Votées par les députés, après des débats houleux, les nouvelles lois électorales investissent la Chambre des Conseillers pour le « deuxième round » d'une bataille sans issue certaine. La bataille de la réforme électorale franchit sa phase avant-finale. Après les députés, c'est au tour des membres de la deuxième Chambre de se prononcer sur les nouvelles lois électorales, source de divisions profondes au sein de la classe politique. Transférées à la Chambre des Conseillers, pour être discutées et amendées au cours de la semaine, ces lois donneront lieu à des débats qui s'annoncent aussi houleux qu'à la Chambre des Représentants, selon des sources concordantes. Vendredi, en dépit des tentatives d'obstruction du groupe du PJD pour reporter la séance plénière, les députés ont, à 162 voix favorables, voté le nouveau Code électoral, dans sa version finale, après le marathon des amendements. Une réforme qui a donné le coup de grâce à la majorité, incapable de présenter des amendements communs. Comme à l'accoutumée, le gouvernement est resté sourd vis-àvis des groupes de l'Opposition. Le député istaqlalien Omar Hjira a déploré le rejet de plusieurs amendements proposés par le groupe istiqlalien « Pour l'Unité et l'Egalitarisme », surtout ceux concernant l'établissement d'une commission électorale indépendante, chargée de veiller sur le déroulement des élections. « Il est inacceptable que plusieurs de nos propositions soient balayées d'un revers de main, sachant que nous sommes une force de proposition », s'est-il indigné. Le quotient électoral au centre de la discorde Toutefois, les députés ont tranché les grands points d'achoppement entre les formations politiques, tel le quotient électoral, voté à 160 voix favorables, au grand malheur du PJD, qui a voté contre, et qui espérait le maintien d'un mode de calcul jugé, par les autres partis, préjudiciable au pluralisme démocratique. Le parti qui dirige l'actuelle majorité n'a pas pu faire infléchir consensus qui prévalait au sein de la classe politique sur la nouvelle formule du quotient électoral qui sera désormais calculé sur la base des personnes inscrites sur les listes électorales de chaque circonscription, au lieu des bulletins valides. Le PJD s'était éperdument cramponné au maintien de la formule actuelle, prétextant qu'il s'agit d'une réforme « antidémocratique », alors que l'explication résiderait dans le fait que ce changement causera une perte conséquente de 40 sièges pour le parti aux prochaines élections, selon des sources parlementaires contactées par nos soins. Sur ce point, le Parti de l'Istiqlal a présenté un amendement commun avec les groupes de l'Opposition (PAM et PPS), approuvé par la Commission de l'Intérieur. Le nouveau calcul permettrait d'assurer une meilleure représentativité des électeurs, d'un côté, et une reconfiguration des circonscriptions électorales, de l'autre. Le Secrétaire Général du Parti de l'Istiqlal, Nizar Baraka, avait indiqué que la réforme du quotient était indispensable pour éviter de se retrouver dans des majorités hétérogènes, arguant que le calcul actuel produit une non-conformité entre le nombre des sièges obtenus et le nombre de voix acquises. L'autre mesure phare apportée par la réforme est la révocation du seuil électoral, qui était fixé auparavant à 3%. Ce seuil éliminatoire n'entravera plus les petites formations qui pourraient rêver désormais de se faire représenter au Parlement. Listes régionales : les femmes triomphent, jeunes et MRE hors-jeu La nouvelle réforme met un terme à l'ambiguïté qui a entouré les listes régionales, lesquelles supplantent désormais la liste nationale. Les 90 sièges répartis sur les 12 régions du Royaume seront réservés exclusivement aux femmes. Le but est d'aller progressivement vers la parité, prônée par la Constitution. Le groupe istiqlalien a tenté de sauver le quota des jeunes et des MRE, en proposant de leur réserver un certain nombre de conscriptions locales. Cet amendement a été rejeté par 35 voix, contre 4 favorables. A ce titre, il convient de noter que Omar Hjira a rappelé que ce sont plus de six millions de Marocains expatriés qui veulent participer à la vie politique de leur pays. De son côté, Omar Abbassi a exprimé sa consternation quant au refus de cet amendement, si vital pour l'avenir de la vie politique du pays et des institutions constitutionnelles.
Anass MACHLOUKH 3 questions à Abdeslam Lebbar « Nos amendements seront faits sur la base des consignes du Parti » Abdeslam Lebbar, président du groupe istiqlalien « Pour l'Unité et l'Egalitarisme » à la Chambre des Conseillers, a répondu à nos questions sur le passage des nouvelles lois électorales, votées par les députés, à la première Chambre, et les perspectives de nouveaux amendements. - Les lois électorales ont été votées après des tractations intenses à la Chambre des Représentants, peut-on s'attendre à des changements majeurs à la Chambre des Conseillers ? - En effet, les textes votés par les députés ont été envoyés au Bureau de la présidence de la deuxième Chambre. Les discussions auront lieu cette semaine, et chaque groupe va faire de son mieux pour les amender. Pour notre part, nous allons faire notre devoir, et nous sommes en coordination avec le Parti de l'Istiqlal, pour préparer nos futurs amendements. - Sur ce point, plusieurs amendements du groupe istiqlalien à la Chambre des Représentants ont été rejetés, craignez-vous un scénario semblable ? - Il est certain que le gouvernement a le droit d'accepter ou de rejeter les propositions des groupes parlementaires. Il est fort probable que nous tentions de déposer des amendements semblables à ceux qui ont été refusés à la Chambre des Représentants. En plus de ça, évidemment que nous allons réfléchir à notre tour à d'autres pistes pour pouvoir apporter de nouvelles modifications. - Allez-vous présenter des amendements en commun avec les groupes de l'Opposition parlementaire ? - Comme vous l'avez constaté à la Chambre des Représentants, il y avait une sorte d'arrangement entre les groupes des partis de l'Opposition pour présenter en commun leurs amendements, du moins dans certains aspects, où il y avait un consensus. Sans doute allons-nous procéder de la même façon à la Chambre des Conseillers. Recueillis par A. M.