Pour Bachar al-Assad et Vladimir Poutine, la victoire en Syrie est à portée de main. La partie est de la vieille ville d'Alep a été reconquise, le 7 décembre, par les soldats syriens. Les groupes rebelles se sont repliés sous les coups de boutoir de l'armée d'al-Assad renforcée de diverses milices chiites (Hezbollah libanais, Al Qods iranien, groupes armés irakiens et afghans), et appuyée par de violents bombardements aériens russes. Les rebelles se sont repliés dans un étroit carré au sud-est de la capitale économique devenue pratiquement un champ de ruines. Les avions russes couvrent d'un tapis de bombes leur réduit afin d'obtenir leur reddition. Ironie du sort : des pourparlers auraient dû s'ouvrir à Genève, entre Russes et Américains, les 6 ou 7 décembre, pour mettre au point un mécanisme d'évacuation des groupes rebelles d'Alep, prélude à d'éventuels pourparlers entre le régime et son opposition. Mais ni Damas ni Moscou ne voulaient entendre parler d'une solution politique. Et après avoir mis son veto, aux côtés de la Chine, lundi passé, à un projet de résolution du Conseil de sécurité de l'ONU qui exigeait une trêve de 7 jours et l'arrêt des combats dans l'ensemble du pays, Moscou peut estimer avoir gagné son pari syrien. Déjà ces derniers jours, plus de 80.000 résidents de la partie orientale d'Alep ont fui la cité, soit le tiers de ses habitants. Parallèlement, dans la Ghouta, la banlieue de Damas, autrefois riche de jardins et de vergers, les Russes ont recommencé à bombarder les groupes d'opposition qui reculent. La situation est la même au nord-ouest d'Alep, dans les environs d'Idlib où les populations sont administrées par des conseils locaux. Plus que Bachar al-Assad qui sauve peut-être son trône pour peu de temps et se retrouve, dans l'immédiat, à la tête d'une armée exsangue qui a perdu en 5 ans et demi la moitié de ses effectifs (150.000 hommes), la chute d'Alep sera le triomphe de Poutine. Le « tsar russe » estime depuis toujours avoir des intérêts stratégiques au MoyenOrient, en particulier conserver Tartous, seul port « russe » sur la Méditerranée alors que Moscou est obsédé depuis le XIXe siècle par la possession d'un accès aux « mers chaudes ». Après avoir « pacifié » la Tchétchénie (1999-2000), récupéré la Crimée, presque « mis au pas » l'Ukraine et retrouvé des présidents amis élus en Europe de l'Est (Moldavie), la Russie a vengé l'humiliation subie en Libye lorsque les Occidentaux sont intervenus pour renverser Kadhafi en interprétant une résolution du Conseil de sécurité. Poutine voit aussi disparaître la crainte qu'une Syrie hostile ne devienne une voie concurrente de celle mise en place par la Russie pour approvisionner en gaz le marché européen. L'Iran est le deuxième grand vainqueur de la sanglante guerre syrienne (300.000 morts). Il est durablement installé, via le Hezbollah, sur la rive méditerranéenne. C'est une victoire incontestable des chiites et de leurs alliés alaouites contre les sunnites soutenus par l'Arabie Saoudite. Que feront donc les nouveaux pouvoirs pro-Poutine apparus en Occident face à cette victoire russe ? Dans l'immédiat, Donald Trump n'y voit rien à redire et ne trouve rien de mieux que de narguer la Chine avant même d'avoir prêté serment. Ce qu'il fera le 20 janvier prochain.