Les oulémas, pluriel de alim, signifie en arabe savants, ce qui en fait un titre inapproprié et indu puisqu'il s'applique ici à une seule science, la théologie pour autant que l'on puisse parler de science quand il s'agit de religion. Chaque fois que j'ai eu la patience d'écouter un alim ergoter sur les choses de la vie, j'ai assisté à une réplique continue de règles et lois figées dans le temps depuis quatorze siècles et quelques. Pour résumer, un alim est un érudit de la redite qui s'arroge le droit quasi divin de dicter à ses semblables dont il ignore les qualités et les compétences ce qui est licite de ce qui ne l'est pas, de ce qui est bon pour eux de ce qui ne l'est pas seulement parce qu'il a appris le Saint Coran par cœur, consulté des ouvrages compilés et recompilés au fil des siècles etconnait quelques règles de la grammaire arabe. Cette digression en préface m'a été imposée par du Conseil supérieur des Oulémas, pluriel de alim et par voie de conséquence pluriel des ânoneries (je sais, c'est un néologisme aux longues oreilles, mais c'est moins direct que âneries) s'est fendu d'un communiqué où il nous est dit qu'il affirme « au sujet de son avis concernant la question de l'avortement, que les dispositions du Code pénal relatives à cette question ne connaîtront aucune modification «sauf ce qu'exige l'intérêt et permet l'Ijtihad» ». Ce de quoi on devrait le remercier car ce disant il nous laisse la voie ouverte à des modifications, mais malheureusement ce n'est qu'une illusion parce que ce qu'exige l'intérêt et permet l'Ijtihad est bien maigre lorsque ledit conseil (je dis ledit conseil pour ne pas répéter l'indu Oulémas) rappelle que l'avortement reste soumis « aux dispositions contenues dans le Code pénal (chapitre VIII, section I, de l'article 449 à l'article 458) ». Ce qui traduit en langage clair signifie que Hajar Raïssouni, devenue malgré elle l'icône de la question de l'avortement, demeure aux yeux de la loi une hors-la-loi et à ceux de Dieu une pécheresse. Si je me suis permis ce ton à l'encontre des vénérables oulémas, pluriel de alim, c'est que leur ton péremptoire et sentencieux par lequel ils déclarent qu' « aucune personne n'est habilitée de surpasser une partie compétente d'une manière à impliquer le Conseil Supérieur des Oulémas dans un débat clos », m'a horripilé,pléonasme nécessaire, au plus haut point. Que les oulémas, pluriel de alim, se considèrent comme l'élite de l'élite [al khassa] au-dessus de tous les autres, élite et plèbe, est à la limite un excès qui est comme tout ce qui est excessif insignifiant. Mais qu'ils déclarent le débat clos s'apparente à une outrecuidance inacceptable et à une infatuation inadmissible. Avec un brin de jugeote et un rien d'ouverture d'esprit, ils auraient compris que c'est impossible.