Trente deux ans après avoir quitté l'Union africaine, à l'époque l'OUA, le Maroc s'apprête à y revenir. Pour comprendre cette décision, il faut prendre en considération plusieurs changements majeurs, intervenus durant ce laps de temps. L'Afrique a beaucoup changé, c'est un fait. La guerre froide, le mur de Berlin ne sont plus là, les régimes ne sont plus classés en fonction des camps alliés mais en fonction de leur stabilité, de leur gouvernance. Le Maroc développe, depuis plus d'une décennie, une politique de coopération Sud-Sud non seulement avec ses alliés traditionnels, mais sur l'ensemble de l'Afrique de l'Ouest et une partie de l'Afrique de l'Est. Comme le dit le message royal adressé au Sommet de Kigali «Le temps est venu… de ne privilégier qu'un choix, celui du développement humain et durable, de la lutte contre la pauvreté». La diplomatie marocaine est hyper active sur ce terrain et les projets de co-développement se sont multipliés. La question du Sahara n'est pas «neutralisée», loin de là. Sur les 26 Etats qui avaient voté pour l'acceptation du Polisario au sein de l'OUA en 1984, la majorité a retiré sa reconnaissance de la prétendue RASD, c'est d'ailleurs la tendance au niveau international, puisque des pays d'Amérique Latine, bernés un temps, ont retiré cette reconnaissance malgré la propagande du camp adverse. Si le Maroc revient dans la structure africaine, ce n'est pas pour accepter le fait accompli, par le corrompu Edem Kodjo, Secrétaire Général de l'OUA à l'époque, mais pour opérer de l'intérieur pour un changement. SM le Roi a écrit : «C'est pourquoi, sur la question du Sahara, l'Afrique institutionnelle ne peut supporter plus longtemps les fardeaux d'une erreur historique et d'un legs encombrant». Le Souverain note que l'UA est en contradiction avec la légalité internationale puisque la RASD n'est reconnue ni par l'ONU, ni par la Ligue Arabe, ni par l'OCI. Le Maroc, en réintégrant l'Union africaine, propose à celle-ci une sortie de crise par le haut. Seule sa neutralité, sur ce dossier, lui permettra de peser sur la solution finale, qui ne peut être que dans le cadre d'une autonomie élargie. Le retour du Maroc ne se résume pas à l'affaire du Sahara. Le Royaume n'a pas cessé de défendre le droit de l'Afrique à participer à la gouvernance mondiale et a réussi à convaincre plusieurs puissances du bien fondé de cette position. Fidèle à ses principes, le pays défend la stabilité, la paix et l'intégrité territoriale des Etats, partout sur le continent, en particulier en participant aux missions de paix de l'ONU. Ce qu'il pourra aussi faire dans le cadre des forces de l'Union africaine. Ce retour du Maroc était une nécessité. L'institution africaine y gagne une voix qui porte dans le monde, avec des relations équilibrées, des liens avec toutes les puissances qui comptent. Elle y gagne aussi la présence d'une diplomatie attachée au projet africain, fidèle à toute une Histoire. Le Maroc pourra, lui, patiemment, réparer l'injustice qui lui a été faite à Nairobi, il y a 32 ans. L'avenir proche prouvera que ce retour était nécessaire et profite d'abord à l'ensemble du continent et à ses populations.