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Bouregreg, une mémoire souillée
Publié dans L'opinion le 21 - 03 - 2021

Un fleuve est un poème au long court, une symphonie qui mêle bruits de l'eau, chants d'oiseaux, une œuvre d'art pour le regard avec son miroitement, ses poissons argentés... Bouregreg a inspiré poètes, peintres et photographes, bercé de sa houle les amoureux au regard perdu dans l'infini du bleu de son azur qui couvre le parcours des barcassiers, montant et remontant les eaux du fleuve, avec les repères que sont les ponts qui relient les deux villes, avec vues sur la mémoire des lieux que sont la Tour Hassan, la Casbah des Oudayas, la Nécropole du Chellah.
Du côté de Salé, la Marina a transformé l'estuaire du Bouregreg, la construction du Théâtre Mohammed VI sur les berges du fleuve (rive gauche) et l'érection majestueuse de la Tour Mohammed VI, finissent par donner une touche de modernité architecturale et futuriste à la rive droite du fleuve. Le temps des Nzahas est révolu, mais l'Histoire est justement une suite de changements dans les mœurs, les habitudes que commande l'évolution urbaine des sociétés.
Salé ne sera plus jamais la ville des corsaires comme les rives du Bouregreg ne seront plus les sites de la Nzaha des temps immémoriaux qui voyaient des familles entières prendre d'assaut les lieux pour des pique-niques printaniers.
Images de cartes postales, dira-t-on ? Certes... L'actualité du fleuve aux eaux tachées de plaques noirâtres issues, selon toute vraisemblance, directement du déversement des lixiviats, mot barbare qui recouvre les liquides qui s'échappent des sites d'enfouissement de déchets comme celui de Oum Azza, dans la région de Rabat, ne laisse aucun doute sur la pollution des eaux du fleuve, au grand dam des amoureux de ses berges. La rareté des pêcheurs à la ligne montre également que le fleuve a perdu ses poissons, comme l'absence de cigognes qui sillonnaient le ciel et se reflétaient dans l'eau bleue montre la dégradation naturelle de la vallée du Bouregreg.
Tristes constats en cette journée qui célèbre l'eau sans laquelle aucune vie n'est possible, une eau souillée qui fait déserter les berges du Bouregreg, fuir les oiseaux migrateurs et disparaître les poissons, comme le fameux chabel dont le souvenir s'estompe même dans les mémoires des anciens des rives du fleuve de la Capitale, ville lumière et culturelle, qui entend renouer avec son passé lié au fleuve et à la mer.


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