Les projets de lois relatifs aux élections seront présentés demain mardi en Commission de l'Intérieur. Si la représentation politique des MRE n'est plus sur la table, leur participation demeure toutefois en cours de négociation. Alors que des formations partisanes de l'opposition et même de la majorité gouvernementale continuent de plaider en faveur de l'activation de l'article 17 de la Constitution qui permet aux Marocains du Monde de participer aux élections en tant qu'électeurs et candidats, la Coordination des représentants des partis politiques à l'étranger commence à perdre espoir quant à la mise en place de ce droit avant les prochaines échéances. «Le travail de la Coordination, qui dure depuis plusieurs semaines, a été significatif et a porté ses fruits auprès des partis politiques, qui ont tous exprimé leur soutien à la cause des Marocains du Monde. Cependant, l'état d'avancement au niveau du gouvernement ne prête pas à l'optimisme», nous confie Hadj Chafiq, coordinateur du Parti de l'Istiqlal en Europe et membre de la Coordination des partis politique marocains à l'étranger. En se basant sur les consultations menées auprès des formations politiques, les représentants des MRE avaient rédigé, en janvier dernier, un mémorandum listant une série de recommandations pour assurer la participation politique des Marocains résidant sous d'autres cieux. Des propositions qui n'ont pas été intégrées dans le projet de loi modifiant la loi organique relative à la Chambre des Représentants, s'étonne la Coordination des partis politiques marocains à l'étranger. Dans un communiqué, publié la semaine dernière, celleci dénonce la «sourde oreille» face aux dynamiques politiques et civiles des Marocains du Monde, qui ont œuvré avec modération, équilibre et sagesse pour la mise en application des principes constitutionnels relatifs au droit des Marocains de la diaspora à la participation politique. «Toute politique publique adoptée au parlement doit prendre en considération les droits et les besoins de tous les Marocains sans exception, y compris ceux vivant à l'étranger. D'où la nécessité d'inclure cette catégorie de citoyens dans le processus politique», soutient Noureddine Modiane, chef du groupe parlementaire istiqlalien « Pour l'Unité et l'Egalitarisme » à la Chambre des Représentants (voir 3 questions à...). Fustigeant la négligence dont fait preuve le gouvernement vis-à-vis des revendications légitimes des Marocains du Monde, l'Istiqlalien souligne que l'exclusion de cette catégorie de citoyens de la contribution directe dans la gestion de la chose publique «aura des conséquences négatives sur les générations futures». Le dilemme de la logistique Rappelons qu'en 2016, le gouvernement Benkirane s'était opposé à la participation directe des MRE aux élections. L'Exécutif avait joué la carte logistique, arguant qu'il ne pouvait pas fournir les moyens financiers nécessaires à cette opération. Un argument qui trouve toujours son chemin au sein de la Commission de l'Intérieur. «Les contraintes d'ordre technique et financier ne tiennent pas la route», selon Mohammed Saoud, membre du Comité exécutif du Parti de l'Istiqlal en charge des Marocains du Monde et des affaires d'immigration, et ce, du fait que des pays bien plus pauvres que le Maroc et bien moins avancés technologiquement permettent à leurs expatriés de voter. Ne serait-ce qu'en 2006, quelque 28 pays africains, dont le Botswana, l'Angola, le Tchad ou encore le Togo, autorisaient le vote à partir de l'étranger. Ainsi, Mohammed Saoud estime que le gouvernement ne dispose pas d'une réelle volonté politique pour faire avancer ce chantier «car les obstacles techniques sont facilement surmontables, comme le démontre les expériences des autres pays». Cela dit, au moment où le texte de loi relatif à la Chambre des Représentants approche de la dernière ligne droite, le Parti de l'Istiqlal ne compte pas lâcher du lest. Lors de sa rencontre avec les membres de la Coordination partisane à l'étranger, le SG du parti de la Balance, Nizar Baraka, a affirmé son engagement envers la diaspora, insistant qu'« il est aujourd'hui grand temps d'œuvrer pour garantir aux MRE le droit d'être politiquement représentés et de participer pleinement dans le processus démocratique de notre pays et à la prise de décision », précisant que « cela ne peut se faire que depuis le Parlement ». A cet égard, Noureddine Modiane nous confie que «fidèle à sa position historique, le groupe parlementaire istiqlalien plaidera, durant les jours qui viennent, en faveur des droits de la Jaliya, comme il l'a fait en 2016 et bien avant». La balle est désormais dans le camp des élus de la Nation pour soutenir le Parti de l'Istiqlal dans sa lutte pour le droit constitutionnel des MRE à participer aux élections. Saâd JAFRI 3 questions à Noureddine Modiane «Nous disposons de 395 sièges, pourquoi ne pas réserver 30 pour les MRE ?» Nous avons contacté Noureddine Modiane, chef du groupe parlementaire istiqlalien « Pour l'Unité et l'Egalitarisme » à la Chambre des Représentants, pour nous parler de l'importance d'assurer la représentativité et la participation politique des MRE. - Comment évaluez-vous la réponse du gouvernement au dossier relatif à la représentativité et la participation politique des MRE pour les élections 2021 ? - Les articles 17 et 18 de la Constitution garantissent le droit de participation politique des Marocains du Monde aux élections législatives et leur donnent la possibilité de se porter candidats aux élections au niveau des listes et des circonscriptions électorales locales, régionales et nationales. D'ailleurs, le discours prononcé par SM le Roi Mohammed VI à l'occasion du 58ème anniversaire de la Révolution du Roi et du Peuple, réaffirme sans aucune ambiguïté la pleine citoyenneté et les droits à la participation optimale des MRE aux institutions nationales et à la gestion des affaires publiques. Donc, en s'opposant à la participation de cette catégorie de Marocains, le gouvernement non seulement faillit à sa mission de gouvernance, mais montre également son incapacité à bénéficier des prérogatives accordées par la Constitution. Il réduit ainsi en peau de chagrin tout le capital confiance des Marocains du Monde qui, jusqu'à maintenant, demeurent fidèles à leur identité marocaine. - Quelle est la proposition présentée par le groupe istiqlalien en faveur des MRE ? - Notre groupe parlementaire avait présenté, en 2016, un projet de loi qui prévoit 60 sièges pour les Marocains du Monde, vu que leur nombre dépasse les 6 millions de personnes, soit 1 siège pour chaque 100.000 habitants. Hélas, le texte a été refusé par la majorité, témoignant ainsi du manque de volonté politique de l'Exécutif. D'ailleurs, les députés de l'Istiqlal sont restés cohérents avec eux-mêmes à l'époque, en défendant leurs choix et positions jusqu'au bout. Ils ont même tenu à mettre chacun devant ses responsabilités en maintenant leurs amendements et en les soumettant au débat et au vote public en séance. Maintenant, la question qui s'impose : pourquoi ce refus catégorique ? Nous disposons de 395 sièges, pourquoi ne pas réserver 30 pour les MRE ? Pourquoi ne pas commencer graduellement, en leur réservant 10 ou 20 sièges comme première étape ? - Que pourrait perdre le Maroc en excluant ces Marocains de la participation politique ? - Aujourd'hui, les Marocains du Monde sont des docteurs, des chercheurs, des ingénieurs...qui occupent de grands postes sous d'autres cieux et qui pourraient donner un nouveau souffle au champ politique marocain. Si on n'ouvre pas la porte de la représentation politique de ces derniers et on ne consolide pas leurs liens avec la patrie, nous perdrons les générations futures des MRE. Il faut donc fédérer les efforts pour mettre en valeur ces personnes qui, ne l'oublions pas, sont les vrais ambassadeurs du Maroc à l'étranger. Recueillis par S. J.