La majorité a décidé une «réécriture» de l'article 24 de la loi sur la «sécurité globale». La gauche veut son retrait pur et simple. Soucieuse d'éteindre l'incendie, la majorité a décidé lundi une «réécriture totale» de l'article 24 de la proposition de loi sur la «sécurité globale» afin de «lever les doutes» qui n'ont cessé de s'intensifier ces derniers jours jusqu'à provoquer une crise politique majeure. Dans la soirée, le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin, entendu pendant plus de deux heures par la commission des Lois de l'Assemblée nationale, a lui, reconnu qu'il existait «peut-être» des «problèmes structurels» au sein de la police et a listé les «sept péchés capitaux» de l'institution. Parmi ces péchés, la question du matériel, de l'encadrement, ou de l'IGPN «la police des polices». Auparavant, après une réunion de crise organisée à l'Elysée autour d'Emmanuel Macron, les présidents des groupes parlementaires LREM, MoDem et Agir ont annoncé «la nouvelle écriture complète» de l'article 24, qui prévoit de pénaliser la diffusion malveillante de l'image des forces de l'ordre, et qui cristallise les tensions. «Nous savons que des doutes persistent encore» et «nous devons éteindre ces doutes», a expliqué Christophe Castaner, le patron des députés LREM, insistant toutefois lors d'une conférence de presse qu'il ne s'agissait ni d'un retrait ni d'une suspension de l'article 24. Dès lundi soir, a ajouté Castaner, ancien ministre de l'Intérieur, «nous rencontrerons le Premier ministre et les membres du gouvernement concernés pour un premier échange. Nous pourrons alors, dans ce cadre et dans le cadre de nos prérogatives constitutionnelles respectives, discuter du véhicule législatif et du calendrier», qui reste à préciser. Olivier Becht, chef des députés Agir, a notamment évoqué la possibilité de recycler l'article 24, déjà voté en première lecture par l'Assemblée nationale, dans le futur projet de loi contre les «séparatismes», dont l'article 25 reprend l'esprit de la mesure, selon des responsables de la majorité. Un retrait et rien d'autre pour la gauche En attendant, la gauche, LFI et PCF en tête, continue à réclamer la suppression pure et simple de la loi Sécurité globale. Et à droite, le patron ses sénateurs LR Bruno Retailleau a estimé que «l'exécutif et sa majorité vont d'erreur en erreur», ajoutant que la réécriture de l'article «dépend désormais du Sénat» où le texte doit en principe être examiné en janvier. «Réécrire un article déjà voté, c'est original comme méthode... nous sommes gouvernés par une bande de pieds nickelés», a ironisé le porteparole du RN Sébastien Chenu. «Leur inventivité et leur potentiel d'enfumage sont sans limites! Cette petite phrase «la majorité parlementaire suspend l'article 24» ne passerait même pas le cap d'un TD de première année en droit constitutionnel», a dénoncé la sénatrice PS Laurence Rossignol. La pression politique n'a cessé de monter après un week-end de manifestations fournies contre un texte conspué par la gauche, les journalistes et les défenseurs des libertés publiques. Les tensions engendrées par la proposition de loi avaient auparavant explosé jeudi après la diffusion des images du passage à tabac du producteur Michel Zecler. Face à ce trouble, certains députés de la majorité réclamaient la suppression pure et simple de l'article 24. « Une incompréhension entre la perception du texte et sa réalité » Pour tenter de sortir au plus vite de cette crise, Emmanuel Macron a réuni lundi en fin de matinée le Premier ministre Jean Castex, le ministre de l'Intérieur, celui de la Justice, Eric Dupond-Moretti, et les présidents des groupes. De source gouvernementale, le chef de l'Etat s'est exprimé avec «une grande clarté et fermeté», estimant qu'il y avait «une incompréhension entre la perception du texte, notamment par les médias, et sa réalité». Resté en retrait pendant l'examen à l'Assemblée nationale du texte «Sécurité globale» à l'article 24, Macron avait fustigé vendredi le tabassage à Paris d'un producteur noir par des policiers. «Des images qui nous font honte», avait-il dit. Devant la Commission des Lois de l'Assemblée, Gérald Darmanin a lui expliqué son attachement à certains aspects de l'article visé. «Je souhaite que nous gardions et je le souhaite intensément, profondément, avec une énorme conviction, la protection comprise dans l'article 24 pour les policiers», a-t-il dit. Le ministre, qui a réitéré sa «confiance» a préfet de police de Paris Didier Lallement, a également estimé qu'il n'y avait «pas de divorce entre la police et sa population» et listé les problèmes qui pèsent sur la police, parmi lesquels la formation, l'encadrement, l'équipement ou la prise d'images via les caméras piéton. Cette audition est intervenue alors que quatre policiers ont été mis en examen dans l'affaire Michel Zecler. Deux ont été écroués et deux placés sous contrôle judiciaire. Certains à gauche, dont le leader de LFI Jean-Luc Mélenchon, ont réclamé la démission de Darmanin.