L'Observateur du Maroc : Quelle est la position de l'ANAM quant à l'ouverture du secteur de la santé aux capitaux privés ? Hazim Jilali : L'offre de soins au Maroc est en deçà des besoins de la population. Depuis la mise en place de l'AMO en 2006, l'économie de la santé est passée de 30 à 50 milliards de dirhams. Or, cet argent injecté dans l'économie n'a pas eu d'impact sur les investissements. Nous devons rattraper le retard et sauver la mise. L'Etat ne peut pas, à lui seul, résoudre le problème. La solution de faire appel aux investisseurs privés non médecins me parait judicieuse. Toutefois, il faut des gardes fous, notamment la mise en place de la carte sanitaire et le recours au partenariat public privé, pour que l'infrastructure soit implantée partout, surtout en dehors de l'axe Rabat/Casablanca qui englobe à lui seul plus de 50% de la médecine spécialisée. Certains professionnels clament qu'une telle ouverture entrainera l'augmentation des tarifs de la médecine. Qu'en pensez-vous ? Au contraire. L'instauration d'un système compétitif entrainera plutôt la baisse des tarifs. Notre pays a un organe régulateur des tarifs qui est l'ANAM. Si les tarifs ne baissent pas ils ne pourront augmenter. Après 8 mois à la tête de l'ANAM, quel bilan ? L'ANAM est en train d'exercer sa mission comme stipulé par le texte. Elle ne dérape plus et est sur les bons rails tel que confirmé par le dernier conseil d'administration tenu récemment. Nous avons revu toutes les commissions ad hoc, étendu la liste des médicaments remboursables par l'AMO pour atteindre quelques 3212 produits dont 1.447 princeps et 1765 génériques (y compris les 17 spécialités récemment admises), sur la totalité de ceux commercialisés au Maroc dont le nombre est de 5000. Sur les 40.000 dispositifs médicaux seulement 800 sont remboursables aujourd'hui et les prix sont exorbitants. L'objectif est de réduire les tarifs et élargir la liste. 33% des dépenses sont aujourd'hui absorbées par les médicaments. Nous souhaitons encourager la prescription du médicament générique et devons sensibiliser les prescripteurs dans ce sens en vue d'alléger le différentiel de prix supporté par l'assuré. Nous travaillons aussi sur l'accélération de la production et la diffusion des protocoles thérapeutiques. A noter que depuis la création de l'ANAM, seuls 8 protocoles ont été produits. L'ambition est de produire une dizaine de protocoles de soins chaque année à commencer par l'année en cours. Un autre axe de notre plan d'actions concerne la nomenclature générale des actes professionnels. Nous voulons migrer progressivement vers la classification commune des actes médicaux, une nomenclature beaucoup plus détaillée que celle que nous utilisons actuellement et qui permettrait donc une meilleure maîtrise des dépenses grâce à un contrôle facilité. Quelle feuille de route pour 2014-2018 ? La décision de l'extension du panier des prestations de l'AMO-CNSS aux soins dentaires à partir du 1er janvier 2015 fait partie des principaux points discutés lors du dernier conseil d'administration. Dans ce sens, le conseil s'est prononcé aussi sur la révision du taux de cotisation qui est une conséquence directe et nécessaire à cette extension. Dans le cadre de sa feuille de route pour la période 2014-2018, l'ANAM est décidée à renforcer les mesures de régulation dans le cadre de l'Assurance maladie obligatoire (AMO), notamment celle en rapport avec le poste des médicaments qui absorbe, à lui seul, près de 33% des dépenses. L'ANAM a alimenté le Guide des médicaments remboursables (GMR) de 17 spécialités génériques supplémentaires se rapportant à différentes pathologies. Ce guide est instauré pour servir de référentiel à la fois aux assurés, aux prescripteurs, et aux organismes gestionnaires de l'AMO. Quel est le Bilan actuel de l'AMO ? Et quel est l'état d'avancement du projet de couverture des indépendants, professions libérales et étudiants ? Nous sommes aujourd'hui à 53% de taux de couverture de la population. Pour les autres catégories objet de votre question, le dossier est finalisé et la décision sera prise dans les semaines qui viennent. D'ici 2016, ces trois catégories seront couverts. Outre l'AMO, vous êtes aussi gestionnaire du RAMED, votre appréciation sur le fonctionnement de ce régime ? L'ANAM est un établissement public de régulation de l'AMO et en principe gestionnaire des ressources affectées au Ramed. Mais sur le terrain, nous ne gérons rien du tout. Le système tel qu'il a été édicté par la loi ne fonctionne pas encore. Il faut une adaptation du texte. Nous avons suggéré la création d'un organisme, qui serait indépendant du ministère de la Santé, placé sous le contrôle de l'ANAM, pour gérer l'ensemble des ressources du Ramed selon les modalités et la forme prévues par l'assurance sociale ce qui permettra d'en améliorer la gouvernance et d'en assurer la pérennité. L'ANAM gérerait ces ressources pendant deux ans, une période transitoire permettant la création de cet organisme par les pouvoirs publics. Audelà de ces deux ans, elle pourra jouer alors pleinement son rôle de régulateur de l'AMO et du Ramed. L'ANAM a repris les négociations pour la réforme des conventions tarifaires suspendues en 2011. A quand la nouvelle grille tarifaire ? Effectivement, nous travaillons actuellement sur cette réforme. Les médecins et les cliniques, dans leur grande majorité ne respectent pas les tarifs de la convention de 2006. Et les assurés font les frais de ce dysfonctionnement. Des négociations sont en cours avec les secteurs public et privé ainsi qu'avec les établissements privés à but non lucratif comme l'hôpital Cheikh Zaid à Rabat pour qu'une nouvelle grille soit mise en place en fin d'année. La baisse des prix des médicaments sera prise en considération dans la grille qui sera proposée aux prestataires de soins. Les ajustements seront faits à la baisse comme à la hausse en fonction des cas. Nous mettrons également en place un mécanisme de suivi et d'évaluation en vue d'une révision des tarifs tous les trois ans comme le prévoit la loi. Dès cette année les entreprises doivent basculer vers le régime de base. Où est-ce que vous en êtes ? Le délai de cinq ans accordé par la loi dans son article 114, prolongé à deux reprises, a expiré à la fin décembre 2013. Normalement, dès 2014, les entreprises doivent basculer vers le régime de base. Le texte de loi est en train d'être revu pour que le basculement se fasse en une année. En 2013, ce sont 500.000 entreprises qui ont adhéré au système. Reste 1,350 millions qui doivent se conformer à la loi. Quelles mesures proposez-vous pour lutter contre les mauvaises pratiques ? Pour renforcer le contrôle et la transparence, nous proposons de mettre en réseau les prestataires de soins et les organismes gestionnaires. L'objectif est de dématérialiser la gestion de l'AMO. Il s'agit pour nous d'un moyen de lutte contre le noir et l'utilisation de chèques de garantie. Nous prévoyons également de renforcer le rôle de la commission de la transparence. Nous travaillons sur la refonte de tout l'arsenal juridique pour résoudre les incohérences et les anomalies. Par exemple en matière de contrôle et sanctions, les dispositions ne sont pas claires. A revoir pour lutter contre la fraude❚