penche dans « Hypothèque sur l'université marocaine » sur l'après-réforme de 2003 et l'annonce dès l'introduction à cet ouvrage qu'il vient de publier : « Dix-sept-ans après la réforme universitaire marocaine commencée en octobre 2003, il apparaît possible d'essayer d'entrevoir les premiers résultats de cette opération gigantesque qui a mobilisé les pouvoirs publics et impliqué directement ou indirectement tous les agents de l'éducation. Que représente aujourd'hui le paysage universitaire marocain ? Quelles sont nos conquêtes ? Qu'avons-nous gagné ? Comment ressort notre université de cette longue marche où tant de promesses ont côtoyé des décisions importantes ? Quelles ont été les difficultés rencontrées ? Comment les a-t-on affrontées ? En un mot, que dit notre université aujourd'hui et quelles sont ses perspectives ? ». Les questions sont nombreuses, certes, les réponses aussi. Celles-ci sont à chercher dans « les grands textes de loi relatifs à notre université (et) leur application au sein des établissements », comme l'auteur affirme avoir « surtout écouté les discours des acteurs privilégiés de l'éducation, essayant toujours de les soumettre au prisme de leur application et de détecter leur réussite souhaitée ou au contraire leur échec bien souvent caché ». Ces éléments posés, il est affirmé que « C'est donc à un diagnostic interne qu'invite cet ouvrage » qui « s'adresse en priorité aux enseignants et aux étudiants pour leur dire que leur université mérite beaucoup mieux mais qu'ils prennent leur part à son agonie annoncée et que les pouvoirs publics ne commettent parfois des fautes qu'avec la bénédiction de ceux qui sont censés réagir et qui ne le font pas ». Plusieurs titres de chapitres renvoient à ces maux qui minent l'université en générale et constituent l'essentiel du programme critique dont entend se prévaloir « Hypothèque sur l'université marocaine » de Mustapha Bencheikh : L'université Potemkine, La rhétorique de la professionnalisation, La taxe de tous les doutes, La science du clinquant et l'enseignant manager, Le privé ultime recours pour sauver l'université marocaine ?... Face à un lourd passif et à ses multiples carences, l'université peut-elle encore être sauvée ? Sans doute : la critique se veut constructive et s'inscrit dans une démarche, celle de « repenser l'université », en s'extirpant des règles écrites ou tacites qui la minent, selon une logique simple : celle des déviants, car n'est-ce pas que le changement est oeuvre de déviant, comme le soutenait déjà Michel Rocard dans « Le malaise français », un Michel Rocard qui semble illuminer le chemin de Mustapha Bencheikh qui le cite, car, semble-t-il, il y trouve un certain point d'appui pour assumer le caractère « déviant » de son propos qui se justifie, par ailleurs, par cet appel au rêve de Vargas Llosa : « nous devons continuer à rêver » pour « rendre possible l'impossible ».