Face aux périls d'une forte récession, le gouvernement fait l'ébauche d'une Loi de Finances qui tente de sauver la situation en promettant davantage de déficit, davantage de dette. Confronté aux perspectives sombres de la récession, l'Exécutif prépare le budget de l'année prochaine dans des conditions exceptionnelles, caractérisées par un manque de visibilité sur la conjoncture économique à cause des vicissitudes de la crise sanitaire. Le Maroc est en phase de décroissance, comme en témoignent les prévisions de récession qui se succèdent jour après jour. La Banque centrale avait fait état d'une contraction de 6,3% de l'économie, après que le HCP avait limité le taux de récession à 5,8% à la fin de 2020, chiffre qu'avait retenu le gouvernement pour fixer les hypothèses du budget de l'Etat pour 2021 dans la lettre de cadrage qu'avait adressée Saad Edine El Othmani aux différents départements ministériels. Encore, la conjonction périlleuse d'une sécheresse persistance et de l'effet jugulateur de la crise sanitaire a contraint le gouvernement à durcir sa conduite dans les dépenses publiques qui penche désormais de plus en plus vers la rigueur. Le Chef de gouvernement a appelé à la rationalisation des dépenses des établissements publics, de même que le ministère de l'Intérieur a exhorté les collectivités territoriales de serrer la ceinture. C'est dans ce contexte nébuleux que l'Exécutif esquisse la genèse de La loi de Finances 2021. Le ministre de l'Economie, des Finances et de la Réforme de l'administration, Mohammed Benchaâboun, a tracé les contours du budget de 2021 dans un exposé présenté devant les membres de la Commission des Finances et du Développement économique de la Chambre des représentants. Il s'agit de clarifier les enjeux de l'élaboration du PLF 2021 et la programmation des dépenses. Il est également question de faire le point sur l'exécution de la Loi de Finances rectificative de l'année courante. La détresse de l'économie nationale Malgré la sortie du confinement, la deuxième vague de la recrudescence de la Covid-19 empêche toujours la reprise effective de l'activité, estime M. Benchaâboun qui table sur une récession de 5,8% à la fin de 2020. Ce dernier a fait état d'une chute vertigineuse de 50% de l'activité du secteur du tourisme à cause d'une saison estivale catastrophique. La valeur ajoutée des secteurs du commerce et du transport a reculé respectivement de 12% et 9,1% suite au choc de la pandémie, a-t-il en outre indiqué. Face au recul de l'activité, les conditions de financement de l'économie se sont toutefois améliorées, précise le ministre de l'Economie et des Finances, et ce, grâce à l'augmentation des crédits bancaires de 29,1 milliards dont la majeure partie est consacrée au soutien aux entreprises dans le cadre des crédits garantis (Daman Oxygène). Or, cela a considérablement affecté la liquidité bancaire qui demeure soutenue par une intervention permanente de Bank-Al-Maghrib par le biais du refinancement des banques et la libéralisation des réserves obligatoires. La conjoncture s'est aggravée avec la montée du chômage qui atteint son comble (13%) après avoir enregistré une hausse de 4,2% cette année, selon le ministre qui précise que le confinement a couté quasiment 10.000 emplois par jour. Un bilan mitigé de la Loi de Finances rectificative Le coût de la récession est d'ores et déjà palpable sur l'état des comptes publics qui souffrent d'une baisse de 13,8 milliards de dirhams des recettes de l'Etat. Ceci est dû notamment à une chute abyssale des rentrées fiscales. Au moment où l'Etat est très attendu pour mener l'effort de relance, les rentrées du fisc ont chuté de 11,5 milliards de dirhams à tous les niveaux (-1,9 M pour l'IR, -3,7% pour la TVA et une légère baisse de l'IS), selon les chiffres du ministre de l'Economie. La contraction du commerce extérieure a également privé l'Etat de 2,4 milliards de dirhams de droits de douane. Ainsi, l'exécution du budget de cette année a abouti à la dégradation des comptes publics qui se trouvent dans un état critique. En témoignent un déficit du Trésor de 7,6% (55,5 milliards) dont la dette atteint des niveaux alarmants (76,1% du PIB). Face à l'urgence de la situation, Noureddine Modiane, chef du groupe itiqlalien à la Chambre des représentants et membre de la Commission des finances, a appelé le gouvernement à prendre des mesures plus audacieuses dans l'élaboration du budget 2021 afin de sortir de la récession quasi-absolue de l'activité économique. Surmonter la récession Le ministre de l'Economie et des Finances a indiqué devant les députés que le PLF 2021 sera voué essentiellement au plan de relance, à la généralisation de la couverture sociale et à la réforme du secteur public, conformément aux directives royales. Ainsi, il sera procédé à la généralisation de l'assurance maladie obligatoire (AMO), des allocations familiales, des retraites et des allocations de chômage dès janvier 2021, avec un régime sociale universel qui inclura même les professions libérales. Ce chantier coûtera 4,2 milliards de dirhams, selon le ministre. Le budget de 2021 se veut plus généreux vis-à-vis des secteurs de la Santé et de l'Education auxquels seront alloués cinq milliards supplémentaires. Ils bénéficieront de plus de postes budgétaires (1500 pour l'Education et 2000 pour la Santé) et d'une hausse des investissements dans les équipements. M. Benchaâboun affirme que le budget de 2021 sera l'occasion d'opérer le plan de relance économique et la mise en œuvre du pacte pour la relance, destiné à soutenir les entreprises, et l'alimentation du fonds stratégique d'investissement. Tout cela nécessitera des caisses publiques plus de 10 milliards de dirhams. En somme, le financement du budget de 2021 exige une hausse des dépenses publiques estimée à 13,6 milliards au moment où le gouvernement prévoit un recul de 25 milliards de recettes fiscales en 2021. Ceci est susceptible de creuser les déficits publics ce qui pourrait pousser le Maroc à s'endetter davantage auprès des marchés internationaux alors qu'il vient d'y lever un milliard de dollars. Enfin, estime Mohammed Benchaâboun à l'issue de son intervention devant les députés, il est peu probable que le Maroc revienne au niveau de croissance de 2019, les prévisions de croissance pour l'année 2021 ne dépassent pas 4,8% ce qui est loin de combler le fossé de la récession qui poussé le pays à perdre 5,8% de son PIB.