Deuxième puissance économique mondiale en 2010 et 3e fournisseur du Maroc, la Chine s'éveille et rafle tout sur son passage. La gourmandise du dragon n'a pas de limites. Le pays affiche un intérêt croissant pour l'Afrique depuis 2005, et au Maroc plus récemment. La visite du ministre chinois du Commerce, Chen Deming, en février 2011 au royaume, montre bien la volonté de son pays de renforcer ses liens avec le Maroc, notamment en matière d'échanges commerciaux. Le géant asiatique inonde le pays avec ses produits manufacturés. La balance commerciale est largement en sa faveur et l'écart ne cesse de se creuser. En 2010, le volume des exportations vers le Maroc ont totalisé 2,93 milliards de dollars, contre 2,5 milliards de dollars en 2009, alors que le Royaume a exporté vers la Chine quelques 449,46 millions de dollars en 2010 contre 375 millions de dollars en 2009, selon les derniers chiffres de l'administration chinoise des douanes. «Les relations économiques entre Pékin et Rabat ont connu un développement significatif durant les deux dernières décennies comme en témoignent les échanges commerciaux qui ont augmenté d'environ un milliard de dollars en 1990 à près de 3 milliards de dollars en 2010», affirme Yang Yan Hong, le doyen de la faculté des études étrangères à l'université de l'économie et du commerce international (UIBE) de Pékin. En effet, ce «bond» s'élève à 17,1% en 2010, mais profite plus au géant chinois. Raison pour laquelle, le Maroc cherche aujourd'hui à rééquilibrer la balance. Dans ce cadre, l'OCP a signé lundi 14 février 2011 avec Diammonium Phosphate du groupe Sinochem Corporation un accord aux termes duquel l'Office chérifien des phosphates fournira annuellement à son homologue chinois plus de 500.000 tonnes d'engrais chimiques. Cet accord qui s'étalera sur 4 ans (2011-2014) serait donc un premier pas vers la réduction du déficit observé. Pourquoi un tel déficit ? La Chine, quoi que 3e partenaire commercial du Maroc avec plus 26,8 milliards de dirhams (MMDH) réalisés en 2010, n'investit que peu dans le pays. «Les investissements chinois au Royaume restent le parent pauvre des relations économiques sino-marocaines, je pense que c'est dû à la méconnaissance par les hommes d'affaires chinois du climat d'investissement au Maroc», analyse un expert. Un effort supplémentaire en matière de promotion de l'investissement au Maroc permettra donc de sceller un partenariat mutuellement avantageux avec le géant asiatique. Le Maroc représente en effet de nombreux atouts pour les investisseurs chinois. Non seulement grâce à sa position géographique, mais aussi à ses ressources humaines et les accords de libre échange qu'il a conclus avec de nombreux pays, le Maroc a le potentiel pour devenir un hub pour l'Afrique et l'Europe en fournissant l'accès à un marché de plus d'un milliard de consommateurs. «Ses attraits en font une plate-forme d'investissement, d'exportation et d'offre de services après-vente dans toute la région arabo-africaine», estime Abdellatif Maazouz, ministre du Commerce extérieur. Outre le domaine industriel et commercial, le Maroc représente également une aubaine pour les opérateurs touristiques. «Les businessmen chinois n'ont investi que quelque 200 millions de dollars au Royaume, mais peuvent faire plus notamment dans le domaine touristique où le Maroc dispose de nombreux avantages», souligne l'expert. Le marché chinois : un manque à gagner L'Empire du milieu constitue également un gigantesque marché à explorer. Avec une population de plus en plus consommatrice et avide de nouveautés, le royaume a donc tout intérêt à pénétrer ce grand marché aux perspectives prometteuses. Dans le domaine touristique, c'est également un manque à gagner. «Peu de touristes chinois se rendent au Maroc, pourtant c'est un très beau pays», souligne l'expert chinois. Aussi, il suffit d'un petit tour sur le net pour se rendre compte que peu d'agences de voyages proposent la destination Maroc. Pourquoi? «La distance géographique entre les deux pays et l'absence de lignes aériennes directes sont les principales causes. Le développement du transport entre les deux pays est un élément clé dans la promotion non seulement des flux touristiques à destination du Maroc, mais également des relations économiques et commerciales», explique Yang. La rude concurrence de certains pays de l'Asie en matière de tourisme et l'absence de promotion de la destination Maroc dans la région sont également des facteurs à noter. «Le marché chinois est toujours en quête de nouveaux produits, qu'il s'agisse de tourisme ou d'industrie. Je pense que les hommes d'affaires marocains doivent accélérer le rythme de leurs exportations et diversifier leurs produits à destination de la Chine. Je pense aussi qu'un renforcement de l'exportation de certains produits marocains phares tels que le phosphate, ses dérivés et les produits halieutiques feront en sorte que la balance commerciale soit plus équilibrée». Coopération stratégique On le sait désormais, le Maroc suscite l'intérêt des plus grands pays. Et ce n'est pas pour déplaire. Le pays cherche justement à diversifier ses partenaires et fournisseurs et multiplier ses marchés. La visite du ministre du Commerce chinois au Maroc montre bien cette volonté. Elle marquerait probablement l'avenir des relations bilatérales à tout jamais puisque la Chine a clairement exprimé sa volonté de faire du Maroc non seulement un client mais aussi un partenaire. La coopération dans les secteurs stratégiques a été au centre des discussions. Le ministre de l'Industrie, du commerce et des nouvelles technologies, Ahmed Reda Chami et son homologue chinois ont d'ailleurs évoqué lors de leur entretien, lundi 14 février, la construction d'un parc industriel chinois au Maroc et la création d'un fonds sino-africain qui pourrait s'installer au Maroc. «Les années à venir verront certainement un foisonnement des investissements chinois au royaume, considérés comme très faibles jusque là», par les observateurs. «Le Maroc bénéficiera également de l'expertise et du savoir-faire chinois en matière d'installation et de gestion des infrastructures industrielles», selon le ministre marocain Ahmed Reda Chami. Nul ne peut dénier l'importance de ce volet puisque la Chine a réussi à faire de son savoir-faire son fer de lance pour se hisser au rang de grande puissance économique.