Curieuse époque que celle où des amis de plus de soixante-dix ans – l'Europe, les pays de l'Otan -sont soudain considérés comme des « ennemis » par Washington et que son grand rival d'hier – la Russie – est promue au rang de « meilleur alliée ». Cet étonnant tour de passe-passe diplomatique est à porter au compte de Donald Trump. Il laisse les Européens désemparés et Vladimir Poutine, ravi. Comme pour conforter l'analyse faite par le général McMaster, deuxième conseiller américain à la Sécurité nationale. Dans un rapport récent, il analysait que l'objectif des Russes était de « couper les Etats-Unis de ses alliés et partenaires européens » et d'« affaiblir l'unité transatlantique. » II n'imaginait probablement pas que dans cette tâche, Vladimir Poutine recevrait un appui de choix, celui de Donald Trump. Concrètement, en cet été 2018, Poutine, le tsar russe, sort grand vainqueur de la scène internationale. C'est pour lui inespéré. Son premier succès vient d'être obtenu grâce à la Coupe du monde de football. L'autoritaire président russe a su habilement garder un profil bas, ne se montrant sur le stade qu'à la finale. Tous prédisaient le pire pour cette compétition dans un pays corrompu et muselé. Le million de visiteurs étrangers sera reparti avec l'image d'un pays accueillant et ouvert. Oubliés les bombardements en Syrie, les empoisonnements d'opposants à Londres et les interventions dans les élections américaines et européennes. Son deuxième succès est syrien. Poutine est devenu, pour tous, le deux es maquina du Proche-Orient. Non seulement son poulain, Bachar el-Assad, l'a emporté, le détestable régime syrien est sauvé au prix de centaines de milliers de morts, et on s'achemine en Syrie vers une paix russe avec la bénédiction de Trump. Européens, Israéliens, Américains comptent sur Poutine pour que les milices chiites et iraniennes quittent la Syrie. Benyamin Netanyahou est retourné à Moscou il y a dix jours avec l'intention d'en reparler de nouveau à Poutine. C'est lui offrir une carte en or dans le dossier syrien. Seules l'Arabie Saoudite et la Turquie, pour des raisons différentes, ne sont guère rassurées par cette mainmise russe sur le pays. Le troisième succès de Poutine lui a été fourni, au début de la semaine, par Trump lui-même. Lors de leur première rencontre en bilatérale à Helsinki depuis l'occupation de la Crimée, Donald Trump, dans le rôle du traitre pour une partie de ses concitoyens et pas seulement les démocrates, désavouait ses propres agences de sécurité et déclarait croire Poutine lorsque celui-ci affirme que la Russie n'est pas intervenue dans la campagne électorale de 2016. Que le lendemain, rentré à Washington, Trump déclare avoir « oublié une négation dans sa phrase » n'est pas fait pour le réhabiliter. Son « rétropédalage » l'a déconsidéré deux fois et a donné à l'autoritaire et habile Poutine, une image de chef calme et sûr de lui. C'est du pain bénit pour le tsar russe qui, à travers cette rencontre organisée à la demande de Trump, est sorti de l'isolement où l'avait cantonné Barack Obama. C'était le seul intérêt de sa rencontre avec l'hôte de la Maison Blanche auquel il n'avait rien à demander. Il lui suffisait de laisser faire Trump. Pitoyable.