Après sa rencontre avec les députés, Nizar Baraka, secrétaire général de l'Istiqlal, s'est réuni mardi, avec les conseillers du parti lors d'une journée d'étude organisée sous le thème «quelle rentrée politique à l'ombre de la crise économique et sociale ?». Analyse. Nizar Baraka, Secrétaire général de l'Istiqlal, s'adressant aux citoyens dans des capsules vidéo disponibles sur la plate-forme de partage YouTube, ne mâche pas ses mots. « Les Marocains ne croient plus en l'actuel gouvernement. Ils ne le considèrent pas apte à faire face aux défis auxquels devra faire face le pays et craignent autant pour leurs vies que pour leur gagne-pain, autant pour eux-mêmes que pour leurs enfants. Ils ont tout aussi peur des décisions ‘nocturnes' prises par le gouvernement et annoncées aux citoyens au coup de minuit que d'un retour au confinement », fustige-t-il l'actuelle équipe aux manettes. Car le problème dépasse le cadre des critiques émises par un parti de l'opposition, ou de simples considérations électorales. Selon Baraka, le Maroc a fait de grands pas en arrière. La lente descente aux enfers Il y a la brutale récession avec un recul du PIB de l'ordre de 6,3% en 2020, que l'on peut toujours attribuer entièrement à la crise sanitaire. Mais il serait intellectuellement plus honnête de rappeler que la croissance de l'économie marocaine était loin d'être brillante au cours des années précédentes ; 2,7% en 2019, 3% en 2018, 4% en 2017. Une marche à reculons. Quant à l'éternel cache-misère invoqué de la faiblesse des précipitations pluviométriques, l'une des tâches supposées du gouvernement n'était-elle pas justement de réduire la dépendance de l'économie nationale aux aléas climatiques ? Il y a aussi la progression du chômage, conséquence logique du manque de dynamisme économique précité. « Nous avons 500.000 chômeurs de plus, le taux de chômage a atteint 14% », rappelle Nizar Baraka, qui met l'accent sur l'angoisse des citoyens. Peur de la perte d'emploi, peur de la perte de revenus, surtout après l'arrêt des aides sociales directes, à l'épidémie du Covid-19 est venue s'ajouter celle de la peur qui tenaille les Marocains. Qui ne sont pas du tout rassurés par les piètres performances de leur gouvernement, qui barbotte depuis sa composition et malgré son profond remaniement, dans un marécage de querelles entre les partis qui le composent et même au sein de la formation politique qui le dirige. Quant à la permanente somnolence de son chef, les Marocains sont convaincus que ce n'est pas le fait du Sras-cov2. Ils supposent plutôt une piqure de mouche tsétsé. Les rares fois où il se réveille, ses propos indiquent une fièvre délirante avancée. La peur comme mode de gouvernance C'est que les craintes des citoyens semblent, malheureusement, justifiées. « Nous avons un million de personnes de plus qui ont plongé dans la pauvreté au cours des six derniers mois », souligne le Secrétaire général de l'Istiqlal. « Le taux de pauvreté, qui était passé de 15% à 4,8% s'est remis à la hausse, pour atteindre 6,6% et si le gouvernement continue sur la même voie, et rien ne semble indiquer qu'il va changer de cap, les acquis vont continuer de s'éroder et la pauvreté de s'aggraver ». Nizar Baraka met l'accent sur les défaillances de gouvernance constatées de l'exécutif qui pointent de manière palpable son incompétence. Quid du rendement des investissements publics, dont on a enregistré la régression ces dernières années ?Combien d'emplois créés pour chaque dirham des contribuables investi ? Alors que les inégalités sociales et territoriales étaient en régression, elles se sont remises à se creuser. La politique ultralibérale mise en œuvre par le gouvernement est directement responsable des déficiences qui s'accentuent, accuse Nizar Baraka. La crise sanitaire n'a fait que révéler au grand jour les dysfonctionnements auparavant latents. La conception de l'Istiqlal du revenu universel unifié, à l'instauration duquel il a appelé, est de fournir une aide conditionnelle aux ménages démunis correctement ciblés, dans un objectif d'autonomisation plutôt que de maintien dans la dépendance. Encourager l'esprit de l'assistanat est non seulement contreproductif, c'est culturellement régressif, socialement fragilisant, économiquement appauvrissant et politiquement très dangereux. Au commencement, la souveraineté Les valeurs héritées du Mouvement national sont anti-misérabilistes, elles sont égalitaristes. Le filet de sécurité prôné par l'Istiqlal vise le renforcement de la cohésion sociale, un chantier qui s'inscrit dans le plan de relance proposé sous forme de mémorandum, en juin dernier au gouvernement, et articulé autour de six axes stratégiques. Les leçons tirées de la crise sanitaire motivent la promotion de la souveraineté nationale, que ce soit sur les plans de la sécurité alimentaire, sanitaire et énergétique. L'Istiqlal est porteur de l'ambition du « Made In Morocco ». Il est également défenseur d'une couverture de santé universelle, afin de démocratiser l'accès aux soins. Une démarche qui passe également par un investissement en équipement des centres de santé dans les petites localités. Pour répondre aux grandes difficultés, il faut nécessairement mobiliser les grands moyens, ce que préconise l'Istiqlal à travers un « plan Marshall » en faveur des entreprises, avec pour objectif essentiel la création d'emplois. Il n'y a pas de secret, la création de richesses et d'emplois, c'est un entrepreneur porteur d'un projet plus un financement suffisant pour pouvoir traduire ce projet en produits ou services commercialisés. Digitalement mal instruits Comme l'argent est le nerf de la guerre, l'Istiqlal propose la création d'une banque publique d'investissement pour financer les très petites, petites et moyennes entreprises (TPME), soit quatre millions d'unités productives, qui représentent 95% du tissu entrepreneurial et constituent le premier employeur national. A l'ère du digital, un essaim d'abeilles travailleuses interconnectées peut beaucoup plus que des mastodontes, économes en main d'œuvre et fiscalement avares. Seulement, à quelle digitalisation des entreprises, à quelle attractivité auprès des multinationales en phase de relocalisation le Maroc peut-il prétendre, avec l'analphabétisme numérique d'une large frange de sa population ? L'échec de l'enseignement à distance en est la preuve flagrante. Le remaniement du système éducatif est l'un des six chantiers du plan de relance istiqlalien. Le dernier porte sur la transition écologique, dans l'objectif d'un développement durable, avec la question de l'eau en tête des préoccupations. C'est à travers un retour aux principes fondamentaux, traduits dans le vocabulaire des temps nouveaux, que l'Istiqlal voit la sortie de la mauvaise passe actuelle.
Ahmed NAJI Repères Haro sur la classe moyenne La classe moyenne, que le parti de l'Istiqlal défend en tant que levier fondamental de démocratisation et principal pilier d'un réel développement socio-économique (qui ne s'arrête pas à la seule croissance du PIB) a été, à travers sa paupérisation rampante, la principale victime de l'actuel gouvernement. Elle était pourtant la catégorie sociale sur laquelle se fondaient les espoirs de renouveau portés suite à la promulgation de la nouvelle constitution. Les déceptions ont toujours un coût. Les pauvres, réservoir électoral Du discours politique du parti à la tête du gouvernement, prétendant s'intéresser aux pauvres, le Secrétaire général de l'Istiqlal met en évidence le caractère fictif. Ce sont, dans les faits, les plus riches qui ont été les réels bénéficiaires de la politique du gouvernement. Les Marocains pauvres ont eu droit aux miettes sous forme d'aides peu substantielles, une aumône déguisée aux motivations électoralistes flagrantes. En fait, le parti au pouvoir aime tellement les pauvres qu'il préfère qu'ils le restent. C'est ainsi qu'ils lui sont plus utiles. L'Istiqlal à l'écoute des petits entrepreneurs Artisans, propriétaires de bains maures (hammams)..., des représentants de professions à faible surface financière, terrassés par les conséquences économiques de la crise sanitaire, s'adressent au Secrétaire général de l'Istiqlal pour porter leurs revendications. Ils ne mendient pas, ils veulent, à juste titre, bénéficier de la part des pouvoirs publics de dispositions adaptées à la situation de crise à laquelle ils sont confrontés. Leurs voix sont restées sans écho auprès du gouvernement. A bon entendeur...