Chuck Watson : Avez-vous pensé à généraliser l'expérience de Talborjt aux autres quartiers d'Agadir ? Michèle Augsburger : Il faut souligner tout d'abord que près de 250 chiens sont abattus tous les mois par la municipalité à Agadir. Dans la commune rurale de Taghazout, avec l'aval des autorités locales, nous avons lancé le 15 juillet dernier un programme de vaccination et de stérilisation d'une soixantaine de chiens errants. On les marque avec une boucle d'oreille rouge, on les répertorie et on les relâche. Résultat : ils sont beaucoup plus calmes, moins bruyants, moins agressifs, ne se regroupent plus en meutes et ne se bagarrent plus. Il faut savoir en effet que ces comportements sont purement hormonaux et qu'une stérilisation de l'animal les réduit considérablement et aide ce dernier à trouver un certain équilibre. Comment sont accueillies ces opérations par la population des quartiers ? A Talborjt comme à Taghazout, les habitants sont très contents. Ils sentent que leurs rues sont plus propres, plus tranquilles et plus sûres. A Talborjt, on ne trouve plus de chatons aux yeux infectés remplis de pus, les rues n'empestent plus l'urine féline (marquant le territoire) et les riverains ne sont plus dérangés par les miaulements des chattes en chaleur et les rixes des mâles en rut. Pareil à Taghazout. Il faut dire aussi que dans les campagnes, les chiens jouent un rôle social important : ils aident les bergers et les gardiens de fermes dans leur travail, les familles modestes y recourent aussi pour protéger leur maison et leur bétail. Le chien accompagne l'humanité depuis l'aube des temps et il est tout à fait possible de revenir à cette cohabitation harmonieuse entre l'homme et l'animal. Pensez-vous qu'il y a une prise de conscience générale autour de la question animale au Maroc? Oui, les mentalités ont beaucoup évolué. Des gens viennent régulièrement nous apporter des chiots abandonnés ou des chats malades pour les soigner. Nombre de citoyens montrent par ailleurs sur les réseaux sociaux leur vif désaccord avec ces méthodes d'extermination anachroniques et avec la maltraitance animale en général. Enfin, grâce à internet où des voyageurs viennent rapporter les scènes d'abattage et d'empoisonnement des animaux errants dans des zones très touristiques comme Taghazout, les autorités ont également pris conscience que l'élimination des animaux errants ternit l'image du Maroc en lui donnant une réputation qui n'est pas le reflet d'une culture ancestrale pacifique et bienveillante envers toutes les créatures divines. Maintenant, il reste un travail de sensibilisation à mener au niveau des écoles sur la nécessité et la possibilité d'une belle coexistence entre l'humain et l'animal❚