Après avoir « interdit Alger aux Algériens », Gaïd Salah ne manque plus d'occasion pour « exprimer » sa fermeté à l'égard des manifestations. Le patron de l'armée a une « fixation » : organiser coûte que coûte les présidentielles le 12 décembre. Lundi dernier, il l'a redit haut et fort. Le jour d'après, la rue lui a redit son refus. Article publié dans L'Observateur du Maroc et d'Afrique du 4 octobre 2019 Dans ce qui ressemble d'ores et déjà à un rendez-vous hebdomadaire, Ahmed Gaïd Salah a fait une nouvelle sortie en début de semaine. Le vice-ministre de la Défense et chef d'Etat-major le général de corps d'armée tient mordicus à l'organisation des élections présidentielles le 12 décembre, faisant fi des voix qui n'en veulent pas. En effet, la rue algérienne continue de tenir à son slogan de base : Yatna7aw ga3 » (Qu'ils partent tous !). Mais, dans sa nouvelle sortie, du lundi dernier, Gaïd Salah semble même menaçant. Il a déclaré avoir donné « des instructions aux Commandants des régions militaires, aux forces et aux différents services de sécurité pour prendre immédiatement les dispositions nécessaires pour la sécurisation du processus électoral à travers le territoire national afin que notre peuple puisse s'acquitter de son devoir électoral dans des conditions empreintes de sécurité et de sérénité, car nous considérons que la concrétisation de cela nécessite que la condition sécuritaire soit assurée, car la sécurité est source d'espoir et de quiétude ». Et l'homme fort de l'Algérie de souligner le grand intérêt qu'il accorde « pour l'approche sécuritaire », tout en soutenant que le pays est « stable » et « capable de préserver sa souveraineté son indépendance nationale et de sauvegarder son intégrité territoriale et l'unité de son peuple, « ainsi que les valeurs de son identité ». Une littérature dont il ne se départit guère pour faire comprendre que ce qu'il entreprend est dans l'intérêt des populations et que l'armée est « du côté » du « Hirak » et non contre ! L'on doit encore se rappeler son fameux discours, du 10 mars 2019, où il déclarait que « l'armée et le peuple algériens partagent les mêmes valeurs et principes, et qu'ils ont une vision commune du futur du pays ». Les jours ont montré les limites d'une telle assertion. Versant dans l'argumentation, le patron de l'armée algérienne ajoute : « Nous considérons que les prochaines élections présidentielles revêtent une importance majeure, dont la préparation sur les plans matériel et moral est exécutée de manière sérieuse, en ce sens qu'elles constituent une des étapes importantes que le peuple algérien franchira avec détermination et résolution, sur la voie de la consécration de la fierté de l'Algérie, de sa prospérité économique et de sa renaissance sociale et culturelle ». Et de marteler : « (…) ces élections constituent une nouvelle opportunité à travers laquelle le peuple algérien prouvera qu'il est un peuple attaché à ses principes nationalistes authentiques, un peuple qui sait comment s'acquitter de son devoir national à chaque fois qu'il fait face aux défis, car l'Algérie est l'objectif ultime ». N'empêche, cette « montée » dans le discours n'a pas surpris les observateurs. C'est que le vice-ministre de la défense avait déjà « émis des signes qu'il sera intransigeant » avec le mouvement de protestation. Ainsi en est-il lorsque Karim Tabbou, une figure du « Hirak » est arrêté, le 11 septembre pour « atteinte au moral de l'armée ». Le même jour, Gaïd Salah a qualifié les opposants aux présidentielles de « hordes ». Les arrestations se suivent. Plus encore, le patron de l'armée a même « interdit Alger aux Algériens ». En effet, le 18 septembre dernier Gaïd Salah appelle à bloquer les entrées de la capitale aux autres provinces. L'Alternative démocratique dénonce un « état de siège qui ne dit pas son nom ». Le même jour, une série d'arrestations est annoncée. Il s'agit de l'ancien ministre Moussa Benhamadi, de l'activiste Fodil Boumala et deux étudiants. Et la liste est bien longue. Mais, nonobstant ces restrictions, le 20 septembre ne sera pas une journée calme. Une grande manifestation mobilise des centaines de milliers de manifestants dans la capitale. D'autres marches de protestation sont signalées les jours qui suivent dans les différentes régions du pays. Et rien n'indique qu'elles vont s'arrêter de sitôt. Les Algériens disent maintenir la pression jusqu'à ce que leurs revendications soient satisfaites. Et ce ne sont pas les arrestations spectaculaires qui calmeront les esprits. Encore moins les condamnations prononcées à l'encontre de Saïd Boutefklika, frère de l'ex-président, des généraux Athmane Tartag et Mohamed Lamine Mediène dit Toufik (qui ont écopé d'une quinzaine d'années), ou encore celle de l'ancien homme fort Nezzar (20 ans par contumance) qui y changeront grand-chose. Etant entendu que pour les Algériens il ne s'agit que de règlements de compte.
Lire aussi : Ali Benflis pourra-t-il sauver l'Algérie ? Brahim Oumnsour : « L'obstination du pouvoir pourrait radicaliser les manifestants » Algérie – Benflis Président ?