Vincent HERVOUET Neuf mois après avoir perdu une présidentielle imperdable et vu le Donald s'installer à sa place à la Maison Blanche, Hillary Clinton refait surface. Comme une naufragée qui échoue sur la plage, avec un livre en guise de bouée de sauvetage. Le titre sonne comme un constat d'accident : « What happened » (« Ça s'est passé comme ça » traduction Fayard). Toutes les recettes du best-seller sont au rendez-vous. Un titre comme un slogan. Une star comme auteur. La rédaction du manuscrit aussi secrète qu'une enquête du FBI. Les rumeurs les plus folles sur les à-valoirs versés à l'auteur. Nous sommes aux USA : quand on parle de prix, ils ne sont pas littéraires. L'éditeur avait payé 8 millions de dollars pour publier l'autobiographie de l'ancienne First lady. Les enchères sont encore montées pour le livre suivant : 14 millions. Mais l'ouvrage s'est mal vendu, ce qui aurait dû inquiéter les responsables du parti Démocrate quand ils ont choisi Hillary comme championne. Cela a freiné la surenchère commerciale pour le nouvel ouvrage négocié 8 millions. À comparer aux 60 millions versés aux époux Obama pour leurs deux ouvrages à paraître en fin d'année ! Pour réussir un best-seller, il faut que la star raconte sa vie en apesanteur, sa chute lamentable avec des détails touchants, et qu'il y ait bien une lumière au bout du tunnel. Happy End obligatoire ! Un peu d'impudeur et beaucoup de résilience. Hillary Clinton coche toutes ces cases. Elle raconte que son échec l'a terrassée. Qu'elle est restée longtemps sidérée. Après la campagne, elle est allée en forêt. De longues marches et une forte consommation de Chardonnay. Dans un monde qui reste puritain, voilà un aveu qui coûte. En même temps, le vin de Bourgogne est celui que consomme une élite américaine, pas le whisky ou la bière qu'écluse le chômeur de Detroit. Quand Hillary Clinton prétend se mettre à nu, elle reste artificielle. C'est d'autant plus frappant qu'elle jure ne jamais se représenter à une élection. Neuf mois après, Hillary Clinton n'a toujours pas compris pourquoi la classe moyenne américaine qu'elle a négligée lui avait préféré ce Donald si vulgaire, si sommaire, si foutraque. À lire les bonnes pages de son livre, il semble que les Américains lui aient volé la victoire électorale que les sondages, les médias, Hollywood, l'Europe, la raison aussi lui avait promise. Et le pire, c'est qu'elle ne peut même pas le reprocher aux électeurs, ça manquerait de fair-play. Comme à toute catastrophe, il faut un responsable, elle accable le patron du FBI, trop zélé, Bernie Sender, ce démagogue, Barack Obama qui ne l'a pas sauvée des Russes. Voilà qui ne va pas aider le Parti à se relever et à ramener l'électeur déçu au bercail ! Sur le plateau de CBS, elle concède : « J'ai peut-être manqué quelques occasions... »... Elle a manqué les Etats de la Rust belt, ce poumon industriel de l'Amérique qui est l'épicentre de la colère blanche, ces cols bleus qui votaient démocrates et qui se sentent abandonnés, cette Amérique périphérique où elle a à peine mené campagne et qui s'est donnée au Donald... Et qui le soutiennent toujours, contre vents et marées et tempêtes, contre une élite détestée qu'incarne Hillary.