On attendait quelque 24 millions d'Algériens aux urnes, à peine 8 millions d'entre eux se sont déplacés pour élire samedi les 407 députés de l'Assemblée Populaire Nationale. Cela ne dérange aucunement Tebboune qui ne croit pas à la légitimité du nombre. D'échéance en échéance, la déchéance du système électoral algérien parait inéluctable. De là à ce qu'un jour plus personne ne se déplace pour mettre un bulletin dans une urne, il n'y a peut-être qu'un Hirak à franchir. Même si cela est déjà arrivé dans les fiefs Kabyles où le taux de participation, enregistré à la mi-journée, était quasi nul à Tizi Ouzou (0,47%), et si des Kabyles s'étaient déplacés aux bureaux de vote, c'était uniquement pour les saccager et y affronter les forces de l'ordre, selon des média locaux. De presque 43% en 2012, à àpeine 37% en 2017, les législatives algériennes tenues samedi, ont enregistré leur participation électorale la plus faible en atteignant au forceps les 30,20%, selon l'Autorité électorale indépendante. Le scrutin législatif du samedi est le premier depuis le déclenchement du Hirak, en février 2019, lequel a poussé vers la porte de sortie le président grabataire Bouteflika, après 20 ans de règne. Un Hirak qui se poursuit toujours avec pour objectif la démission de tous les cadors du pouvoir algérien. Et depuis le déclenchement de ce soulèvement populaire, toutes les consultations électorales qui se sont déroulées en Algérie ont été marquées par la faiblesse inhabituelle de la participation des électeurs. Pour la présidentielle de 2019, Tebboune a intégré la Mouradia avec la participation de 40% des inscrits, 77% des électeurs ont refusé de se déplacer aux bureaux de vote lors des consultations de 2020 pour la Constitution. Concernant le scrutin de samedi dernier, près des deux tiers des Algériens ont boudé les urnes. Mais, parait-il, le président Tebboune n'en a cure. 70% d'Algériens ne constitueraient pas le peuple Pour lui, « le taux de participation n'a pas d'importance ». Ce qui lui importe, « c'est que ceux pour lesquels le peuple vote aient une légitimité suffisante », a-t-il déclaré juste après avoir inséré son bulletin dans l'urne. On n peut être plus clair. Tebboune ne considère aucunement les Algériens qui ont boycotté les urnes comme faisant partie du peuple. Et comme pour se rattraper, il a souligné, dans des déclarations à la presse, qu'il respecte la décision de ceux qui boycottent les élections, mais sans imposer leur opinion aux autres. Autrement dit, les deux tiers de la population algérienne doivent subir la tyrannie de la minorité. Drôle de concept démocratique. Mais qu'à cela ne tienne, le pouvoir s'en accommode fort bien, et pour lui les boycotteurs ont toujours tort. Le pouvoir dénie ainsi toute légitimité à ce mouvement, qu'il accuse d'être instrumentalisé par des «parties étrangères» et reste déterminé à imposer sa «feuille de route» électoraliste, en ignorant les revendications du Hirak - Etat de droit, pouvoir civil et non militaire, transition démocratique, souveraineté populaire, justice indépendante Considéré comme une façade civile de l'institution militaire, le gouvernement s'est efforcé ces derniers mois d'étouffer la contestation, interdisant les manifestations et multipliant les interpellations et les poursuites judiciaires visant opposants, militants, journalistes et avocats. Le chef d'état-major, le général Saïd Chengriha, a même mis en garde contre «tout plan ou action visant à perturber le déroulement » du vote. Ce qui n'a pas empêché les deux tiers des Algériens de rester chez eux le jour du scrutin. La Kabylie éternelle rebelle En Kabylie (nord-est), la quasi totalité des bureaux de vote ont fermé à Béjaïa et Tizi Ouzou, les villes les plus peuplées de la région berbérophone, selon la Ligue algérienne pour la défense des droits de l'Homme et le Comité national pour la libération des détenus (CNLD). Des échauffourées ont éclaté dans plusieurs localités kabyles et les forces de l'ordre ont procédé à des dizaines d'interpellations, selon ces deux ONG. Des images de bulletins de vote jonchant les rues en Kabylie ont circulé sur les réseaux sociaux. Dans la région traditionnellement frondeuse, de nombreux bureaux de vote ont été fermés, selon les observateurs, et des images de bulletins de vote jetés en pleine rue ont largement circulé sur les réseaux sociaux. Dans l'attente des résultats Les résultats des élections législatives organisées samedi en Algérie, pour lesquelles moins d'un électeur sur trois a voté, seront annoncés dans les jours à venir, a déclaré le président de l'Autorité nationale indépendante des élections (ANIE). Le pouvoir en place espère que ces élections, conjuguées à une récente vague de répression, permettront de tourner la page de deux ans de contestation dans la rue, baptisée le «Hirak». Les partisans du Hirak considèrent pour leur part que ce scrutin, pour lequel des appels au boycott avaient été lancés, va prouver l'absence de légitimité des institutions actuelles. Deux journalistes de premier plan, Khaled Drareni et Ihsane el Kadi, et l'opposant Karim Tabbou, figures du Hirak, ont été arrêtés la semaine dernière avant d'être libérés samedi. «Les élections se sont déroulées dans de bonnes conditions. Les électeurs ont été en mesure de voter et de choisir les candidats les plus appropriés pour servir l'Algérie», a dit Mohamed Chorfi, le président de l'ANIE, dans une allocution télévisée samedi soir. Sur fond de difficultés économiques, le Hirak, né en 2019, a provoqué la chute du président Abdelaziz Bouteflika il y a deux ans. Il a toutefois faibli en raison de l'épidémie de Covid-19 avant de reprendre en février dernier mais les autorités ont entrepris le mois dernier de réprimer les manifestations hebdomadaires de ce mouvement sans chef désigné. Pour de nombreux Algériens, le véritable pouvoir est entre les mains des militaires et de l'appareil sécuritaire qui dominent une élite politique sclérosée.