Bien que le Royaume ait fait des progrès dans beaucoup de secteurs stratégiques, il reste des efforts à faire. C'est l'essentiel de l'analyse des résultats de la 8ème édition du tableau de bord stratégique 2020 de l'IRES. C'est un document de 184 pages que vient de rendre public l'Institut Royal des Etudes Stratégiques (IRES) et qui fait la radioscopie du Maroc dans tous ses pans structurels et conjoncturels, ses avancés, ses améliorations, ses limites à travers des analyses bien fournies. De l'éducation à la santé en passant par le capital immatériel, la sécurité, la compétitivité, la liberté économique, l'attractivité industrielle, le taux d'endettement publics etc., tout y est. Ainsi, à l'analyse des résultats de la 8ème édition de son tableau de bord stratégique, l'IRES met en évidence encore une fois, la nécessité pour le Maroc de renforcer son capital immatériel pour en faire un levier de son positionnement international. La Covid-19 a démontré, si besoin est de le rappeler, que l'élément Humain et le Capital Immatériel doivent être au cœur de tout développement.
Dans l'ensemble, à l'heure où il y a un fort soutien de l'action des FAR au sein de la communauté internationale dans son opération à El Guerguerat pour contrer le « Polisario » dans ses actions belliqueuses, la sécurité (à l'intérieur ou aux frontières) se place au premier plan à la lecture d'un tel rapport. Au ce niveau, le domaine de veille stratégique (DVS) de l'IRES note une élévation de la sécurité publique intérieure, grâce à la mise en place de nouvelles structures sécuritaires, au renforcement de leurs moyens d'action et à la formation des forces de l'ordre aux nouvelles formes de criminalité. En outre, le recours à une approche sécuritaire consistant en la promotion de forces de l'ordre de proximité et la sensibilisation des citoyens sur leur rôle, en tant que partenaire de ces forces devraient renforcer davantage le niveau de la sécurité intérieure du pays. Sécurité renforcée Sur la même lancée, notamment sur le plan militaire, le DVS révèle également une amélioration significative du classement international du Maroc en termes de puissance militaire. Selon l'Institut «Global Firepower», le Maroc se positionne en 2020 à la 57ème place au niveau mondial et à la 6ème au niveau africain au titre des capacités de son armée. Cette puissance de frappe assure la quiétude aux frontières du Royaume. Cependant, au niveau de la paix, l'IRES souligne un recul du positionnement du Maroc au titre de cet indice qui pourrait s'expliquer, sur le plan externe, par l'instabilité de l'environnement régional et, sur le plan interne, par les manifestations sociales enregistrées dans un passé récent au niveau de certaines régions. Il convient toutefois de mentionner que le Royaume est le 6ème pays le plus paisible au niveau de la région du Moyen Orient et de l'Afrique du Nord (MENA), note l'IRES. Dans le même ordre d'idées, l'indice global du terrorisme ne joue pas en faveur du Maroc. En effet, malgré son engagement actif dans la lutte contre le terrorisme et ses choix de société, axés sur l'ouverture et la promotion d'un Islam modéré et tolérant, le Maroc, qui faisait partie dans un passé récent des pays « sans impact terroriste », a rejoint, en 2019, la catégorie des pays « à très faible impact ». Pour l'IRES, Cette situation pourrait être liée à l'attentat terroriste perpétré au Maroc en 2018, concernant le meurtre de deux jeunes touristes scandinaves par des individus prêtant allégeance à l'Etat islamique.
Qu'en est-il de la cybercriminalité ? A ce sujet, sur la base des données de l'Union internationale des télécommunications, ABI Research Global CyberSecurity Index, le rapport indique que malgré l'engagement fort du Royaume en matière de cybersécurité, le classement international du Maroc au titre de cet indice a accusé un recul entre 2014 et 2018, en matière de régulation digitale, de veille technologique et de coopération entre les organismes nationaux concernées. L'attractivité
Il convient toutefois, note l'IRES, de rappeler que le Maroc, conscient de la montée en puissance des cybermenaces, s'est engagé depuis les dix dernières années dans le renforcement de ses capacités nationales de sécurité des systèmes d'information et a adopté, en 2012, une stratégie nationale de cybersécurité.
Cependant, ces éléments à charge n'entament en rien l'attractivité du Maroc dans le domaine touristique où le pays bénéficie d'une bonne image. En effet, sur la base de Bloom Consulting Country Brand Ranking, le rapport note un classement très favorable du Maroc au titre de l'attractivité de son secteur touristique, confortant ainsi le statut du Royaume en tant que destination touristique de choix au niveau africain et sud-méditerranéen.
Sur le plan de la stabilité du cadre macroéconomique, les indicateurs ne sont pas totalement au vert puisque le rapport, sur la base des données des données du HCP et de la Banque Mondiale, révèle que la croissance économique s'est ralentie pour passer d'un palier de 4,4%, en moyenne par an, sur la période 1999-2008 à 3,5%, en moyenne par an, sur la période 2009-2019. Taux d'endettement Tirée principalement par la consommation des ménages et s'appuyant toujours sur un effort important en termes d'investissement public dont la rentabilité n'est pas réellement avérée, l'IRES estime que cette croissance économique n'est pas soutenue par des gains en termes de productivité et génère encore des inégalités sociales.
Il en est de même pour les taux d'endettement. Le rapport 2020 montre une forte reprise de l'endettement public passant de 47.1 en 2009 à 65.15 en 2019. Sous l'effet conjugué de la sécheresse et de la pandémie du Covid-19, le taux d'endettement direct du trésor pourrait atteindre, fin 2020, 76 % du PIB. Le Maroc devrait, l'IRES le recommande à cet effet, éviter à tout prix de retomber dans une situation de fort endettement public d'autant plus que la sortie de la crise sanitaire sera probablement antérieure à celle de la sortie de l'endettement.
Parallèlement, le taux d'ouverture de l'économie (biens et services) a connu une montée en flèche avec une ouverture de l'économie marocaine sur l'extérieur qui s'est accrue en lien avec la multiplication des accords de libre-échange conclus par le pays et avec son engagement actif au sein du système commercial multilatéral. Selon l'IRES, cette ouverture s'est traduite par une détérioration du solde commercial due, notamment, aux problèmes de compétitivité de l'économie nationale et au fait que les entreprises marocaines ne tirent pas suffisamment profit des clauses préférentielles contenues dans les accords de libre-échange. Résultat ce taux est passé de 64.1 entre 1999-2008 à 76.5 entre 2009-2019. Wolondouka SIDIBE
Encadré Les détails et la pertinence Selon l'IRES, les informations relatives aux différents indicateurs, contenus dans ce rapport, ont été recueillies à partir de sources variées, à savoir : les organismes nationaux tels que le Haut-Commissariat au Plan (HCP), les départements ministériels, l'Office des Changes... et les institutions internationales telles que la Banque Mondiale, le FMI, l'OCDE, le PNUD, l'OMS, la FAO, le CEPII... Il comprend plus de 200 indicateurs stratégiques, classés selon les dix domaines de veille stratégique (DVS) de l'institut. L'IRES rappelle que l'édition de 2020 a été réalisée dans un contexte marqué par la pandémie de la Covid-19. Ce qui a rendu difficile pour certaines organisations internationales l'actualisation des indices. Elle se distingue aussi par l'intégration de nouveaux indicateurs stratégiques, liés, notamment, à lutte contre la faim, à la transition énergétique, à l'état de la biodiversité, à la mobilité sociale, à la vaccination, à l'attractivité industrielle, au développement des villes intelligentes, à la protection de la propriété intellectuelle et aux disparités entre les genres.
Repères Inégalité de genre Dans le rapport de l'IRES, sur la base des données du PNUD, on constate une baisse significative de l'inégalité de genre, au cours des deux dernières décennies, à la faveur des politiques de développement humain et celles valorisant le rôle de la femme. Pour autant, les discriminations de genre demeurent persistantes. En outre, et malgré la tendance baissière des inégalités de genre, le Maroc demeure toujours classé parmi les pays les plus affectés par ce phénomène selon le classement de World Forum Economic. Des inégalités qui concernent, particulièrement, la participation des femmes au marché du travail et leur émancipation politique.
Qualité de l'accueil touristique Dans le rapport, sur la base des données de World Economic Forum, c'est un classement exceptionnel du Maroc au titre de la qualité de l'accueil réservé aux touristes étrangers, traduisant l'hospitalité de la population marocaine. En effet, les six éditions de l'étude de l'IRES sur la réputation du Maroc dans le monde ont révélé que la caractéristique « Population aimable et sympathique » constitue un point fort de la réputation, à la fois, interne et externe du Royaume. D'ailleurs, les projections post covid-19 vont dans ce sens puisque la reprise de l'activité touristique est attendue dès 2021. Solde budgétaire Sur la base des données du Ministère de l'économie et des finances et du FMI, on constate une dégradation du solde budgétaire du Maroc de -2.17 et 4.5 du PIB respectivement entre les périodes 1999-2008 et 2009-2019 dans un contexte économique international en pleine mutation. A ce sujet, l'IRES estime que le Maroc devrait opter pour la rationalisation des dépenses publiques afin de contenir leur alourdissement consécutif, entre autres, à la crise sanitaire et pour l'optimisation du financement du déficit public à travers la recherche d'un meilleur équilibre entre le financement interne et le financement externe.