TLe sort de Mouammar Kadhafi semble scellé. C'est du moins ce qu'espèrent de plus en plus ouvertement les huit pays de l'Otan - sur 28 - qui participent aux frappes aériennes contre le pouvoir libyen. Mais nul ne s'aventure à pronostiquer le moment où le maître de la Libye sera suffisamment affaibli pour quitter le pouvoir. Ni de quelle façon. L'objectif est désormais clair, en particulier pour Nicolas Sarkozy: il faut passer à la vitesse supérieure dans l'aide financière et militaire apportée aux insurgés pour éviter un enlisement dans les sables libyens. Car après trois mois de frappes aériennes, la lassitude et la discorde guettent au sein de l'Otan, certains pays - tels l'Italie et la Norvège - songent à rapatrier leurs avions. De son côté, l'Union africaine est de plus en plus mal à l'aise avec une intervention armée lancée, à l'origine, pour éviter le massacre des populations civiles de Benghazi. Nicolas Sarkozy, le président français, dont la Libye est devenue une des grandes causes, a franchi un palier début juin. Lors d'une mission restée secrète jusqu'à ces derniers jours, la France a parachuté des armes aux tribus berbères entrées en rébellion dans la région du Djebel Nefoussa, ce massif montagneux au sud de Tripoli. Paris espère ouvrir ainsi un front sud qui permettrait d'encercler Tripoli alors que l'armée libyenne tient une grande partie de la route côtière, tant à l'est qu'à l'ouest de la capitale. Les rebelles ont reçu des lance-roquettes, des fusils d'assaut, des mitrailleuses et surtout des missiles anti-chars Milan. Cet armement a-t-il été accompagné de quelques conseillers pour expliquer son maniement ? Officiellement, il n'en est rien. Jusqu'alors, les seules armes reçues par les rebelles de Cyrénaïque étaient envoyées par le Qatar et les Emirats. Ce coup de pouce français va être d'un sérieux secours aux rebelles de l'ouest de la Libye qui progressent sur une ligne parallèle à la côte, à quelque 60 kilomètres au sud. Paris espère que ce nouveau front pourrait aussi inciter des éléments de l'armée à faire défection. Parallèlement, les contacts se sont multipliés entre des envoyés du Conseil national de transition (CNT) et des émissaires du pouvoir libyen. Plusieurs contacts ont eu lieu par des intermédiaires en Afrique du Sud et à Paris. Un proche de Mouammar Kadhafi, le colonel Béchir Saleh Béchir, a même été reçu début juin par le président français. Puis, il y a une dizaine de jours, trois ministres libyens rencontraient des envoyés du CNT à Djerba, en Tunisie. À chaque fois, les envoyés de Kadhafi se disent ouverts à la négociation à la condition que le Guide garde un poste honorifique. Une solution rejetée par la quasi-totalité de la rébellion et par les pays de la coalition. Mais soutenue par les Africains, en particulier l'Afrique du Sud. Il est certain que la récente décision de la Cour internationale de justice (CPI) de lancer un mandat d'arrêt pour crimes contre l'humanité contre le colonel Kadhafi, son fils, Seïf el-Islam, et le colonel Abdallah Senoussi, chef des services de renseignements libyens ne favorisent pas, dans l'immédiat, le départ du Guide. Il semble que la CPI ait voulu ainsi accentuer la pression sur le leader libyen. Elle a surtout compliqué la tâche de ceux qui espéraient lui trouver rapidement un point de chute qu'il pourrait – éventuellement - accepter.