Lors d'une séance qui restera dans les annales de la première chambre, les députés ont voté le nouveau Code électoral, dans sa version finale, après le marathon des amendements. Une réforme qui ne manquera pas de changer le paysage politique, lors des prochaines élections, tout en portant une déception majeure pour le PJD qui a perdu la bataille démocratique du quotient électoral. Lors d'une séance plénière à la Chambre des représentants, le nouveau Code électoral a été voté par les députés avec 162 voix favorable, contre 104 voix défavorables. Cette réforme a apporté, après des discussions tumultueuses, des modifications majeures au mode de scrutin et dans le choix des assemblées élues. La séance s'est déroulée dans un climat tendu, après son report de plusieurs heures, à cause de la zizanie semée par le groupe Pjdiste, qui a fait venir tous ses députés, transgressant le protocole sanitaire qui exige la présence de seulement 30% des députés par groupe, en vue d'endiguer la propagation du Covid.
La séance du dépôt des amendements a été une véritable lutte entre les députés des différents groupes parlementaires, et les altercations n'ont pas manqué, selon des sources au sein de l'Hémicycle. C'était prévu, vu que les divergences des points de vue étaient palpables dès le début des discussions. Alors que les partis de l'opposition, à savoir l'Istiqlal, le PAM et le PPS, ont convenu d'amender collectivement les lois électorales, du moins dans certains aspects, la majorité s'est montrée effritée, en présentant séparément ses amendements. Cela dit et comme le veut la coutume, le gouvernement a fait la sourde oreille aux appels des élus de Nation, souhaitant combler les lacunes des textes de loi électorales qui demeurent en deçà des attentes des Marocains. Dans ce sillage, le député istaqlalien Omar Hjira a déploré le rejet de plusieurs amendements proposés par le groupe istiqlalien pour «l'Unité et l'égalitarisme», surtout ceux concernant l'établissement d'une commission électorale indépendante, chargée de veiller au déroulement des élections. « Il est inacceptable que plusieurs de nos propositions soient balayées d'un revers de main, sachant que nous sommes une force de proposition », s'est-il indigné.
Quotient électoral : fini la rigolade
Toutefois, les députés ont tranché les grands points d'achoppement entre les formations politiques, tel le quotient électoral, voté à 160 voix favorables, au grand malheur du parti du PJD, qui a voté contre, et qui espérait le maintien d'un mode de calcul jugé, par les autres partis, préjudiciable au pluralisme démocratique. Le parti qui dirige l'actuelle majorité n'a pas pu résister au consensus qui prévalait au sein de la classe politique sur la nouvelle formule du quotient électoral. Lequel sera désormais calculé sur la base des personnes inscrites sur les listes électorales de chaque circonscription, au lieu des bulletins valides. Noyé dans la frustration, le groupe Pjdiste a même évoqué l'article 103 de la Constitution, qui stipule que «le Chef du Gouvernement peut engager la responsabilité du gouvernement devant la Chambre des Représentants, sur une déclaration de politique générale ou sur le vote d'un texte. La confiance ne peut être refusée ou le texte rejeté qu'à la majorité absolue des membres composant la Chambre des Représentants (...)». Le vote ne peut intervenir que trois jours francs après que la question de confiance ait été posée. Le refus de confiance entraîne la démission collective du gouvernement. Le PJD s'était éperdument cramponné au maintien de la formule actuelle, prétextant qu'il s'agit d'une réforme « anti-démocratique », alors que la réelle raison serait liée au fait que ce changement causera une perte conséquente de sièges pour le parti aux prochaines législatives. Si Mostapha Ibrahimi, président du groupe du parti de la lampe, qualifie cette mesure comme «un retour en arrière et un coup au processus démocratique que le Maroc a engagé», il faut noter que ce changement se traduit par une perte d'environ 40 sièges, selon des sources parlementaires contactées par nos soins et quelque 26 sur les circonscriptions locales. L'impact d'une telle chute sur les subventions de l'Etat accordées en fonction du nombre de sièges, est estimé à plus de 3 millions de dirhams.
Mais si les formations politiques ont détruit les ambitions du PJD, c'est parce que ce nouveau calcul permettrait d'assurer une meilleure représentativité des électeurs d'un côté et une reconfiguration des circonscriptions électorales d'un autre. Dans ce cadre, le Secrétaire général du Parti de l'Istiqlal, Nizar Baraka, avait indiqué que la réforme du quotient était indispensable pour éviter de se retrouver dans des majorités hétérogènes, arguant que le calcul actuel produit une inconformité entre le nombre des sièges obtenus et le nombre de voix acquises. Un vrai problème démocratique qu'il fallait régler. C'est ainsi que le Parti de l'Istiqlal a présenté un amendement commun avec les groupes de l'opposition (PAM et PPS), approuvé par la Commission de l'Intérieur. L'autre mesure phare apportée par la réforme est la révocation du seuil électoral, qui était fixé auparavant à 3%. Ce seuil éliminatoire n'entravera plus les petites formations qui pourraient rêver désormais de se faire représenter au Parlement.
Listes régionales : Les femmes triomphent, jeunes et MRE hors-jeu
La nouvelle réforme met un terme à l'ambiguïté qui a entouré les listes régionales, lesquelles supplantent désormais la liste nationale. Les 90 sièges répartis sur les 12 régions du Royaume seront réservés exclusivement aux femmes. Le but est d'aller progressivement vers la parité, prônée par la Constitution. Sachant qu'elles occuperont au minimum 22% des sièges de la première Chambre. Le groupe istiqlalien a tenté de sauver le quota des jeunes et des MRE, en proposant de leur réserver un certain nombre de conscriptions locales. Cet amendement a été rejeté par 35 voix, contre 4 favorables. A ce titre, il convient de noter que Omar Hjira a rappelé que ce sont plus de six millions de Marocains expatriés qui veulent participer à la vie politique de leur pays. De son côté, Omar Abbassi a exprimé sa consternation quant au refus de cet amendement, si vital pour l'avenir de la vie politique du pays et des institutions constitutionnelles.
La lourde responsabilité de représenter les Marocains
Prévoyant la fin du cumul des mandats pour les communes de plus de 300.000 habitants, les nouvelles lois électorales ont été amendées, à l'initiative des partis de l'opposition, pour élargir les situations d'incompatibilité entre le mandat législatif et local, et ce dans le but d'inclure les conseils provinciaux et préfectoraux.
S'agissant de promouvoir la transparence, les règles de bonne conduite seront plus strictes pour les prochains élus de la Nation. Les candidats seront désormais interdits de siéger à l'Instance législative s'ils dépassent le plafond de financement de la campagne. Les comptes relatifs aux campagnes doivent être justifiées auprès de la Cour des comptes dans un délai de 60 jours.