Au-delà du choc suscité par ce nouveau drame, le meurtre de la petite Naima Rouhi provoque une vague de colère sur la toile. Les raisons ? « Discrimination géographique et sous-traitement de sa disparition car originaire du Maroc inutile », déplorent les internautes. Par Hayat Kamal Idrissi
A peine deux semaines séparaient les deux affaires : Celle de Adnane de Tanger et celle de Naima de Zagora. Deux enfants, deux destins brisés et deux crimes abominables dont l'atrocité est insoutenable. Provoquant un grand émoi sur les réseaux sociaux, la mort tragique de Naima suscite, de surcroît, chez les internautes un sentiment de dépit et de frustration. On évoque le racisme et la ségrégation géographique même lorsqu'il s'agit « d'anges fauchés par la mort ». » Deux poids, deux mesures « L'humoriste Mohamed Bassou n'a pas hésité à fustiger les médias et leur « deux poids deux mesures ». « Les médias ont trouvé que Zagora est trop loin peut être. Ils n'ont pas trouvé nécessaire de se déplacer et d'aller faire des reportages sur place pour montrer le lieu où on a trouvé le corps de Naima, de rencontrer ses proches et leur donner la parole, de faire des investigations sur les circonstances de sa disparition et de son assassinat !!! », déplore-t-il sur son mur facebook. L'humoriste va plus loin en trouvant une explication à cette attitude qu'il juge » négligente « . « Le problème est au-delà du viol ou du meurtre. Le véritable problème réside dans la mentalité ambiante, la géographie et la couleur. Je l'ai toujours soutenu : La centralisation tue ce pays », accuse-t-il. Racisme et centralisation, le post de Bassou n'est pas le seul à dénoncer cette « double injustice » subite par Naima et ses semblables dans les régions reculées du pays, « le Maroc inutile ». Maroc inutile « Les deux enfants ont été victimes d'enlèvement, de séquestration et de meurtre. Mais la petite Naima n'est que la fille de Zagora, une citoyenne de la marge, du Maroc inutile. Sa disparition n'a pas mérité la médiatisation et la forte mobilisation accompagnant celle de Adnane », regrette Réda Abid, acteur associatif dans la région de Ouarzazate. Pour ce dernier, « Si les écarts ont toujours existé, conjugués à un tel drame, ils prennent d'autres dimensions beaucoup plus démoralisantes et frustrantes », analyse Abid. Même dépit, même constat chez Rima Belrhazi. « Zagora n'est ni Tanger ni du Maroc « nafe3 » ( utile ), mais tout le monde a le droit à la même justice ! Tout enfant a le droit de vivre son innocence dignement et surtout longuement !!! Chacun de nous compte. Personne n'est de trop dans ce bas monde », réclame cette web writer. « Où est donc cette compassion, cette solidarité et cette mobilisation dont vous avez fait preuve dans l'affaire de Adnane ? », s'exclame de son côté Abderahmane Kroumi tandis que sur d'autres pages, on n'y va par quatre chemins. « Même les facebookiens et les influenceurs des réseaux sociaux sont des hypocrites petite fille ! Parce que tu es de Zagora, tu es la fille de la marge et des milieux pauvres, personne ne parlera de toi et de ta tragédie. Mais on ne va pas blâmer les médias manipulés ni la population des réseaux sociaux influençable... On blâmera cette mentalité raciste à la compassion sélective », accuse Abd Zefzafi dans un post largement partagé. Une rogne qui ne cesse de prendre de l'ampleur depuis la découverte des restes du cadavre de Naima Rouhi, 5 ans, dans un ravin de la vallée d'Agdez. Des remontrances auxquelles répond Najia Adib, présidente de l'association « Ne touche pas à mes enfants ». « A ceux qui accusent les associations de protection des enfants d'avoir failli à leur mission, je réponds : N'y a-t-il pas d'association locales à Zagora qui pouvaient communiquer avec nous et sur les réseaux sociaux à propos de la disparition de Naima pour mobiliser tout le monde à temps et à travers le pays ? Pourquoi les acteurs civils ne nous ont-ils pas informé pour faire le nécessaire ? Je ne blâme personne mais il faut reconnaitre la responsabilité de tous, même le citoyen assis tranquillement derrière son écran et critiquant à tout va ! », conclut Adib.