Barack Obama est vraiment le premier président cybernétique. C'est par textos et emails envoyés à sa base de supporters démocrates et à travers les réseaux sociaux que le chef de l'exécutif américain a annoncé cette semaine qu'il serait candidat à un second mandat en 2012. Il n'a publié aucun communiqué, n'a rien dit lui-même, laissant à de petites vidéos le soin de présenter sa candidature - on voit sur l'une un Américain affirmer que «même s'il n'est pas toujours d'accord» avec Obama, il «le respecte». Bien sûr, nul ne doutait de cette candidature. Mais la surprise, c'est qu'il l'ait fait si tôt, un an et demi avant le scrutin. Si les présidents en exercice préfèrent le plus souvent entretenir le suspense, c'est pour éviter de dévaloriser la fonction présidentielle. Car une fois candidat, on cesse d'être au dessus des parties et d'incarner l'unité nationale pour devenir le représentant d'un parti. Tous ses actes et décisions n'apparaissent plus dictés par le seul souci du bien public, mais sont interprétés, de bonne ou de mauvaise foi, comme relevant avant tout d'une préoccupation électoraliste. Comme Barack Obama n'ignore pas cet écueil, reste à savoir pourquoi il a décidé de se déclarer si tôt. Les raisons sont multiples. Réponse partidaire La plus importante tient sans doute à la virulence de l'opposition républicaine depuis les mid terms de novembre 2010. Premier test électoral d'importance pour Obama depuis son arrivée à la Maison Blanche, ces élections de mi mandat pour le renouvellement du Congrès et d'un tiers du Sénat s'étaient soldées par une véritable claque au parti démocrate – «une raclée» avait concédé le président lui-même! Et, sans surprise, cela avait donné des ailes aux Républicains qui ont commencé à l'attaquer ouvertement, certains l'accusant même de ne pas être américain ! Dans ce contexte, Barack Obama n'avait plus aucun intérêt à maintenir la fiction selon laquelle il est au dessus des partis. Il ne lui restait plus qu'à répondre de manière partidaire. Obama et ses stratèges politiques se souviennent aussi que Bill Clinton avait essuyé une défaite analogue lors de ses premières mid terms. Le président avait alors habilement utilisé l'extrémisme de ses adversaires pour se repositionner au centre de l'échiquier politique. Ce qui lui avait permis d'être réélu sans problème deux ans plus tard. C'est visiblement ce qu'entend faire Barack Obama: utiliser le problème que posent aux Républicains les populistes radicaux du Tea Party qui «mordent» sur leur propre base. Le discours et les propositions de cette coalition hétéroclite, dure et réactionnaire, où l'on trouve de nombreux évangélistes, sont si loin de toute politique raisonnable et viable qu'elles permettent à Barack Obama de lancer une contre attaque. Les Républicains piégés par le Tea Party Ces ultras, qui apparaissent comme un «parti du contre» - contre les élites, contre Washington, contre l'Etat fédéral, contre ses impôts - exigent des coupes gigantesques dans les dépenses gouvernementales de l'administration Obama au prétexte de combattre le déficit public. Ils s'opposent notamment à la réforme de l'assurance maladie qui prévoit une protection sociale pour les plus pauvres et les plus âgés (Medicaid et Medicare) et que l'administration Obama a instaurée non sans mal. Si de très nombreux Américains sont effectivement favorables à des coupes dans les dépenses de l'Etat et rétifs à une augmentation des impôts fédéraux, les problèmes commencent quand il s'agit de décider dans quel programme couper. Chacun défend alors ses privilèges ou son droit. La volonté des Républicains les plus radicaux de baisser drastiquement les impôts et leur menace de ne pas voter le budget, quitte à mettre en faillite l'Etat fédéral, sont utilisés par Obama pour montrer leur «irresponsabilité». C'est d'ailleurs ce qu'avait fait en son temps Bill Clinton même si il avait dû baisser les bras en renonçant à la réforme de l'assurance maladie. Profiter du rebond de l'économie La candidature de Barack Obama complique aussi la stratégie de ses adversaires. Aujourd'hui, la force et l'influence des extrémistes du Tea Party sont telles au sein du parti républicain que tous ses candidats les plus modérés sont contraints de radicaliser leur discours pour remporter les futures primaires républicaines. Ce qui leur fait perdre du crédit. C'est une impasse dans laquelle aucun des candidats républicains un tant soit peu sérieux n'a envie de s'engager, conscient qu'il ne pourra pas l'emporter contre Obama avec des positions aussi éloignées de l'électorat centriste… Un vrai piège pour les Républicains qui risquent ainsi de se retrouver au bout du compte avec un candidat qui n'a aucune chance de l'emporter ! On comprend dès lors l'incertitude totale qui existe sur le nom de son futur adversaire républicain… Reste que même importants, ces calculs politiques n'auraient pas suffi à amener Obama à se déclarer si vite. Son réel atout réside sans doute dans l'économie qui non seulement redémarre mais commence à créer des emplois au moment où les Républicains, totalement divisés, sont incapables de proposer une alternative sérieuse à la politique d'Obama. Si le rebond de l'économie se confirme, le premier président noir américain, qui aura 50 ans cet été, sera un candidat quasi imbattable en 2012 ! D'autant que sauf coup de théâtre, aucun adversaire même de taille ne pourra lui contester l'investiture démocrate. Renouer avec la base de Chicago Obama le sait et c'est la raison pour laquelle il se donne les moyens de financer sa future campagne électorale. Son site web Obama'12 est prêt à être lancé, le bouton permettant les donations prêt à être activé. Son camp espère lever cette fois plus d'un milliard de fonds (contre 750 millions de dollars en 2008) pour sa campagne dont le quartier général sera, comme en 2007-2008, installé à Chigago. Une manière de renouer avec ses militants de base dont les contributions et le volontariat avaient constitué le fait nouveau de sa première campagne. D'ores et déjà David Axelrod, qui fut pendant deux ans son conseiller à la Maison-Blanche, ainsi que Jim Messina, ont repris le chemin de la capitale de l'Illinois pour y être à nouveau, l'un le stratège, l'autre le directeur de campagne. Même si les derniers sondages ne le créditent pas d'une popularité sans faille (47,4% d'opinions favorables), on est décidemment très loin de l'échec des mid terms qui avait fait passer Barck Obama pour «politiquement mort».