Alors que les élections des délégués de salariés approchent à grands pas, nous avons contacté Enâam Miyara, Secrétaire général de l'Union Générale des Travailleurs du Maroc (UGTM) pour nous expliquer les tenants et aboutissants de ce chantier d'envergure. Quelle est l'importance des élections des délégués des fonctionnaires et des employés ? Premièrement l'importance de la représentation des fonctionnaires et des employés que ce soit dans le secteur privé ou dans le secteur public est d'instaurer une démocratie réelle, en incluant et en engageant la classe ouvirère dans la gestion effective des entreprises. Ces élections sont également importantes dans le sens où elles vont permettre de déterminer les syndicats les plus représentés au sein des entreprises privées ou des institutions publiques. Elles permettent également de constituer le comité de la santé et de la sécurité au travail ainsi que le comité de l'entrepreneuriat. Enfin, il sied de noter que la législation marocaine prévoit pour les syndicats vingt sièges au sein de la Chambre des Conseillers et qui sont élus parmi les délégués des fonctionnaires et des employés. Quelles sont les missions des délégués des salariés ? Dans le secteur privé, les délégués sont élus par des salariés pour une durée de 6 ans, et remplissent leurs fonctions établies dans le code du travail à travers le comité de la santé et de la sécurité au travail et le comité de l'entrepreneuriat, dont ils sont membres. Ils effectuent le rôle de représentants des salariés d'une entreprise, qui n'ont pas forcément d'appartenance syndicale, et sont en quelque sorte les porte-paroles de ces derniers auprès de la direction de l'entreprise. Ils contribuent à mettre en place un terrain propice au dialogue social interne et à la négociation au sein de l'entreprise dans le but d'asseoir les conditions garantissant, à la fois la performance de l'entreprise et la réalisation des revendications des employés, ainsi que la promotion sociale des salariés et la paix sociale ... Ils ont également la tâche de conclure des accords communs avec l'employeur. Ces accords sont signés par l'employeur, par le syndicat le plus représenté et par les délégués des salariés. La date du scrutin a été arrêtée par le gouvernement, entre le 10 et le 20 juin, pensez-vous que le gouvernement a donné suffisamment de temps aux parties concernées pour se préparer à ce chantier, qui ne s'annonce pas simple, surtout en ces temps de crise ? Et comment l'UGTM s'est-elle préparée pour ces élections ? Le gouvernement a respecté le délai régi par la loi qui est de quarante jours, depuis l'annonce du scrutin. D'autant plus que nous nous sommes préparés à ces dates puisque nous savons depuis longtemps que le mandat des délégués précédents sera achevé le 2 juin. Il est vrai que certaines parties concernés demandent le report de ces élections, en raison de la crise sanitaire. Au niveau de l'Union générale des travailleurs du Maroc (UGTM), nous sommes pour le maintien des dates annoncées. Nous estimons qu'il faut respecter la durée accordée par la loi et qu'il est temps d'apporter un changement, pour avoir de nouvelles énergies parmi les délégués. Grâce à l'organisation de l'UGTM, qui se constitue de bureaux régionaux qui supervisent le secteur privé et qui coordonne le travail syndical au sein du secteur public, nous travaillons de manière continue et nous sommes tout le temps prêts à ce genre d'événements. Notre organisation nous permet d'une part de travailler et d'être en contact permanent avec nos membres, malgré les difficultés imposées par la crise sanitaire. Aussi, la loi stipule que les syndicats qui ont une représentation de 6% parmi des délégués de salariés et au sein des Commissions administratives paritaires sont ceux qui ont droit au dialogue avec le gouvernement. Notre objectif est de dépasser ce taux de représentation, afin d'atteindre nos objectifs, à savoir la réalisation des revendications des employés et des fonctionnaires. Quel est le programme que va présenter l'UGTM ? S'agissant du secteur public, nous comptons faire tout ce qui est en notre pouvoir pour que les termes des accords du 25 avril 2019 soit réalisés en intégralité. Nous projettons également de travailler sur plusieurs changements dans la loi de la fonction publique. Nous allons défendre, comme nous l'avons toujours fait, les catégories à parcours de carrière limité,afin qu'ils puissent atteindre de nouvelles échelles de la fonction publique. Aussi, nous prévoyons de militer pour l'élaboration des lois fondamentales de plusieurs secteurs, notamment les collectivités territoriales, les agences urbaines ainsi que le secteur de la formation professionnelle qui accuse plusieurs défaillances. Nous défendrons également la nécessité d'élever les salaires, surtout dans la conjoncture actuelle, et nous soutiendrons le pouvoir d'achat de la classe ouvrière, en militant pour la révision de l'impot sur le revenu. Pour ce qui est du secteur privé, nous oeuvrerons pour militer contre toutes les tares du secteur formel, à savoir le retard de paiement, l'abstention à déclarer des employés à la CNSS, le non-respect du SMIC. Nous allons également travailler sur l'élargissement des contrats communs entre les employeurs et les délégués de salariés. D'ailleurs, en l'espace d'une seule année seulement, nous avons pu signer 8 contrats. Ce genre d'accords garantit la stabilité des employés et encadre le volet social au sein de leurs entreprises. Les accords communs apportent également une entente quant à la promotion salariale des employés. En gros, elle complète le code du travail, en explicitant plusieurs points qui n'y sont pas détaillés. Que doit faire le ministère du travail pour assurer la réussite de ce projet après les élections ? Le point le plus important à traiter est celui des ressources humaines. Il faut noter que dans ce sens le minitère du Travail et de l'Insertion professionnelle témoigne d'une défaillance énorme au niveau des compétences. Je cite à titre d'exemple le manque substanciel des inspecteurs de travail, qui sont au nombre de 331 au Royaume. Pour y remédier, le ministère de l'Emploi a d'ailleurs lancé ce 15 février deux concours pour recruter 182 inspecteurs de travail pour l'année 2021. Le nombre sera toutefois toujours insuffisant. En outre, leur nombre réduit n'est pas le seul prolème. Nous pensons qu'il faut donner aux inspecteurs de travail plus de prérogatives, voire en faire un huissier de justice, afin qu'ils puissent mettre en pratique le cadre juridique qui régit le secteur. Le ministère devrait également prendre des dispositions pour encourager et faciliter les accords communs précités entre les entreprises et les délégués de salariés. Aussi, il faudrait penser à des législations régionales à même de permettre un développement social et économique dans chaque région selon ses spécifités. Enfin, le ministère doit soutenir sérieusement les syndicats pour arriver à bien encadrer la classe ouvrière au Maroc.