personne ne l'a vue venir. La crise dure en France depuis 13 semaines. Nul n'en voit le bout et surtout pas le pouvoir qui a été pris de court. Il a vacillé, s'est ressaisi en se reniant et semble désormais engagé dans une surenchère sans fin…. Après l'embrasement des gilets jaunes, l'annulation en catastrophe des taxes impopulaires. Cela n'a pas suffi. Après ce reniement à 11 milliards d'euros, le grand débat. Cela ne suffira pas. Après le grand débat, les élections européennes fin mai. Toujours insuffisantes. Un référendum ? Mais pour dire quoi ? L'Elysée en est là et observe sa majorité qui se fissure. Le Président n'est plus Jupiter. Personne ne croit qu'il puisse remonter sur son cheval. Un charme est rompu. La confiance des partenaires étrangers entamée. Le crédit aussi auprès des entrepreneurs. Mais Emmanuel Macron n'est pas le seul à être délégitimé par la révolte de la France profonde. Toutes les institutions sont ébranlées. Les politiques, les syndicats, la presse. Aucun corps intermédiaire ne sort indemne de l'épreuve. L'histoire de France est jalonnée de révoltes contre les impôts. La grande jacquerie, 1356. La révolte des maillotins, 1382. La crise de la gabelle, 1542. La révolte des Croquants, 1637. Le papier timbré, 1675. Le ras le bol fiscal qui déclenche la révolution de 1789. Les chemises vertes, 1930. Le poujadisme des années 50. Les bonnets rouges, 2013…. C'est l'histoire résumée à une sourde bataille entre Paris et la province. La France d'en haut et celle des périphéries. La lutte des classes, bien réelle. Et la violence qui va avec. Les débordements soudain, la répression évidemment. Pourtant rien ne ressemble à cet hiver passé à occuper les ronds-points, les médias, les esprits. Cela va bien au-delà de l'overdose fiscale. La révolte des invisibles mobilise la France profonde qui dépérit dans l'indifférence générale. C'est elle qui se dresse et clame son ras le bol. Le refus du politiquement correct. Du bourrage de crânes. La révolte de braves gens qui veulent reprendre leur destin en main. Sauver leur mode de vie. Qui refusent le déracinement et la paupérisation que les partisans du nouveau monde leur présentent comme inéluctables. Emmanuel Macron est détesté dans ces rassemblements spontanés car il incarne l'archétype, il est le modèle de cette modernité détestée. Le peuple réclame la restauration de sa souveraineté. Un gouvernement représentatif. Alors qu'avec l'Europe et le système des partis, le gouvernement ne gouverne plus grand-chose et il ne représente plus grand monde. Le mouvement a suscité dès ses débuts une sympathie massive. Elle s'érode mais pas autant qu'on aurait cru. Malgré la profanation de l'Arc de Triomphe sous lequel repose le Soldat inconnu qui était l'œuvre de casseurs et malgré les scènes d'émeutes qui affolent le parti de l'ordre dans lequel se range toujours la majorité, l'opinion reste favorable aux gilets jaunes. Ils racontent à peu près n'importe quoi et ne sont pas d'accord sur grand-chose mais ils gardent une image favorable dans l'opinion. Au bout de cent jours, le phénomène est un mystère ! Est-ce l'explication mais cela tient de l'auberge espagnole. Chacun y trouve ce qu'il y apporte. Si le mouvement d'origine peut être considéré comme résolument de droite, son avenir reste idéologiquement insaisissable. Il est courtisé par tous les partis mais politiquement irrécupérable. Il est réprimé plus violement que n'importe quel autre dans l'histoire contemporaine mais il est socialement irrépressible, au point que le patronat s'inquiète de l'anarchie qui risque de s'introduire dans l'entreprise. Il assure enfin des scores d'audience inespérés mais il est insupportable aux médias qui suscitent en retour une détestation jamais vue dans les cortèges de manifestants. On en est là au bout de cent jours. A espérer le printemps après l'hiver. Un printemps français? En tout cas, un renouveau. Et un apaisement après la bourrasque et les giboulées ✱