La FAO estime que la consommation mondiale de poissons serait doublée à l'horizon 2020. Le Maroc, considéré premier producteur de poisson en Afrique et 2e au niveau mondial serait-il en mesure de répondre aux besoins d'un marché de plus en exigent ? Bien que gâté par la nature, le secteur de la pêche reste en deçà des potentialités. Le secteur de la pêche au Maroc, c'est 3% du PIB, 16% des exportations et 56% des ventes de produits alimentaires. Des chiffres qui retent insignifiants pour un pays disposant d'un potentiel énorme de ressources naturelles. Comment expliquer ces maigres contributions au secteur de la pêche à la richesse nationale ? D'après Rachid Benkirane, président de la fédération de pêche maritime, «le Maroc ne dispose pas d'une véritable politique de gestion des ressources, ce qui a engendré une exploitation déséquilibrée des stocks». Avec des ressources peu diversifiées, les opportunités de valorisation se voyaient limitées. En effet, le président de la Fédération ajoute que «85% des volumes débarqués sont constitués de pélagiques, et représentent seulement un quart de la valeur totale». La situation est donc telle et les raisons sont multiples. A commencer par l'appareil de production. Il reste peu moderne et ne dispose que rarement des équipements permettant de conserver le poisson dans des conditions optimales. La qualité des captures se trouve détériorée avant même leur arrivée aux ports. Mais c'est surtout le marché local qui en pâtit. Tant pis pour le marché local dont le principal fournisseur reste la pêche artisanale dotée d'une flotte des plus vétustes et à faible niveau de technicité. Pire encore, les infrastructures portuaires restent insuffisantes et n'offrent pas les conditions nécessaires pour permettre un débarquement dans de bonnes conditions. Mis à part le problème de l'irrégularité quantitative et qualitative de l'approvisionnement, l'industrie de transformation de la pêche est confrontée à un déficit de valorisation des produits. Plus de la moitié des produits de la pêche à transformer sont destinés aux industries de sous-produits à savoir huile et farine de poissons. Or ces produits sont à faible valeur ajoutée. De même, une part importante des captures est destinée à l'export sans aucune transformation. Ce n'est pas tout. La commercialisation cumule les boulets. Il faut noter le manque d'infrastructures de commercialisation et de circuits de distribution ou encore la non maîtrise de la chaîne de froid… La liste des malaises d'un secteur stratégique semble longue. L'industrie de la pêche ne se défend pas mieux à l'export. La structure des exportations par produit révèle la prédominance d'un nombre limité d'espèces à savoir poulpes, calamars, seiches, crevettes, sardines et anchois. De plus, ces exportations restent concentrées sur deux principaux marchés traditionnels, à savoir l'Espagne et le Japon. Ces deux marchés représentent ensemble 83% de la valeur des exportations et 68% de leur poids. Une structure doublement rigide qui reste le principal facteur de faiblesse des exportations du secteur. Et même la libéralisation n'y fera rien. La raison ? D'autres types de barrières ont été mises en place et ont pris de l'importance. La réglementation stricte en matière de qualité et de traçabilité affecte sensiblement les exportations marocaines en produits de la mer, particulièrement vers le marché européen. Il est clair que le secteur de la pêche est un secteur à problèmes mais les opportunités de développement du secteur des pêches demeurent énormes. De ce fait et pour la première fois dans l'histoire du Maroc, ce secteur dispose d'un plan de développement. C'est du plan Halieutis qu'il s'agit. Faut-il rappeler qu'en septembre 2009, les professionnels de la pêche maritime retrouvaient espoir dans l'annonce du plan Halieutis. Un plan structurel et stratégique, supposé remettre de l'ordre dans un secteur au bord de l'anarchie, et propulser les professionnels vers les meilleurs de leur capacité! Mais ce plan est qualifié par certains professionnels de plan trop ambitieux. Certes le plan est un plan de développement à long terme et porter un jugement après une année de mise en œuvre paraît injuste. Mais les professionnels du secteur parlent déjà d'un bilan de 1 an et trois mois. Pour eux, les premiers signes de défaillances sont là. S'agissant de la production halieutique, le ministère a annoncé une amélioration des captures de l'ordre de 8% et une baisse de 6% en valeur au terme de l'année 2010. Ces chiffres sont fortement contestés du fait que la situation du stock halieutique est critique. En conséquence, il semble que l'objectif visé par le plan Halieutis de franchir le seuil de production de 1,6 million de tonnes est remis en question. «Un objectif irréaliste», déclare R. Benkirane. Et d'ajouter que l'ambition d'arriver à 115.000 emplois directs et 510.200 indirects à l'horizon 2020 n'est que «trop rêver». Preuve en est que ce plan représente une menace de destruction de milliers d'emplois. Comme l'atteste l'exclusion catégorique de la pêche traditionnelle. Or, dans d'autres pays concurrents, cette filière a la place qu'elle mérite. Toujours côté ressources humaines, le budget alloué à la formation et à la mise à niveau de personnels au titre de l'année 2010 est de l'ordre de 3% du budget d'investissement. Or, ce budget est largement inférieur au précédent…