Terriblement impactées par le choc de la crise sanitaire, les entreprises pâtissent de l'effet du recul de l'activité après neuf mois du début de la pandémie. Une grande partie a d'ores et déjà réduit ses effectifs et ne compte pas investir en 2021. Neuf mois après l'entrée du Coronavirus au Royaume, ayant entraîné la réduction de l'activité économique suite aux mesures restrictives, les entreprises marocaines continuent d'endurer le choc dont les effets se font sentir jusqu'à présent, malgré le plan de sauvetage engagé par le gouvernement en partenariat avec le secteur privé à l'aide du système de prêts garantis. Dans un contexte de récession dont les estimations varient au gré des institutions financières, les entreprises sont confrontées à une conjoncture peu attrayante et décourageante. Le Wali de Bank Al-Maghrib, Abdellatif Jouahri, n'a pas caché son pessimisme lors de sa récente rencontre avec les députés de la Commission des Finances en disant qu'il est irréaliste d'espérer une amélioration de la situation économique dans le court terme, rappelant qu'il faut attendre jusqu'en 2023 pour renouer avec la croissance telle qu'elle fut avant la pandémie. La récession est bien là, et ses effets continueront de matraquer l'activité en attendant que le plan de relance de 120 milliards, mis sur la table par le Maroc sous impulsion royale, donne ses fruits. Tandis que la Banque centrale avait prévu initialement 6,6% de récession, la crise sanitaire et les restrictions ont coûté 7% au Produit intérieur brut (PIB). C'est à ce contexte morose que les entreprises marocaines ont dû et devront s'adapter tout au long de cette année exceptionnelle, dont l'impact a été mesuré par la récente note du Haut-Commissariat au Plan (HCP), au dernier trimestre de l'année écoulée. Maintenir l'activité : l'enjeu fatidique Soutenues relativement par les crédits garantis par l'Etat, à savoir « Daman Oxygène » et « Daman Relance », les entreprises ont généralement préservé leur activité. Selon la note du HCP, 83.7% des entreprises ont déclaré avoir maintenu leurs activités, au terme du deuxième semestre de 2020. Par contre, 16,3% ont dû mettre « les clés sous la porte », ou suspendre temporairement leur activité. Le HCP précise que 2,2% des boîtes sont en arrêt définitif alors que 6% ont dû arrêter temporairement leur activité après une reprise, et 8% suspendent toujours leur business. Cependant, l'institution d'Ahmed Lahlimi fait état d' « un certain redressement de l'activité globale », en se basant sur l'évolution du taux d'activité de 43.1% en avril à près de 83.7% en décembre. Les grandes entreprises se portent bien vu que 87,5% d'entre elles sont en activité, les petites et moyennes entreprises (PME) s'en sortent mieux avec un taux d'activité de 89.6%, alors que ce dernier se situe à 81% pour les très petites entreprises (TPE). Le secteur du Tourisme meurtri Assommées par les mesures restrictives qui perdurent après les prolongations répétitives de l'état d'urgence sanitaire, les entreprises de l'hébergement et de la restauration trouvent du mal à s'adapter au choc de la crise. 27,5% d'entre elles sont en arrêt temporaire, tandis que 3,5% ont d'ores et déjà fermé leurs portes, ressort le HCP. Idem pour ce qui est du transport et de l'immobilier dont les taux d'activité ne dépassent pas respectivement 67,4% et 68,0%, relève la même source. L'industrie dans toutes ses branches demeure résiliente dont plus de 90% des entreprises ont pu rester actives, à l'exception de l'industrie textile et agroalimentaire, dont le taux de cessation d'activité, que ce soit temporairement ou définitivement, a atteint respectivement 23% et 13,3%. S'agissant de la performance, la crise sanitaire n'a pas manqué de baisser le rythme et la cadence de l'activité des entreprises dont 83% ont déclaré « avoir subi une baisse de leur activité tandis que 12% ont connu une stabilité de leur niveau d'activité et seulement 5% des entreprises ont enregistré une augmentation durant le deuxième semestre 2020 », rapporte le HCP, ajoutant que la moitié des entreprises ayant souffert d'une baisse d'activité ont dû supporter une chute de 50% de leur performance par rapport à la même période en 2019. Les restaurateurs et des chefs d'établissements d'hébergement sont les plus touchés, 86,3% d'entre eux ont perdu la moitié de leur dynamisme commercial, alors que seuls 9% n'en ont perdu que 30%. Les baisses d'activités supérieures à 50% n'en restent pas moins conséquentes dans le secteur de la construction (68,7%), dans les branches des activités immobilières (63.0%) et dans celles de l'industrie du textile et du cuir (58.7%), précise la note du HCP. Emplois : les boîtes serrent la ceinture Face au recul des activité et des chiffres d'affaires, il est normal de s'attendre à une crise dans le marché de travail. Alors que l'Etat avait annoncé une réduction du recrutement dans la Fonction publique dans les trois années qui viennent, le secteur privé a fait de même en allant même à réduire ses effectifs. Les résultats de l'enquête du HCP ressortent que 37.5% des entreprises organisées ont réduit le nombre de leurs salariés par rapport à 2019, dont 41,9% sont des grandes entreprises, ayant entrepris des plans sociaux de redressement. Pour leur part, 41.9% des PME et 33.4% des TPE ont été obligées à restreindre leurs équipes. Les pertes d'emplois ont touché visiblement le secteur touristique (restaurateurs, hôteliers, transporteurs etc.) dont 64% des entreprises se sont séparées de la moitié de leurs effectifs, durant le deuxième semestre 2020 par rapport à la même période en 2019. Investissement : la prudence est de mise Etant dans une logique de survie, les entreprises du secteur privé sont dans l'obligation de revoir à la baisse leurs ambitions en matière d'investissement, sachant que la crise du Covid-19 a découragé les chefs d'entreprises et miné leur moral. « Près de 81.1% des entreprises ne prévoient aucun projet d'investissement en 2021 », indique le HCP, ajoutant que 3.9% entrevoient une baisse du niveau d'investissement alors que 6.4% anticipent une augmentation en 2021. Pour autant, 10.9% des Grandes Entreprises sont optimistes et songent à accroître leurs investissements en 2021.Quant à elles, les PME demeurent circonspectes, sachant que seules 8,3% d'entre elles ont l'intention de se lancer dans de nouveaux projets. Prêts garantis : les PME se plaignent de la bureaucratie Jusqu'à présent, les entreprises ont bénéficié du soutien de l'Etat pour amortir le choc de la crise. Report des échéances de crédit, report des échéances fiscales et notamment les délais de paiement des impôts et taxes, et d'allégements de charges, et la liste est longue. Toutefois, l'efficacité de ces mesures incitatives est à évaluer, de nombreux députés ont interrogé maintes fois le gouvernement sur les difficultés rencontrées par certaines entreprises pour accéder au financement. Le bilan provisoire est interpellant, l'enquête du HCP relève que seules 16% des entreprises déclarent avoir bénéficié des prêts garantis par l'Etat, et 18% ont pu reporter leurs échéances de crédits. « Cette proportion atteint 28% chez les GE, 24% pour les PME et 15% chez les TPE », indique la même source, ajoutant que les reports d'échéances fiscales ont profité à 13% des entreprises. En effet, 62,7% des entreprises n'ont rien reçu, dont 24% se plaignent de la complexité des procédures et 18% du manque d'accompagnement. Ce problème est plus conséquent pour les et PME et les TPE dont environ le quart estiment que les procédures sont inextricables. Repères L'export étouffé Suite à la fermeture des frontières pour une longue durée et la perturbation de la chaîne logistique internationale, les entreprises exportatrices ont souffert d'une baisse palpable de leurs chiffres d'affaires. En effet, 81.3% des entreprises exportatrices ont subi une baisse du volume de leurs ventes à l'extérieur pendant le deuxième semestre 2020. Les perspectives du futur ne sont guère réjouissantes sachant que près de 40% des chefs d'entreprises anticipent une diminution de leurs exportations tandis que 22% seulement en prévoient une légère augmentation sur la même période. Trésorerie : l'enjeu de solvabilité Compte tenu de la baisse de l'activité, une grande partie des entreprises sondées par le HCP ont des difficultés de trésorerie sachant que quelquesunes risquent l'insolvabilité en étant à bout de leurs réserves. Selon l'enquête du HCP, 40% ont déclaré ne pas disposer de réserve de trésorerie, alors que 8% ont une réserve permettant de tenir moins d'un mois. Par catégorie, 25% des GE disposent de réserves qui peuvent tenir plus de 6 mois, cette proportion est de 14% chez les PME et 11% pour les TPE. 75 milliards de dirhams de crédits garantis par l'Etat Afin de faire face aux effets de la crise, le gouvernement s'est hâté pour venir au secours du tissu économique avec un plan de relance de 120 milliards de dirhams, dont 75 milliards ont été alloués aux mécanismes de prêts garantis et 45 milliards attribués aux Fonds Mohammed VI dédié au soutien aux projets d'investissements. L'objectif est de préserver les emplois. Le Pacte pour la relance économique, signé par l'Etat en partenariat avec la CGEM et le secteur bancaire, prévoit des allégements de charges pour les entreprises et les engagent à préserver 80% des emplois.