Mais que font donc les militaires français en Afrique ? Manifestement, il nest jamais simple pour un pays de tourner la page dune longue histoire. Le 4 avril dernier, cest le président sénégalais, Abdoulaye Wade qui jetait un pavé dans la mare. ? loccasion du 50e anniversaire de lindépendance du Sénégal - pour lequel 1500 personnalités étaient venues, dont dix-neuf chefs dEtat africains - il annonçait quil fermait la base française de Dakar. Un excellent coup politique par un président qui veut rester dans lHistoire de son pays comme celui qui aura parachevé lindépendance du Sénégal. ? Paris, lannonce fait grincer des dents. On a limpression d«être chassé comme des occupants» selon les mots dun diplomate. Bref, entre les deux capitales, laffaire se double dun problème dego. Pas si simple. Nicolas Sarkozy qui na jamais eu la fibre africaine décide, dès son arrivée au pouvoir, que le maintien de milliers de militaires français sur le continent noir est un anachronisme. On ne gardera plus quune base sur la côte Atlantique de lAfrique. Pour des raisons stratégiques, les militaires préfèrent Dakar à Libreville (Gabon). En février 2008, au Cap, Sarkozy annonce que la France va renégocier les accords de défense passés avec huit de ses ex- colonies. Nouvel objectif ? Transparence, prise en charge par lAfrique de sa sécurité et européanisation des interventions militaires sur le continent. La renégociation est en cours. Elle a eu lieu avec le Gabon, se termine avec le Cameroun et le Togo et se poursuit avec la Centrafrique, les Comores, la Côte dIvoire, Djibouti et le Sénégal. Alors quautrefois, des clauses secrètes prévoyaient que lancienne métropole pourrait intervenir pour des raisons de politique intérieure, une clause du nouvel accord prévoit explicitement la non-intervention française en cas de troubles intérieurs. Avec le Sénégal, tout se passe normalement lorsquà lautomne il fait savoir quil souhaite récupérer la base de larmée de terre française pour réaménager ce quartier de la capitale. En contrepartie, on propose des terrains en dehors de Dakar. Refus de Paris pour des raisons de coût. La France décide donc de retirer les 900 hommes du BIMA (infanterie de marine) et de laisser larmée de lair et la marine (300 hommes). Nicolas Sarkozy en fait lannonce lors dun voyage officiel au Gabon : Libreville sera choisie pour abriter la base française de la côte Atlantique de lAfrique. Maladroit. Les Sénégalais sont mécontents. «Puisque la France a décidé de partir, je ne pouvais pas avoir lair de la retenir. Ce nest pas mon rôle», nous précisait dimanche le président Wade. «Et cela ne ressemblait à rien de laisser 300 hommes. Jai donc décidé de reprendre la base et je suis prêt à examiner, dès demain, les demandes de facilité que la France va me demander. Elle veut lancer une coopération militaire sous-régionale et a besoin dun pays sur lequel sappuyer», poursuivait-il. La balle est dans le camp de la France. Dans limmédiat, elle maintient trois points dappui sur le continent : Djibouti, 2900 hommes ; Gabon, 980 ; La Réunion, 1460. Et renforce sa coopération avec les Européens pour former des forces africaines de maintien de la paix ou pour monter des opérations communes, comme au Congo-Kinshasa et en Côte dIvoire (opération Licorne sous parapluie de lONU). Cest probablement un des moyens pour commencer à sortir de cette relation ambiguë que Paris entretient, depuis un demi-siècle, avec «so» Afrique indépendante.