Naïm Kamal La guerre du PJD n'a pas eu lieu. Ce n'est que partie remise ? Sans doute. Toujours est-il que le congrès s'est terminé en beauté en départageant ses deux principaux courants par une presque égalité. L'écart entre le chef du gouvernement et ancien président du Conseil national du parti, Saâdeddine El Othmani, et son challenger, candidat du charismatique Abdelilah Benkirane, Driss Idrissi El Azami, ne dépasse guère la centaine de voix. On peut donc avancer avec certitude que les deux principales composantes des islamistes du gouvernement s'équivalent et leur cohabitation a des chances d'être piquante sans être paralysante. En même temps on ne peut négliger les cinquante nuances de gris qui traversent les deux courants et leurs probables évolutions à venir. Nul doute que les péjidistes ont su et pu, avec talent mais non sans piques et répliques, traverser les secousses qui les parcourent depuis que M. Benkirane a fait un blocage psychologique et égotique sur la participation des socialistes de Driss Lachgar au gouvernement, précipitant par là-même son limogeage par le Roi Mohammed VI du poste de chef du gouvernement désigné pour la formation d'une nouvelle coalition. Faisant contre mauvaise fortune bon cœur, M. Benkirane a bien essayé de se montrer grand seigneur, mais il avait de la peine à cacher sa tristesse de se voir débarqué de la tête du gouvernement, et surtout de constater le peu de solidarité dont a fait montre la majorité étriquée qui a porté son rival de toujours, Saâdeddine El Othmani, à la tête du parti, confortant par la même occasion son leadership sur le gouvernement. Dès son arrivée au poste de secrétaire général du gouvernement, Saâdeddine El Othmani a concocté un secrétariat général à sa mesure. Aucun de ses contestataires n'y figure. C'était largement suffisant pour que ceux-ci hurlent à la chasse aux sorcières. Le chef du gouvernement et désormais patron du parti ne l'a peut-être pas entendu ainsi. Pour bien mener ses affaires il avait besoin d'une équipe cohérente et un tant soit peu soudée pour ne pas le faire tituber à chaque étape de son action. A charge pour le conseil national que présidera son challenger et, faut-il le rappeler, candidat des benkiranistes, de se faire l'écho de la contestation et des critiques. Quant à la reddition des comptes, elle se fera à la fin de la mission ou à l'occasion d'une crise majeure. Crise que Abdelilah Benkirane peut provoquer à tout moment en dépit de ses professions de foi sur sa volonté de préserver l'unité du parti. L'ancien secrétaire général n'est pas à terre. Tant s'en faut. Le congrès a certainement permis à chacun de compter ses forces. Mais outre que les lignes peuvent bouger et les alliances s'inverser au gré des vents, M. Benkirane a, depuis le mouvement du 20 février, pris des couleurs, des reliefs et de l'ampleur. Son éviction du gouvernement puis sa mise en minorité toute relative lui ont ajouté l'image de la victime expiatoire à laquelle on a fait payer le prix de son courage politique. De sa grosse gueule, diront ses adversaires. Il n'en est devenu que plus audible auprès de certaines catégories de la population et de la base du PJD. Une force d'action, ou capacité de nuisance, dont il peut user.