Le Secrétaire à la défense devra faire face à un sacré test, celui de ses noveaux coéquipiers, notamment au Secrétariat d'Etat et à la Sécurité nationale. Et ce, avec en toile de fond des points de vue diamétralement opposés. Par Gerald F. Seib Le président Donald Trump a procédé, en grande fanfare, au remaniement de son équipe de sécurité nationale ces derniers jours. Mais le membre le plus fascinant et le plus important dans cette équipe n'est pas l'un des nouveaux venus, mais plutôt celui qui a toujours été là: le Secrétaire à la Défense, Jim Mattis. M. Mattis est le membre le plus énigmatique de l'équipe Trump. L'homme qui adopte une position ferme envers l'Iran en défendant l'accord nucléaire. Le guerrier qui soutient l'approche diplomatique pour répondre à la menace nucléaire de la Corée du Nord. Le militaire qui s'oppose aux différends commerciaux susceptibles de perturber les relations avec les princi- paux alliés des Etats-Unis. Et il est le seul haut fonctionnaire qui a appris à être en désaccord avec M. Trump en privé sans être publiquement réprimandé par le président pour l'avoir fait. Toutes ces positions ont été plus faciles à main- tenir pour M. Mattis, lorsqu'il a été rejoint par le secrétaire d'Etat Rex Tillerson. Mais, puisque ce dernier est parti, la question clé qui se pose est de savoir si M. Mattis pourra continuer sur la même voie lorsqu'il fera équipe avec le nouveau Secrétaire d'Etat Mike Pompeo et le conseiller à la sécurité nationale John Bolton, qui ont des pers- pectives différentes sur les questions brulantes. «Je pense qu'il est plus important que jamais», a souligné l'ancien secrétaire à la Défense, Chuck Hagel. La question qui se pose, ajoute M. Hagel, est «combien de temps peut-il survivre dans cet environnement … On voit venir un croisement de conflits, et ça approche à grands pas». Il est également possible, bien sûr, que la nouvelle équipe puisse bien travailler en harmonie, tenir le même cap, et que les différences entre MM. Mattis, Pompeo et Bolton soient plus sur la posture et le style que de substance. Le sénateur républicain Marco Rubio de Floride, membre de la Commission sénatoriale des affaires étran- gères, affirme que la nouvelle équipe va bien fonctionner parce que MM. Bolton et Pompeo sont en phase avec la pensée et les impulsions du président, et M. Mattis s'adaptera confortablement dans cette équipe. «Le président a le droit de réussir. Mais cette réussite ne sera pos- sible que s'il est entouré par une équipe qui a sa confiance» , ajoute M. Rubio. Pourtant, il est difficile d'en être sûr à cause de l'apparence des divergences entre le président et son équipe sur des questions clés. En voici quelques exemples : M. Trump soutient que la guerre en Irak, qui a commencé en 2003, était l'une des plus grandes erreurs stratégiques de l'histoire américaine alors que M. Bolton fut l'un des défenseurs les plus ardents de la guerre en Irak. M. Trump a contesté à plusieurs reprises la question de l'interférence de la Russie dans la campagne présidentielle de 2016 alors que M. Pompeo, l'actuel patron de la Central Intelligence Agency (CIA), s'est rallié à la conclusion de la communauté du renseignement selon laquelle la Russie s'est effectivement ingérée dans l'élection US de 2016. M. Trump a prévu une réunion avec le dirigeant nord-coréen Kim Jong Un alors que M. Bolton, ancien ambassadeur américain auprès des Nations Unies, a plaidé en faveur d'une frappe militaire préventive contre la Corée du Nord. Alors que M. Trump aime laisser ses ennemis dans l'expectative, la nouvelle équipe pourrait aussi rendre les alliés perplexes quant à la ligne de fond américaine. D'autre part, ce qui fait du Secrétaite à la défence un élément aussi important en tant que force stabilisatrice : Il a survécu aux contre courants des intrigues de l'administration Trump grâce à une combinaison de savoir- faire bureaucratique et une gestion prudente des divisions internes. Les conseillers de Trump disent qu'il a maîtrisé l'art de convaincre le président pour adhérer à ses objectifs, tout en ayant un regard différent sur la manière de les atteindre. En outre, M. Mattis a toujours gardé un profil bas pour qu'il ne soit pas considéré comme un rival du président dans sa quête d'attention et de gloire, tout en cultivant tranquillement de bonnes relations avec les membres des deux partis au Congrès. Les premiers tests essentiels pour M. Mattis et ses nouveaux collègues porteront sur l'approche de l'administration Trump envers l'Iran. D'ailleurs, le jour du jugement sera le 12 mai, où M. Trump décidera si les sanctions économiques contre l'Iran devraient être à nouveau imposées. Lesquelles sancions ont été levées en vertu de l'accord sur le nucléaire conclu sous l'administration du président Barack Obama. M. Mattis a fait valoir que l'accord était impar- fait, mais qu'il contrôlait les ambitions nucléaires iraniennes. M. Bolton, a recommandé de le déchirer. Quant à M. Pompeo, il fait partie de ceux qui ont critiqué avec le plus de véhémence l'accord au Congrès. Ces deux derniers se plaignent du fait que l'accord fait bien peu pour contenir les programmes de missiles iraniens ou de permettre des inspections suffisamment rigoureuses des sites suspects en Iran. Ils critiquent également l'expiration de ses dispositions limitant l'activité nucléaire. M. Trump a l'air d'être impatient d'abandoner l'accord iranien. Pourtant, il n'est jamais clair avec le président s'il s'agissait d'une position ferme ou d'une posture conçue pour soutirer de nouvelles concessions. Les responsables européens désireux de sauver l'accord essaient de trouver un moyen de conclure un accord avec l'Iran pour régler les problèmes liés aux missiles et aux inspections. D'autre part, un allié de M. Bolton dit que ce der- nier pourrait accepter un tel accord malgré le ton dur de sa rhétorique. Alors que les jokers dans cette affaire sont le chef de cabinet de la Maison Blanche John Kelly et le gendre du président et son Conseiller principal Jared Kushner, c'est M. Mattis qui aura le dernier mot.