Le discours royal du 9 mars avait déjà annoncé une réforme en profondeur des institutions. L'on sait que la copie de la commission chargée de rédiger la nouvelle constitution est très avancée et qu'elle répond largement aux revendications les plus élevées. Le prochain Parlement, en tant que représentation de la nation et expression de la volonté populaire, sera la source du pouvoir et de l'autorité. Les nouvelles institutions seront dotées de pouvoirs étendus et disposeront d'une légitimité démocratique inégalée auparavant. Seulement pour que ces institutions remplissent leur rôle, il faut que de nouvelles élites émergent. Cela est possible, si l'on considère que le débat sur la constitution, le référendum, ainsi que les différents événements qu'a connus le Maroc, vont créer une mobilisation de l'électorat. Renforcée par la crédibilisation des institutions, cette mobilisation pourrait se transformer en participation massive et permettre la fin du monopole des notables. Les partis politiques devaient emprunter le mouvement. Les plus importants avaient annoncé des congrès, pour changer de directions, redynamiser leurs structures et mettre en avant de nouvelles stratégies électorales. Néanmoins, ils ont été pris de court. La décision de dissoudre le Parlement, de convoquer des législatives anticipées dès septembre-octobre, a perturbé leurs calendriers. Exit, les congrès, les débats, le rajeunissement. Le processus électoral impose à nouveau ses règles néfastes. Etant donné qu'il est impossible de sélectionner des candidats et de les faire connaître en quelques semaines, le conservatisme et la peur d'une déroute électorale vont jouer en faveur des notables. La tendance générale est au fameux «on reprend les mêmes et on recommence». Pire, l'on assiste déjà à un phénomène de transhumance accélérée, les députés cherchant refuge auprès des partis les moins «décrédibilisés». La prochaine assemblée sera donc constituée des mêmes profils, sinon des mêmes personnes. Il y aura un décalage pathogène pour la démocratie entre les attributions des institutions, leur crédibilité et ceux qui les font vivre. La qualité des élus, leurs mœurs, leur vision de la politique sont aux antipodes de l'avancée dans la construction démocratique que devrait constituer la réforme de la constitution. Cette inadéquation prévisible entre les textes et la pratique créera le doute et handicapera la marche vers une démocratie mature. Pire, la nature des candidats agira comme repoussoir pour les électeurs, affaiblissant la participation et donc, l'adhésion populaire à ce qui devrait constituer un nouveau consensus institutionnel. Il faut espérer que les partis démocratiques en vue dépassent les calculs et s'engagent dans la cooptation de nouvelles élites, au risque de difficultés. Seul ce processus, assurément long, nous permettra d'avoir, à moyen terme, un Parlement à la hauteur de ses attributions, capable de faire vivre la nouvelle constitution.