Barack Obama l'a admis dés le lendemain des élections de mi-mandat où l'opposition républicaine a remporté une bonne majorité au Congrès, s'est renforcée au Sénat et a arraché au moins dix postes de gouverneurs : c'était «une dérouillée». Comment comprendre le désamour à l'égard de ce président qui a suscité des espoirs si fous qu'aucun être humain n'était sans doute capable d'y répondre ? Quel avenir pour Obama ? Réponses en six mots clés. B comme Bilan A la veille des mid-terms, Obama affirmait avoir réalisé 70% de ses promesses électorales. Une chose est sûre: il a redoré le blason des Etats-Unis entaché par l'opprobre liée à la présidence Bush. Il a évité le pire à l'économie américaine, sauvé l'industrie automobile, esquissé une législation climat, donné aux étudiants des prêts abordables et contraint les compagnies pétrolières à financer les dégâts de la marée noire sur l'écosystème en Louisiane. Surtout, il a fait passer, non sans mal, la réforme de la santé sur laquelle plusieurs présidents américains se sont cassés les dents et grâce à laquelle trente millions d'Américains vont bénéficier d'une couverture médicale. Enfin, dans ce pays qui décrie tant les taxes, un tiers des 780 miliards de dollars du plan de relance a été affecté à des crédits d'impôts. Les impôts ont donc diminué depuis l'intronisation d'Obama… même si 30% d'Américains sont persuadés qu'ils ont augmenté ! D comme Désamour Ce bilan est bien plus positif qu'on ne le dit surtout pour une présidence qui a dû gérer la plus grande crise économique et financière depuis le krach de 1929, deux guerres en Irak et en Afghanistan, une marée noire sans précédent et une dette abyssale. Le problème, c'est qu'Obama n'a pas su convaincre les Américains de la réalité de ce bilan. Pour quatre raisons majeures : - l'impatience des Américains face à une situation où les choses ne changent pas assez vite et où ils craignent de voir leurs primes augmenter; - l'incompréhension face à un plan de relance qui n'a pas empêché le taux de chômage d'atteindre 10% de la population active (alors qu'il était de 7,7% à l'arrivée d'Obama en 2008). Mais on ne sait pas que sans le plan de relance, il aurait atteint 12% ! - la peur qui prévaut aux Etats-Unis : peur du déclin, du chômage, de perdre son logement, son travail… «Nous sommes programmés à ne pas penser clairement quand nous avons peur. Et le pays a peur», résume Obama; - la difficulté du président à communiquer sur son programme et à faire des relations publiques. Cela a accentué son image de président élitiste et distant. Et cela a permis aux Républicains de faire passer des idées totalement fausses. Par exemple celle que l'administration Obama est hostile au business alors que les profits des entreprises ont augmenté de 62% en un an! P comme Populisme et Tea Party C'est cette peur qui explique la montée du populisme et du Tea Party, le mouvement qui l'incarne sans craindre les outrances malsaines et mensongères. Bouc émissaire idéal, Obama s'est vu accuser d'être un dangereux socialiste, interventionniste, voire même communiste, responsable des bonus des banquiers, de vouloir prendre aux riches pour donner aux pauvres, de vouloir trop d'Etat, trop d'impôts, trop d'immigrés… Républicains et Tea Party, aidés en cela par la très extrémiste télévision Fox News, s'en sont donnés à cœur joie pour faire peur à la droite et transformer les angoisses des Américains en vote de colère contre Obama et les Démocrates! Reste qu'en dépit du score républicain, le bilan électoral du Tea Party est mitigé et le mouvement est en partie responsable de l'échec des Républicains à arracher le Sénat aux Démocrates! G comme Gouvernement divisé. Obama va devoir gérer un «gouvernement divisé», une cohabitation qui n'est pas la première aux Etats-Unis. Il dispose de l'arme absolue qu'est le veto. Mais l'opposition peut, elle, ne pas voter les crédits. Cette situation aboutira à de très fortes tensions, mais pas forcément au blocage du système. Obama, conscient que sous Bill Cinton les Républicains ont perdu la présidentielle après être apparus responsables de la paralysie, leur a fait part immédiatement de sa volonté de «travailler ensemble». Sur le fond, Obama ne reviendra pas sur les crédits alloués à l'éducation ou à la recherche. Alors que les Républicains en ont fait un argument de campagne, il ne veut pas non plus reconduire les réductions d'impôts adoptées sous Bush qui arrivent à échéance le 1er janvier. Quant à la fameuse réforme de la Santé, les Républicains parlent de son abrogation, mais ils sont divisés sur le sujet et rien ne dit qu'ils croiseront le fer sur cette loi, d'autant que le Président peut user de son veto. P comme Politique étrangère C'est dans ce domaine qu'Obama va chercher à récupérer de son autorité avec ses deux idées clés : sécurité et désarmement nucléaire. Mais il aura des difficultés à faire passer certains traités, par exemple la ratification du nouveau traité Start de désarmement avec la Russie. Il peut toutefois tenter de le faire avant l'entrée en fonction de la nouvelle Chambre le Ier janvier. Le dossier Proche-Orient risque la paralysie totale compte tenu de la proximité des Républicains avec la droite israélienne. Ces derniers s'opposeront aussi sans doute aux ventes d'armes à la Turquie. Mais on ne sait quel compromis se fera sur le dossier iranien. Enfin un durcissement politique à l'égard de la Chine est probable: sa puissance économique, obstacle au rééquilibrage de l'économie mondiale, inquiète autant que sa volonté de devenir une grande puissance militaire. Les récents conflits de souveraineté en mer de Chine alarment les pays de la région et la plupart y réclament une présence accrue des Etats-Unis. A commencer par le Japon dont la sécurité est garantie par Washington. R comme Réélection 2012 La défaite aux mid-terms est un avertissement pour Obama. Mais plusieurs éléments peuvent jouer en sa faveur: les divisions profondes au sein des Républicains et entre ces derniers et le Tea Party (Sarah Palin, ex-candidate à la vice présidence et égérie du Tea Party, est un problème majeur des Républicains). Ce mouvement menace même de lancer une candidature en 2012 si les Républicains ne réduisent pas les dépenses publiques et la dette. Or ces derniers vont être confrontés à la gestion des affaires. Et Obama n'est sans doute pas mécontent qu'en ces temps de crise, les Républicains soient contraints de partager les responsabilités au lieu de prospérer grâce à la dénonciation permanente et à la stratégie du «non» systématique. Il va bien sûr tenter de pousser les Républicains à la faute, comme l'avait fait avec succès Bill Clinton. Ultime carte en sa faveur : la démographie. Il pourrait en effet gagner grâce aux minorités même en ne remportant que 40% du vote blanc. Mais la vraie clé de la réélection du premier président noir de l'histoire américaine, c'est une amélioration de la situation économique. Si le chômage reste à 10% et la croissance anémique à 2%, elle est très compromise. Mais si il inverse un tant soit peu la tendance, il garde toutes ses chances pour 2012.