Dire que l'élection américaine ne sera jouée qu'au soir du 4 novembre relève de l'évidence. Mais celle-ci reste bonne à rappeler tant les sondages et la campagne professionnelle, séduisante, précise et tranquille menée par Barack Obama ont enraciné l'idée que plus rien ne saurait arrêter l'irrésistible ascension du candidat démocrate jusqu'à la Maison Blanche. Cette idée est confortée avant tout par le formidable besoin de changement des Américains et le ras le bol d'un George W. Bush accusé de ne savoir gérer ni la guerre ni l'économie puisqu'il laisse à son successeur deux guerres -Irak et Afghanistan-, une image internationale détestable et un bilan économique et social désastreux. Si cette soif de changement est le premier atout du sénateur de l'Illinois, celui-ci n'en dispose pas moins d'une série d'autres, tout aussi décisifs. Revue donc de ce qui fait la différence entre un Barack Obama incarnant l'anti-Bush et le rêve américain de l'intégration face au républicain John Mc Cain...et des inconnues qui demeurent. La crise financière et économique. C'est elle qui a permis à Barack Obama de marquer vraiment des points contre son rival républicain. L'équation est simple : le désastre économique et financier est attribué à l'administration Bush, la récession qui s'annonce aussi, mieux vaut donc confier les rênes aux démocrates. D'autant que le président sortant est accusé d'avoir failli à ses promesses de réformer le système de l'éducation et la sécurité sociale et d'être responsable d'une forte augmentation des inégalités de revenus et du chômage. Les déclarations incohérentes de John Mc Cain sur la crise financière, qui ont confirmé sa piètre image en matière d'économie, n'ont rien arrangé. Barack Obama ne s'y est pas trompé. Ces dernières semaines, il a consacré l'essentiel de sa campagne à l'économie. Entouré d'une kyrielle d'économistes prestigieux auquel il donne la parole au cours de ses meetings, il a fait un leitmotiv du slogan «Growing American Jobs!» -comment augmenter le nombre d'emplois en Amérique ! Presse et personnalités : des ralliements de poids. Si Barack Obama a suscité un raz de marée médiatique - le lectorat des journaux qui le soutiennent équivaut à près de 6 millions d'Américains... contre 1,5 million pour Mc Cain-, le plus impressionnant réside dans l'importance des médias qui le plébiscitent. Le New York Times affirme ainsi que Obama «a montré qu'il avait la tête froide et un jugement solide, qu'il a la volonté et la capacité de former le large consensus politique nécessaire pour trouver des solutions aux problèmes de cette Nation» et reproche à McCain «sa politique et sa vision du monde ancrées dans le passé et de s'être rapproché des extrêmes de la politique américaine, en menant une campagne de division partisane, d'opposition de classes, avec des pointes de racisme». Trois autres grands quotidiens américains avaient précédé le NYT : le Los Angeles Times, le Washington Post et, nettement moins prévisible, le Chicago Tribune qui soutient un candidat démocrate pour la première fois depuis sa fondation en 1947. Dans le même temps, la liste des ralliements de personnalités républicaines à Obama s'est allongée, chacun lui décernant, dans son domaine, des certificats de compétence: Colin Powell, l'ex secrétaire d'Etat de George W.Bush ; Paul Volcker, l'ancien président de la Réserve fédérale; Scott McClellan, ancien porte-parole de la Maison Blanche, auteur d'un livre dénonçant «la culture de la désinformation » sévissant à Washington et qui appuie Obama car il est celui «qui a le plus de chances de changer la manière dont Washington fonctionne» ou Francis Fukuyama, philosophe, économiste et ex-néoconservateur, pour ne citer qu'eux... La contre-performance du duo McCain/Palin. Même s'il faut rester prudent, les Républicains eux mêmes semblent avoir intégré leur défaite et vouloir surtout sauver les meubles, c'està- dire empêcher une trop large victoire des démocrates. En réalité, les arguments de John Mc Cain paraissent s'être retournés contre lui. A commencer par ce qui devait être son principal atout : une femme à la vice-présidence, qui plus est susceptible de rassurer et de séduire l'Amérique profonde. Au lieu de cela, Sarah Palin a fait fuir les électeurs indépendants ou indécis, voire même certains républicains. Il faut dire que l'affaire des 150.000 dollars de robes payés par le parti républicain fait vraiment mauvais genre dans un pays qui entre en récession. Au total, celle qui se présente elle-même comme «un pitbull avec du rouge à lèvres» n'a pas -ou peu- séduit les femmes,n'a «mordu» que sur le noyau dur des Républicains et a multiplié les gaffes. La pire est sans doute celle où elle a opposé les «zones proaméricaines » du pays aux zones... prodémocrates, provoquant une nouvelle réplique-slogan de Obama : «Nous sommes tous Américains »... Quant à Mc Cain lui-même, il est apparu figé et politicien face à un rival détendu et parlant un langage de vérité. Reste sa posture principale: être le garant de la «sécurité nationale» face à un Obama qu'il accuse de «vouloir s'asseoir en face d'Ahmadinejad, Chavez et des frères Castro»- et de n'avoir «pas d'expérience sur le plan international». Ce positionnement paraît peu convaincant après les soutiens à Obama du républicain Colin Powell et de Madeleine Allbright, l'ex-secrétaire d'Etat de Bill Clinton, tous deux considérés comme diplomates d'envergure. Même très marginal, le fait que -par le site Al-Hesbah interposé- Al-Qaida ait signifié sa préférence pour McCain n'est pas non plus fait pour aider ce dernier... Les «grass root» et Internet, moteurs de la campagne Obama. L'utilisation des nouvelles technologies et de l'internet ainsi que les mouvements "grass-root", un réseau de petites structures développé dans tout le pays et en contact direct avec l'équipe de campagne d'Obama, constituent la vraie nouveauté de cette campagne... et la force du candidat démocrate. Reste enfin le tabou des tabous : le racisme de ceux qui, peut-être, n'ont pas osé avouer aux sondeurs leur réticence à voter en faveur du bouleversement que représenterait à leurs yeux l'élection du premier président noir des Etats-Unis d'Amérique.