Les médecins du secteur public commémorent cette année le 10ème anniversaire de la marche historique de la dignité qui a eu lieu en 2011. Esquisse de bilan avec le président du SIMSP. Alaoui Al Mountadar, président du SIMSP - Le Syndicat Indépendant des Médecins du Secteur Public (SIMSP) au Maroc a organisé une grève nationale de 48 heures, les mardi 25 et mercredi 26 mai. Qu'est-ce qui a motivé la tenue de cette grève ? - Ce mois de mai, les médecins du secteur public commémorent le 10ème anniversaire de la marche historique de la dignité qui a eu lieu le 25 mai 2011. 73% des médecins du secteur public ont répondu favorablement à l'appel à cette grève. En vérité, la situation au sein de l'hôpital public n'est guère réjouissante, les conditions de travail sont encore difficiles pour l'ensemble des professionnels de la Santé. Sans parler de la rémunération qui reste dérisoire, nous travaillons en sous-effectif et sous pression permanente. Ceci a toujours été le cas même avant la pandémie, celle-ci n'a fait que dévoiler une réalité qui existait bien déjà. Faute de motivation et de perspectives d'évolution, une série de démissions collectives parmi les médecins du secteur public a été observée depuis deux ans. Aucune permission de démission n'a été accordée ! - Malgré vos efforts, les médecins du secteur public peinent à voir le bout du tunnel... - Nous ne cessons pas de publier des communiqués pour appeler le gouvernement à accélérer la réalisation du dossier revendicatif des médecins. Le gouvernement a opté pour le silence et a choisi de renier ses responsabilités, plutôt que de traiter positivement le dossier des médecins, pharmaciens et chirurgiens dentistes, ignorant ainsi la situation catastrophique et l'effondrement du secteur de la Santé dans notre cher pays. - La liste des revendications reste la même qu'il y a 10 ans ? - La liste des revendications reste longue. L'équivalence du doctorat en médecine avec le doctorat d'Etat des autres filières représente une revendication majeure. Cette mesure permettrait aux médecins d'avoir des salaires selon l'indice 509 (équivalent d'un doctorat Bac+8), au lieu de l'indice 336 (salaire équivalent au niveau du Master). D'ailleurs, nous attendons toujours les résultats de l'accord du 6 août 2020, qui porte sur l'octroi de l'indice 509 avec les rémunérations appropriées à l'ensemble des médecins concernés, signé entre les représentants du Syndicat et le ministère de tutelle. L'application complète et totale de l'indice avec toutes ses indemnités, est le seul moyen de réhabiliter le doctorat en médecine, et lui redonner ses lettres de noblesse. En outre, dans les grandes villes du royaume comme dans les zones éloignées, les médecins réclament plus de moyens et plus d'effectifs. Concernant les moyens techniques, leur nombre peut être augmenté, comme l'a prouvé l'expérience du Coronavirus, il suffit de le vouloir. Les médecins du public appellent le ministère de la Santé à adopter une approche participative, dans toutes les étapes de préparation, d'élaboration et de mise en oeuvre de la création d'un statut de la Fonction publique, prévue dans le cadre de la réforme du système national de santé. Nous mettons ainsi en garde contre toute tendance unilatérale dans l'élaboration de ce projet. Nous appelons ainsi le ministère à ouvrir un débat national sur le projet. - Le personnel de Santé a fait preuve de courage, de sacrifice et de compétence durant tous les mois de crise sanitaire mais aussi durant la campagne nationale de vaccination. Des indemnités exceptionnelles relatives au Covid-19 ont-elles été versées ? - Comme tout le monde le sait, les indemnités Covid-19 ne sont que des montants dérisoires que le gouvernement a mis en place pour gagner la sympathie des professionnels de Santé qui ont fait d'énormes sacrifices durant la crise sanitaire. Le montant n'est que symbolique puisque les médecins ayant travaillé dans les services de réanimation et d'autres liés au Covid-19 n'ont obtenu que 4000 dirhams chacun pour toute l'année. Evidemment que c'est insuffisant. Les médecins et tout le corps médical assurent leur prédisposition à garantir la réussite de la campagne nationale de vaccination contre le Covid-19. Dans ce cadre, nous appelons le ministère de tutelle à exclure le samedi du calendrier de la campagne, en travaillant uniquement pendant les cinq jours ouvrables et légaux de la semaine, du lundi au vendredi, afin de préserver l'efficacité des ressources humaines. - Où en êtes-vous dans les négociations avec le gouvernement sur votre cahier revendicatif ? - En tant que syndicat, ce que nous attendons impatiemment est l'approbation de notre cahier revendicatif, que nous avions présenté depuis longtemps pour remédier aux vrais dysfonctionnements du secteur de la Santé. Toutes les revendications que nous avons exprimées jusqu'à maintenant ont été approuvées par le ministère de la Santé. Pourtant, le dossier est encore entre les mains du ministère de l'Economie et des Finances qui examine le coût financier de nos revendications ! En effet, nous avons demandé plus d'investissement en équipements et en ressources humaines, avec une amélioration de notre statut salarial. Je vous rappelle que les médecins sont rémunérés comme détenteurs de Master et non comme docteurs. Par ailleurs, un sit-in à Rabat devant les ministères de la Santé et des Finances est également prévu accompagné d'une marche nationale dont la date sera annoncée ultérieurement par notre syndicat. Une décennie de perdue Il y a dix ans, jour pour jour, le plus grand rassemblement de médecins marocains a eu lieu. Pas moins de 8.000 médecins s'étaient donné rendez-vous devant le siège du ministère de la Santé en vue d'une marche mémorable vers le parlement. Dix ans plus tard, le déficit en ressources humaines s'est creusé, les conditions de travail ont empiré. De moins en moins de jeunes médecins veulent intégrer la Santé publique et des centaines de médecins ont quitté ce pays qui, pourtant, aurait pu éviter leur départ. Dix ans plus tard, un projet de loi concernant la Santé publique se prépare en catimini sans impliquer les principaux concernés. Démotivé, usé, le corps médical a tout de même livré une bataille honorable contre le Covid avec les moyens de bord, dix ans plus tard. Arriveront-ils à tenir le coup, dans les dix ans à venir, ou même en-deçà ?