Abdelkader Bouazza, responsable des droits TV sportifs au sein de la SNRT, est un homme agacé ! «La SNRT paie un paquet d'argent pour avoir les droits TV des compétitions footballistiques marocaines. On ne va pas s'amuser à acheter encore le foot, sur notre territoire. À la limite, à l'extérieur, ça se comprend mais à domicile c'est inacceptable». La SNRT a remporté en 2010 l'appel d'offres international de la FRMF sur les droits TV composé de sept lots: Botola 1, Botola 2, Coupe du Trône, matchs des équipes nationales A, A', des locaux et les équipes olympiques, juniors et cadets. En vertu de cet accord, le pôle audiovisuel public verse 101 millions DH/an, sur la période 2010-2014. Un record dans l'histoire du sport national. Les nouvelles règles du jeu Si A. Bouazza est excédé, c'est à cause du piétinement qu'ont connu les négociations, au mois d'avril 2011, entre la SNRT et les clubs marocains participant à la Ligue des Champions de la CAF Orange (WAC et RAJA) et à la Coupe de la Confédération de la CAF Orange (MAS, FUS et DHJ). Les cinq clubs exigent de la SNRT de payer pour pouvoir retransmettre leurs matchs à domicile. Le pôle audiovisuel public fait une offre de 150.000 DH pour chaque équipe. Une offre dérisoire, jugent les clubs. Au final, le match WAC/Mazembi n'est pas retransmis. RAJA/ASEC Abidjan a failli connaitre le même sort. À la dernière minute, la SNRT offre 100.000 DH de plus et diffuse le match de l'année. «Les deux derniers matchs du Raja en Ligue des Champions ne font pas partie du contrat TV qui lie le club à la SNRT, ainsi qu'à nos sponsors. Donc il est normal qu'on négocie les droits pour ces deux matchs», explique Zaki Lahbabi, DG de Transatlas Sport Management (TSM), l'agence en charge du marketing de l'image du Raja. Pour Jalal Hajjou, PDG d'Optimum, une autre agence spécialisée dans le marketing sportif, et organisateur de la 1re édition des Sports mangement days (SMD), «les droits média répondent à une logique de l'offre et de la demande. Il est normal que les équipes tentent d'en tirer le maximum de bénéfices». A. Bouazza, Monsieur droits TV à la SNRT, promet de revoir ses calculs : «nous allons étudier cette question pour éviter que ce malentendu ne se reproduise les prochaines années». Avant d'ajouter: «d'ici là, nous allons diffuser les matchs des clubs marocains à domicile pour la phase des groupes pour les deux compétions, comme le stipule le contrat qui nous lie à la CAF. Nous produisons et nous leur donnons le signal à la CAF. On ne paye rien, c'est un échange de produit», précise le responsable marocain. Sportfive sur le toit de l'Afrique Cette règle s'applique également aux matchs à domicile de l'équipe nationale qui se jouent dans le cadre de la CAF. Ainsi le très attendu Maroc-Algérie, du 4 juin 2011, sera retransmis sur les chaînes de la SNRT. L'homme qui négocie et coordonne ce contrat est le Marocain Idriss Akki, Senior vice-président et directeur Africa à Sportfive. Depuis 1993, cette multinationale appartenant au groupe français Lagardère gère pour la CAF les droits marketing (commercialisation de droits media et droits marketing, hospitalité, stadium consulting et client servicing). En 2008, Sportfive devient l'agent exclusif de la CAF jusqu'en 2016. En d'autres termes, pour voir du foot africain, il faut passer par Sportfive et plus précisément par I. Akki, Monsieur droit média Afrique. Invité aux SMD, ce vieux routier du foot africain démontre, chiffres à l'appui, le poids des droits médias dans le sport : «l'économie du sport représente 1% du PIB mondial, soit 45 milliards d'euros. Le foot s'accapare 20 milliards d'euros. Ce chiffre d'affaires provient à 25% du marketing et ses recettes sont réparties entre les droits médias (60%) et la vente d'espaces publicitaires (40%).» Dans une Afrique qui se remet à pied, l'économie footballistique du continent connait une croissance de 17% par an. Certes moins que l'Asie avec ses 23%, mais les perspectives sont prometteuses. «Avec 27.000 heures de diffusion pour la CAN Orange, le retour sur investissement en matière de droits TV est de 2.11%», atteste I. Akki de Sportfive. Dans cette nouvelle configuration, le rapport de force est déséquilibré entre les diffuseurs qui détiennent les droits média, vendu au prix fort par la CAF, à travers Sportfive. Les cas de la chaîne ART par le passé et d'Al Jazeera sport aujourd'hui sont emblématiques. La chaîne qatarie impose ses tarifs au consommateur grâce à son monopole sur la région MENA, ceci dure depuis la CAN 2004. «Pour briser ce monopole, il faut que les TV locales mettent plus d'effort pour acquérir les droits médias», suggère I. Akki de Sportfive. Medi1 TV tente de suivre ce conseil. Elle a misé 10 millions DH auprès de Sportfive pour avoir les droits TV du match Algérie-Maroc, ainsi que Centrafrique/Maroc, dans le cadre des éliminatoires de la CAN 2012. Les recettes publicitaires du premier match ont atteint 5 millions de DH. La chaîne tangéroise attend septembre 2011, date du deuxième match qu'elle a acquis pour savoir si elle pourrait rentabiliser son investissement…