Axe fondamental du nouveau modèle de développement, la durabilité est un enjeu transversal dans lequel les Objectifs de Développement Durable gagneraient à jouer un rôle d'indicateurs de suivi. Présenté le 25 mai à SM le Roi Mohamed VI, le Nouveau Modèle de Développement (NMD) a révélé au grand jour de nouvelles pistes et orientations stratégiques qui ne manquent pas de donner une place fondamentale à la protection de l'environnement. La « durabilité » se retrouve ainsi parmi les cinq objectifs de développement interdépendants et complémentaires sur lesquels se construit la feuille de route. Pour 2035, la vision décrit un « Maroc Durable, où les ressources sont préservées, dans tous les territoires ». Cette perspective répond à un état des lieux préoccupant dans les domaines de l'environnement, que le NMD a largement détaillé. « La durabilité des ressources et la protection de la biodiversité sont nécessaires pour faire face aux risques et menaces générées par le changement climatique et par l'activité humaine. Le Royaume est fortement exposé à ces risques et à leurs impacts, notamment à travers les pressions sur les ressources hydriques, l'altération des bases productives de l'agriculture, et d'écosystèmes de biodiversité », souligne le document. Le tableau de bord des ODD « Le Nouveau Modèle de Développement 2035 a ancré de manière institutionnalisée la durabilité et la protection de l'environnement comme des fondamentaux. Il a consacré l'axe stratégique numéro 4 aux territoires résilients durables et c'est un excellent choix parce que c'est au niveau des territoires que la durabilité se concrétise et s'opérationnalise et non pas au niveau central » commente Hassan Agouzoul, expert en développement durable, qui, par ailleurs, estime pertinent de développer la mise en oeuvre du NMD de sorte à « sécuriser cette intégration systémique de la durabilité dans les différents outils institutionnels et stratégies sectorielles et des territoires et notamment en ayant recours aux Objectifs de Développement Durable (ODD) comme un tableau de bord pour mesurer les performances de la durabilité intégrée afin de pouvoir mobiliser les forces vives de la Nation vers l'atteinte des objectifs escomptés ». À cet effet, l'expert estime nécessaire de « refondre la Stratégie Nationale de Développement Durable (SNDD) afin de l'aligner au NMD et à l'agenda 2030 de Développement Durable ». Les territoires du changement Le NMD porte également les germes d'un nouveau paradigme de gouvernance dont les fruits concerneront tous les secteurs. « Je pense que les métropoles et les villes intermédiaires seront au coeur de la mise en oeuvre du NMD et joueront le rôle de fils conducteurs de l'implémentation. L'idée est que chaque territoire s'appropriera le chantier, selon ses atouts et spécificités, pour une dynamique qui émane depuis la base (bottom-up). C'est de cette manière qu'il sera possible d'absorber la démographie à l'horizon 2030 (70% de la population sera dans les villes) et également réussir à rentabiliser les investissements lourds des infrastructures urbaines réalisées puisqu'on disposera des marchés et la masse démographique nécessaire pour implémenter dans les villes une conception basée sur l'attractivité, la durabilité, la performance, la résilience et une économie des ressources naturelles », explique Hassan Agouzoul.
Adaptation et financement Le chantier de l'adaptation aux effets du changement climatique évoqué par le NMD est également pour beaucoup d'observateurs un enjeu environnemental décisif pour le bien-être et la prospérité des Marocains d'aujourd'hui et de demain. « L'adaptation au changement climatique est une priorité nationale qui nécessite de mettre rapidement en place le plan national d'adaptation au niveau sectoriel, territorial et national. Ce plan est d'autant plus important qu'il constitue la base qui permettra d'anticiper des impacts des dérèglements climatiques et ainsi travailler sur l'atténuation des vulnérabilités au niveau des territoires et des secteurs économiques concernés », insiste Hassan Agouzoul. Le défi tangible qui se dessine - autant pour l'environnement que pour les autres enjeux abordés par le NMD - est celui du financement. « Aujourd'hui, tous les bailleurs de fonds au niveau international sont en train de basculer vers la finance durable et intègrent de nouveaux critères qu'il faut prendre en considération pour pouvoir lever des fonds. C'est pour cette raison qu'il sera à mon avis incontournable de développer les deux leviers « finance durable » et « finance climat », conclut Hassan Agouzoul 3 questions à Hassan Agouzoul, expert en développement durable « Le défi passe par l'industrie et par la construction de filières et de chaînes de valeur locales » Consultant et expert en développement durable, Hassan Agouzoul répond à nos questions à propos des enjeux liés au développement de l'économie bleue et de l'économie verte au Maroc. - Que pensez-vous des recommandations du NMD relatives à l'économie verte et à l'économie bleue ? - La question de l'économie bleue et de l'économie verte est bien évidemment un enjeu environnemental et sociétal majeur, car il est question de chantiers où il reste beaucoup à faire mais qui, à terme, peuvent aboutir à deux nouveaux moteurs de croissance durable et intégrée. Le défi relatif à l'économie verte et à l'économie bleue passe par l'industrie et par la construction de filières et de chaînes de valeur locales. - Où en est-on aujourd'hui par rapport à ces deux chantiers ? - Pour l'économie verte, je pense que le ministère de l'Industrie et du Commerce a pris les choses en main à travers l'AMEE qui va se transformer en agence marocaine de l'économie verte. Pour l'économie bleue, il y a encore un grand vide à combler. Aujourd'hui, il faut rapidement rattraper le retard et développer une véritable économie bleue, basée sur des filières durables diversifiées qui ne se basent pas exclusivement sur l'exploitation de ressources naturelles marines car ces dernières ne sont pas inépuisables. Le standard mondial qui, actuellement, supporte l'approche de développement d'une économie verte est l'approche écosystémique, basée sur la santé des océans et des mers et sur une gestion durable et écosystémique des ressources marines. - Comment faire pour amorcer la construction d'une économie bleue au Maroc ? - Il faut changer de « mindset » à propos des 2.6 millions de km2 maritimes que compte notre pays et qui représentent le double de notre superficie terrestre. Une économie bleue dans ce vaste territoire prend également la forme d'exploitation halieutique durable mais doit également explorer d'autres gisements : le dessalement, les ressources minières, le transport maritime, les ressources génétiques, le tourisme de plaisance, l'aquaculture, etc. Il faut rapidement une feuille de route claire basée sur une planification spatiale maritime afin d'ériger différents clusters industriels marins bâtis autour de ports dont les conceptions et fonctionnements consacrent les principes de durabilité.