Mireille Duteil Kim Jong-un s'est fait une spécialité : agiter un chiffon rouge sous les yeux de Donald Trump. Pour cette seule année 2017, le jeune dictateur coréen au visage poupin, a déjà réalisé six essais nucléaires, dont, claironne Pyongyang, celui d'une bombe H, le 3 septembre. En retour, le président américain lui a promis que le « feu et la fureur » allait s'abattre sur la République populaire et démocratique de Corée. Diantre ! Y-a-t-il bluff de part et d'autre ? A Pyongyang lorsqu'on y affirme disposer de la bombe H ? « Oui », répondent les experts occidentaux, au regard des essais nucléaires de 2016 et 2017. Les bombes ne disposeraient pas de la puissance nécessaire à une arme thermonucléaire, c'est-à-dire à une bombe H. La Corée du Nord aurait donc procédé à des essais de bombes atomiques classiques. Et si la Corée du Nord sait probablement aujourd'hui miniaturiser une ogive nucléaire pour y loger une bombe, et dispose de missiles intercontinentaux de longue portée (10.000 km), elle ne maitrise pas encore les dispositifs de guidage de tels missiles ni la technique de leur retour dans l'atmosphère. Mais Kim Jong-un s'y emploie. C'est une vieille histoire que ce nucléaire militaire coréen. Pyongyang s'estime menacée par les Etats-Unis depuis la guerre de Corée (1950-1953), elle a donc rapidement voulu montrer qu'elle aurait les moyens de répliquer en cas d'attaque américaine. Il lui fallait bâtir une force de dissuasion et a bénéficié de l'expertise du Pakistanais Abdul Qader Khan. Multipliant les tirs et les essais nucléaires souterrains, la Corée du Nord a inquiété ses voisins et les Etats-Unis qui, en 1994, négociaient un accord pour un gel du programme nucléaire coréen sous la supervision de l'AEIA. Chacun s'est ensuite accusé de ne pas avoir respecté ses engagements et en 1998, la Corée du Nord reprenait ses essais. Aujourd'hui, Kim Jong-un dit vouloir entamer un dialogue direct avec Washington, sauf sur la force de dissuasion. Il est persuadé que Donald Trump bluffe et ne lancera pas une guerre pour la Corée. Comme tous les dictateurs, il ne peut reculer sans mettre son régime en péril. Jeune, il veut s'imposer à l'armée et au parti. Donald Trump, le président aux tweets fort peu diplomatiques, veut bien dialoguer, mais pas avant que Kim n'ait abandonné son programme nucléaire militaire. Il est persuadé que ses menaces finiront par porter. Concrètement, chaque nouvelle menace donne lieu à un nouveau tir de missiles du fier-à-bras de Pyongyang qui en plus choisit ses dates : le 4 juillet, jour anniversaire de l'indépendance des Etats-Unis, il tire le premier missile intercontinental capable d'atteindre l'Alaska ; le 29 août, anniversaire du traité d'annexion de la Corée par le Japon en 1910, il envoie un missile au-dessus du pays du Soleil Levant. La veille, Trump avait affirmé : « toutes les options sont sur la table ». Voilà qui ressemblait étrangement aux propos que Bush père lançait en direction de Saddam Hussein en 1990, après l'occupation du Koweït. L'Irakien aussi croyait que le président américain bluffait. Il arrive que des guerres auxquelles nul ne croit, éclatent quand des esprits forts se heurtent et font une mauvaise analyse de l'adversaire.