Le confinement se prolonge à Tanger et la crise avec. Privés de leur clientèle habituelle, les touristes, des propriétaires de bazars jettent l'éponge et se transforment en vendeurs de légumes et fruits. DNES à Tanger Hayat Kamal Idrissi et Abdelhak Razek En ce samedi ensoleillé de juin, au cœur de l'ancienne ville de Tanger. Les rares bazars ouverts sont déserts. Point de clients ! Les propriétaires se contentent de faire l'inventaire de leur marchandise mais surtout de leurs pertes. « C'est une grande crise. Une catastrophe qui a frappé tous les secteurs mais le tourisme reste l'un des plus touchés. Les bazars dont l'activité est 100% liée au touriste étranger sont complètement paralysés. Ceci depuis le 14 mars, au lendemain de la fermeture des frontières », nous explique Zakaria Lâamrani, bazariste et membres actif de l'Association des propriétaires des bazars à Tanger.
Le KO Fermés depuis plus de trois mois à cause de la crise sanitaire liée au Covid-19, les bazars de Tanger arrivent aujourd'hui à une impasse. « Le tourisme est un secteur très sensible et très lié aux différents événements qui se déroulent dans le globe en général. Il suffit qu'un attentat soit perpétré en Europe, pour que l'en ressent le coup ici dès le lendemain. Avec la pandémie du Covid-19, ce n'était pas un coup ; c'était carrément le KO », regrette Badr Benyamina, bazariste et propriétaire de Riad. Pire que l'arrêt total de leur activité, ces commerçants dénoncent le flagrant manque de visibilité par rapport à leur sort et celui de leurs commerces paralysés. « Avec des pertes de 100% de nos recettes depuis plus de trois mois, on ne peut pas se permettre de rester dans le flou. Le facteur temps ne joue pas en notre faveur. Les autorités doivent nous indiquer une date précise et surtout nous livrer une feuille de route pour la reprise », réclame Benyamina. Ce dernier nous rappelle d'ailleurs que derrière leur propre crise, se cache bien d'autres : celle des artisans producteurs telles les femmes tisseuses de tapis. « C'est toute une chaîne de production et de commercialisation qui est minée », note le jeune bazariste. Ouvrez les frontières ! Un plan, une feuille de route avec des mesures d'accompagnement et d'aide au redémarrage de l'activité et surtout des dates : Ce sont là les requêtes principales de ces bazaristes. «N'oublions pas que notre commerce est un grand pourvoyeur de devises (95% de nos transactions) donc nous ne sommes pas les seuls touchés, c'est l'économie du pays aussi » argumente Lâamrani, avant de réclamer l'ouverture des frontières. « C'est le seul moyen pour nous pour rebondir. Sinon nous courons vers la faillite. Certains parmi nous se sont convertis en marchands de légumes pour survivre», ajoute Zakaria Lâamrani en nous orientant vers son voisin Said Bassani.
Ce dernier au bout de deux mois de fermeture, a rangé ses produits d'artisanat au fond de sa boutique et réservé le reste de l'espace pour étaler sa nouvelle marchandise : Des légumes et fruits. « Ce sont les produits demandés actuellement. Je me devais de trouver un moyen pour survivre et pour subvenir aux besoins de ma famille et payer toutes mes factures. Je n'avais pas vraiment le choix ! », nous confie, résigné, Said. Dans ce cas, il n'est pas le seul. A quelques encablures, Mustapha Lâayadi, est en train de ranger des coffres d'aubergine et de patates devant son échoppe. Cette dernière était auparavant une pittoresque boutique d'habits traditionnels et d'articles artisanaux. L'œil brouillé par l'émotion, Mustapha nous explique comment du jour au lendemain, il s'est retrouvé sans clients ni sources. « Au bout de 35 ans de métier, j'ai du troquer mes jolies tenues contre des légumes. Plus de touristes, plus de recettes. Je ne pouvais pas baisser les bras. On essaie de survivre à cette crise, chacun à sa manière », nous explique-t-il ému. Son voisin Soulaymane Fassi, dont l'échoppe de souvenirs artisanaux ne désemplissait pas auparavant, propose un maigre étalage de bonbons, des friandises pour enfants et des œufs. « Je vous laisse imaginer les recettes d'un tel commerce. Nous vivotons en attendant des temps meilleurs », conclut Soulaymane, la mort dans l'âme. Une situation critique que les différents prolongements de confinement aggravent davantage. Un leitmotiv revient cependant chez tous les concernés : A quand la reprise ? Une question qui reste en suspension...