Entretien avec Pedro Baños, spécialiste espagnol en géostratégie et relations internationales qui avait dirigé au sein de l'armée de son pays différentes unités. Il avait assumé des responsabilités stratégiques au niveau européen, à travers l'Eurocorps. L'Observateur du Maroc et d'Afrique : Dans ce monde qui est secoué par le terrorisme et l'extrémisme religieux, le Maroc a adopté une stratégie globale où la gestion de la religion par la promotion de la connaissance et du savoir a une place importante. La formation des imams et des mourchidates entre dans ce cadre. Que pensez-vous de cette stratégie ? Pedro Baños : Je pense que le Maroc est sur la bonne voie dans ce domaine. Il procède d'une manière adéquate et porteuse. Et si ce pays est en mesure de sortir toute une génération d'imams qui sera capable de promouvoir une vision positive de l'islam, cela aidera à apporter une sécurité accrue en Europe. N'oublions pas que le Maroc est pourvoyeur de nombreux jeunes migrants à destination de l'Europe. Et donc l'espace européen et méditerranéen ne pourrait rester insensible à ce qui se passe dans le Royaume. Lequel fait face, comme bien d'autres pays dans le monde, au fléau de l'intégrisme. J'estime que nous ne devrions pas lutter contre la religion, mais contre les interprétations violentes de la religion. D'où l'importance de la formation lancée au Maroc. Cette formation a du succès puisque le Maroc continue de recevoir des demandes de différents pays d'Afrique et d'Europe pour former des imams. Pour aller encore plus loin, un nouveau cadre de coopération en matière religieuse vient d'être créé. Il s'agit de la Fondation Mohammed VI pour les oulémas africains. Quel impact pourrait avoir une telle instance ? Je crois fermement que dans le long terme, les initiatives de ce genre seront la solution à de nombreux problèmes liés à l'extrémisme religieux. Cela aidera à traiter les questions religieuses avec sérénité. D'ailleurs, la religion enseigne essentiellement la moralité pour le bien commun des humains et promeut des valeurs fondamentales en faveur de l'humanité. Les échanges pacifiques et le dialogue sont des outils qui permettront d'éviter les interprétations religieuses qui prônent la violence. Pensez-vous que la communauté internationale commence à reconnaître au Maroc ce rôle fédérateur qu'il s'assigne aujourd'hui en matière religieuse ? Ce rôle a été salué et appuyé par tous les pays occidentaux, en particulier, l'Espagne. Je pense que le Maroc gère efficacement sa diplomatie spirituelle. Dans sa démarche, il favorise l'intégration ainsi que la cohabitation pacifique, mais aucunement l'assimilation. Et je pense que la stratégie marocaine n'est pas loin de porter ses fruits.